Hasard du calendrier, la finale de la Coupe du monde de football a lieu durant la journée internationale des migrants. En France, les collectifs de sans-papiers ont manifesté contre le projet de loi immigration, mais aussi pour les ouvriers morts au Qatar, et en solidarité avec les migrants exploités sur les chantiers des JO de Paris 2024. (…) Un article publié sur Mediapart |
Lire l’article |
Catégorie : Luttes migrant·es
Dans les années 1960 et 1970, la France a recruté 80 000 Marocains pour travailler à bas coût dans les mines du Nord et de la Lorraine. La sociologue Mariame Tighanimine, fille d’un de ces mineurs, et la journaliste Ariane Chemin braquent les projecteurs sur cette histoire absente des manuels scolaires.
9 décembre 2022 à 19h43
Le monde aujourd’hui incarné par Darmanin chasse, agresse, tue, expulse, discrimine, surexploite et divise sur la base de l’origine, la couleur de peau, la nationalité, la religion.
Ce monde qui brise les solidarités détruit aussi la planète, développe toutes les inégalités et s’attaque à tous nos droits. Ce monde porte la guerre et le fascisme.
Ensemble Sans-Papier, migrante, migrant, étranger, étrangère, racisé·e, musulmane, musulman, syndicaliste, féministe, écologiste, habitant·e des quartiers, organisons-nous, mobilisons-nous.
Nous disons que si nous ne ripostons pas quand l’un·e d’entre nous est discriminé·e, humilié·e, réprimé·e, exploité·e ce sont toutes nos luttes qui sont affaiblies.
Des centaines de milliers de Sans-Papiers vivent et travaillent aujourd’hui en France, cotisent, déclarent et paient des impôts sans aucun droit. Au moment où même certains patrons demandent des régularisations l’unité est plus que jamais cruciale pour gagner la régularisation de toutes et tous les sans-papiers, l’égalité des droits et des revenus et des conditions de travail décents pour toutes et tous, français·e·s comme étranger·ère·s.
Si elle est brisée en un de ses points la solidarité ne peut tenir.
Acceptée pour les Sans-papiers, l’inégalité sera plus difficile à combattre sur d’autres questions. Entre unité ou racisme, entre solidarité ou nationalisme, il faut choisir. Il en va de notre avenir à tou·te·s.
Dans le monde incarné par Darmanin, l’étranger, l’étrangère, est le problème, l’ennemi.
Mais nous sommes des millions d’étrangers, d’étrangères à son monde.
Ensemble devenons le problème de Darmanin. Notre monde s’appelle Solidarité.
Nous appelons à nous mobiliser partout ensemble et à inscrire nos revendications dans toutes les luttes.
Nous appelons à une journée nationale de manifestations sur tout le territoire à l’occasion de la Journée Internationale des Migrant·e·s le dimanche 18 décembre.
Contre la loi immigration de Darmanin,
Contre la double peine et les centres de rétention,
Contre la criminalisation de la solidarité !
Pour la régularisation des Sans-Papiers,
Pour la liberté de circulation,
Pour l’égalité des droits !
Cliquez ici pour télécharger un argumentaire contre la loi immigration de Darmanin
Le gouvernement vient de lancer de soi-disant consultations et des débats sur une énième loi sur l’asile et l’immigration (la 28ème depuis 1986, la seconde d’un gouvernement Macron) et à mesure que celle-ci se précise, nos craintes et notre opposition se renforcent. Le ressort unique, celui de la xénophobie, le rejet et de la peur de l’étranger, permet de faire des immigré·es des boucs émissaires faciles.
Les exilé·es fuient la guerre, la misère ou les crises écologiques, conséquences d’années de politiques néolibérales au profit des gouvernements et des entreprises capitalistes et colonialistes.
Le but de cette énième loi ne fait aucun doute : accueillir le moins possible, réprimer et expulser le plus grand nombre. Rien de bien nouveau : trier les sans-papiers, les considérer comme de la main d’œuvre, corvéable à merci par les patrons, avec une nouvelle carte, annuelle, des plus précaires, les cantonnant dans les métiers dits sous tension, sans possibilité de changer de secteur d’activité. De plus, une frange de population sans papiers ne serait ni régularisable ni expulsable, maintenue sous OQTF et sous IRTF pendant non plus 1 mais 3 ans. Cela les mettrait encore plus longtemps à la merci des prédateurs patronaux en mal d’exploitation. Pour les autres, celles et ceux qui sont en situation régulière, on leur demandera de prouver qu’ils et elles sont “intégré·es” avant de leur concéder une carte de séjour pérenne pour vivre et travailler sereinement et dignement : une carte pluriannuelle voire une carte de résident.
En citant Jacques Bainville, figure antisémite de l’Action Française, ou en assimilant délinquance et immigration, le ministre Darmanin ne fait que donner des gages à l’extrême droite. Le débat se tient dans un contexte nauséabond avec une extrême droite très présente dans les débats et dont les propos et les mensonges sont distillées sans complexe par des médias, et en premier lieu par ceux du milliardaire Bolloré. Cette parole décomplexée libère, depuis de trop nombreux mois, les groupuscules d’extrême droite qui attaquent dans de nombreuses villes les mobilisations unitaires et les organisations syndicales ou politiques sans aucune retenue.
Ce monde-là, nous n’en voulons pas.
Le gouvernement ne veut pas entendre nos revendications d’accueil immédiat et sans condition des exilé·es. Nos camarades sans-papiers des trois piquets de grève de DPD, Chronopost et RSI depuis un an le savent bien. Par leur combat, avec l’arme de la grève, ils démontrent comment un système capitaliste ne peut fonctionner qu’avec une main d’œuvre qu’il espérait corvéable à merci. Ils démontrent, avec ténacité et courage, leur volonté d’obtenir le droit légitime de vivre pleinement sur le territoire. Il est plus que temps d’accéder à leur demande de régularisation !
Le 6 décembre, durant le premier débat à l’Assemblée Nationale, une première riposte unitaire s’est mise en place, avec des collectifs de sans-papiers, des associations, des ONG et Solidaires en interpellant les député·es qui ont bien voulu nous rencontrer, puis avec un rassemblement massif et festif.
Cette riposte doit se poursuivre et s’étendre. C’est ce que nous construisons avec la Marche des Solidarités avec des mobilisations qui auront lieu partout sur le territoire le 18 décembre pour la journée internationale pour les droits des migrantes et des migrants. A Paris la manifestation partira à 11h de Porte de la Chapelle.
Solidaires continuera partout à dénoncer cette politique de l’immigration jetable, et appelle à construire un cadre unitaire large pour revendiquer haut et fort, toutes et tous ensemble, la liberté de circulation et d’installation avec une véritable politique d’accueil.
Pour gagner, la riposte doit s’amplifier !
Solidarité, Liberté, Égalité, Papiers !
CONTRE DARMANIN ET SON MONDE
Le monde aujourd’hui incarné par Darmanin chasse, agresse, tue, expulse, discrimine, surexploite et divise sur la base de l’origine, la couleur de peau, la nationalité, la religion.
Ce monde qui brise les solidarités détruit aussi la planète, développe toutes les inégalités et s’attaque à tous nos droits. Ce monde porte la guerre et le fascisme.
Ensemble Sans-Papier, migrante, migrant, étranger, étrangère, racisé·e, musulmane, musulman, syndicaliste, féministe, écologiste, habitant·e des quartiers, organisons-nous, mobilisons-nous.
Nous disons que si nous ne ripostons pas quand l’un·e d’entre nous est discriminé·e, humilié, réprimé, exploité ce sont toutes nos luttes qui sont affaiblies.
Des centaines de milliers de Sans-Papiers vivent et travaillent aujourd’hui en France, cotisent, déclarent et paient des impôts sans aucun droit. Au moment où même certains patrons demandent des régularisations l’unité est plus que jamais cruciale pour gagner la régularisation de toutes et tous les sans-papiers, l’égalité des droits et des revenus et des conditions de travail décents pour toutes et tous, français·e·s comme étranger·ère·s.
Si elle est brisée en un de ses points la solidarité ne peut tenir.
Acceptée pour les Sans-papiers, l’inégalité sera plus difficile à combattre sur d’autres questions. Entre unité ou racisme, entre solidarité ou nationalisme, il faut choisir. Il en va de notre avenir à tou·te·s.
Dans le monde incarné par Darmanin, l’étranger, l’étrangère, est le problème, l’ennemi.
Mais nous sommes des millions d’étrangers, d’étrangères à son monde.
Ensemble devenons le problème de Darmanin. Notre monde s’appelle Solidarité.
Nous appelons à nous mobiliser partout ensemble et à inscrire nos revendications dans toutes les luttes.
Nous appelons à une journée nationale de manifestations sur tout le territoire à l’occasion de la Journée Internationale des Migrant·e·s le dimanche 18 décembre.
Contre la loi immigration de Darmanin
Contre la double peine et les centres de rétention
Contre la criminalisation de la solidarité
Pour la régularisation des Sans-Papiers
Pour la liberté de circulation
Pour l’égalité des droits
Tous les visuels : https://antiracisme-solidarite.org/nos-visuels/
Publication presse : https://antiracisme-solidarite.org/
Liste des 139 collectifs, syndicats, associations, réseaux, organisations, locales comme nationales qui sont les premiers signataires de l’appel :
La Marche des Solidarités et les collectifs de sans-papiers :
- Collectif de Demandeur.se.s de Papiers 13
- Collectif des sans-papiers de Lyon (CSP69)
- Collectif Migrants 17
- Collectif Migrants 83
- Collectif Sans-Papiers 95 (CSP95)
- Collectif Sans-Papiers de Montreuil
- Collectif Sans-Papiers Paris 20
- Coordination Sans-Papiers 75
- Collectif Sans-Papiers Paris 17eme
- Collectif Travailleurs Sans-Papiers Vitry
- Droits devant!!
- CISPM Mannheim
- Coalition Internationale des Sans-Papiers et Migrants (CISPM)
Et
- 100 pour 1 Surgères
- 20eme solidaire avec tou·te·s les migrant·e·s
- ACE (Action Culture Entreprise) Rennes
- ACOR Association Contre le Racisme
- Act For Ref
- Actions Refugees Paris
- AG contre les violences d’Etat, Montpellier
- Alternatives et Autogestion
- AMAAR (Association Mortainaise d’Aide et d’Accueil des Réfugiés)
- ANC (Association Nationale des Communistes)
- APICED
- Arts et Cultures des Deux Rives signe ACDR
- Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (ACORT)
- Association accueil Azun
- Association de Solidarité et d’information pour l’Accès aux Droits des étrangers
- Association de Soutien aux Amoureux au Ban Public de Lyon
- Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF)
- Association des Familles des Prisonniers et Disparus Sahraouis (AFAPREDESA)
- Association des Familles Victimes du Saturnisme (AFVS)
- Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
- Association française des juristes démocrates
- Association France Palestine Solidarité 46
- Association France Palestine Solidarité Paris-Sud
- Association Marocaine des Droits Humains AMDH Paris/IDF
- Association Pour continuer de Vivre
- Association Tous citoyens
- Associations des Marocains en France (AMF)
- ASTI de Petit-Quevilly
- ATPAC Maison Solidaire
- ATTAC France
- ATTAC Rennes
- Auberge des Migrants
- AUDE Réfugiés Solidarité
- Autremonde
- CADTM France
- CGT AHSFC (Besançon Doubs)
- CGT énergie Paris
- CIVCR Collectif Ivryen de Vigilance Contre le Racisme
- CNT Educ 75
- Collectif “chabatz d’entrar”
- Collectif 100 Pour Un Toit Comminges
- Collectif Boycott Apartheid Israël – Paris Banlieue
- Collectif de défense des droits des étrangers (CDDLE)
- Collectif de soutien de l’EHESS aux sans-papiers et aux migrant-es
- Collectif Justice & Libertés
- Collectif Liberté Egalité Papiers à Paris 20e une carte d’habitant.e pour tou.t.es
- Collectif Migrant.e.s Bienvenue 34
- Collectif poitevin D’ailleurs Nous Sommes d’Ici
- Collectif soutiens / migrants Croix-Rousse
- Comico (collectif migrants comminges)
- Comité Manche Droits des Femmes
- Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
- Confluences 81
- Coordination Pas sans Nous
- COPAF
- CRID
- CSLAM (Collectif saint-lois d’aide aux Migrants)
- Culture et Solidarité
- D’ailleurs Nous Sommes d’Ici 67
- Droits Ici Et La-bàs (DIEL)
- ELAfF (écolo-libertaire ANTIFASCISTE & féministe)
- Emancipation tendance intersyndicale
- Ensemble pour un Toit 70
- ENSEMBLE!-MAGES
- ENSEMBLE35
- Europe Ecologie les Verts
- FASTI
- Fédération Anarchiste
- Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR)
- Fédération Etorkinekin-Diakité
- Femmes Plurielles
- FSU
- FUIQP
- Gauche Eco Socialiste (GES)
- Génération.S
- Gilets jaunes du Jarnisy
- Gisti
- Groupe d’appui de la France Insoumise de Villeneuve Saint Georges
- ICARE05 (Initiative Citoyenne pour l’Accueil de Réfugiés dans l’Embrunais)
- Ingénieurs sans frontières
- Insoumis Comminges-Savès (31)
- JAMAIS SANS TOIT DE VAULX EN VELIN
- La Cimade Figeac
- La FI 17
- LDH Paris 20
- LDH70
- Le Cercle MANOUCHIAN
- Les Communaux
- Les Midis du MIE
- LIÉ·E·S
- “Migrations, Minorités Sexuelles et de
- Genre (2MSG)”
- Mouvement des Progressistes
- MRAP Vaucluse
- Nouvelle Jungle Lille
- NPA
- Oury Jalloh Initiativ Berlin\Mannheim
- Paris d’Exil
- PEPS 81 (Pour une Ecologie Populaire et Sociale)
- PEPS Pour une Ecologie Populaire et Sociale
- Réseau Education Sans Frontières (RESF)
- Réseau Euro-Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC)
- RESF 61
- RESF 81
- RESF Gard
- Rosmerta
- RUSF38 (Réseau Universitaire Sans Frontière de Grenoble)
- RUSF51
- Section Syndicale CGT Société de Restauration du Musée du Louvre
- Solidaires étudiant-e-s
- Solidarités Asie France (SAF)
- SOS Refoulement
- SUD éducation 35
- Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (SNPES-PJJ/FSU)
- TadamunExil 70
- Terre d’Ancrages
- Tous Migrants
- UD Solidaires 35
- UN TOIT C’EST TOUT
- Une Ecole, Un Toit, des Papiers – Pays dacquois
- Union Communiste Libertaire
- Union Juive Française pour la paix (UJFP)
- Union Locale CGT PARIS 18
- Union Populaire de Villeneuve Saint Georges
- Union Syndicale Solidaires
- Union Syndicale Solidaires Val-de-Marne
- Voies Libres Drôme
Dans un climat de stigmatisation des personnes étrangères, La Cimade propose de déconstruire les idées fausses qui sont véhiculées et d’analyser la question de l’immigration sous un autre prisme.
L’instrumentalisation des questions migratoires se traduit aujourd’hui par de multiples déclarations d’un gouvernement cherchant à flatter les positions anti-immigration d’une partie de l’opinion, alors qu’une énième loi sur l’asile et l’immigration est annoncée pour le premier semestre 2023. Dans un climat de stigmatisation des personnes étrangères, La Cimade propose de déconstruire les idées fausses qui sont véhiculées et d’analyser la question de l’immigration sous un autre prisme.
IMMIGRATION : ENTRE FANTASMES ET REALITE
Pour justifier une nouvelle loi sur l’asile et l’immigration – la 29ème depuis 1980 – les membres du gouvernement s’attèlent à propulser au-devant de la scène médiatique les enjeux autour de la nécessité de « mieux » expulser en instrumentalisant les questions relatives à l’immigration irrégulière. Le président de la République a ainsi déclaré le 26 octobre dernier auprès du Conseil des ministres regretter des arrivées trop nombreuses ces dernières années. Dans une interview pour le journal Le Monde le 2 novembre dernier, les ministres de l’Intérieur et du Travail ont par ailleurs affirmé que « la part des étrangers dans notre population va atteindre les 10 % dans les années qui viennent ». Ces propos laissent non seulement entendre que la France serait envahie par des « flux d’immigration irrégulière » incontrôlés, mais entretiennent une confusion volontaire, puisque les chiffres relatifs à la population étrangère ne peuvent être mis sur le même plan que ceux relatifs à l’immigration irrégulière. En 2021, la population étrangère dans son ensemble s’élevait à 7,7 % de la population totale française. En se basant sur différents types de chiffrages, celle ayant trait aux personnes en situation irrégulière, oscillerait entre 0.52 % et 1.19 % de la population totale.
La France est-elle dépassée par des « flux d’immigration irrégulière » ?
Le ministre de l’Intérieur a par ailleurs déclaré le 27 octobre dernier que « Nous avons un travail à faire pour rendre la vie des personnes sous OQTF impossible en France, comme leur interdire l’accès aux logements sociaux… ». Ces propos sont dangereux car ils s’inscrivent dans le sillage d’un bon nombre de déclarations visant à véhiculer l’idée fausse selon laquelle les personnes étrangères abuseraient de droits et de prestations sociales. Or, les personnes sans-papiers n’ont accès ni aux logements sociaux ni aux droits sociaux, en dehors de l’aide médicale d’Etat. Ces propos sont par ailleurs symptomatiques d’une politique de harcèlement et de bannissement clairement assumée par le gouvernement, ce qui est particulièrement inquiétant dans ce contexte d’avant-projet de loi.
« Rendre la vie des personnes sous OQTF impossible en France » : que veut-dire cette phrase prononcée par le ministre de l’intérieur ?
UNE POLITIQUE D’EXPULSION ABSURDE
Il y a encore quelques semaines, peu de personnes étaient familières avec l’acronyme OQTF (obligation de quitter le territoire français). Aujourd’hui, l’actualité s’est emparée du sujet et la politique d’expulsion fait l’objet de vifs débats, et pour cause, le gouvernement tente par tous moyens de justifier sa politique d’expulsion défaillante. Pour expliquer le faible taux d’exécution des OQTF, le ministre de l’intérieur a déclaré au journal Le Monde le 2 novembre dernier que « […] pour calculer le taux d’exécution, on ne compte que les départs aidés et les départs forcés, soit près de 17 000 éloignements en 2021. Or, des milliers de personnes quittent le territoire après avoir reçu une OQTF, sans qu’on le sache ». Pour remédier à ce problème, le ministre de l’intérieur affirme « désormais inscrire toutes les OQTF au fichier des personnes recherchées, le FPR. Il ne s’agit pas de rétablir le délit de séjour irrégulier mais de pouvoir constater que la personne repart comme lorsque, par exemple, elle reprend un avion et ainsi de compter tous les départs d’étrangers ». Pourtant, non seulement les statistiques du ministère de l’intérieur comptabilisent bien les départs spontanés, mais l’inscription de toutes les personnes sous OQTF au FPR s’avère être une fausse mesure, car c’est déjà le cas pour la majorité des personnes sous OQTF.
Comment la France calcule-t-elle le nombre d’expulsions réalisé ?
Par ailleurs, dans l’optique de vanter les résultats de sa politique d’expulsion, le 27 octobre dernier, à l’antenne de France Inter, le ministre de l’intérieur a déclaré : « Nous faisons plus que l’Allemagne, plus que l’Espagne et plus que l’Italie, mais nous ne faisons pas assez ».
Qu’en est-il réellement des chiffres relatifs à l’expulsion ? Au total, 125 450 obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été prononcées en France en 2021 (source : Eurostat). Avec ce chiffre, la France est de loin le pays européen qui édicte le plus d’OQTF. Ainsi, vu sous cet angle, la France « fait plus » que ses pays voisins. En revanche, en examinant l’ensemble des données de plus près, la France présente un taux d’exécution des OQTF bien plus faible que ses voisins européens, ce qui vient ainsi contredire le fait que la politique d’expulsion française serait « meilleure » que celle de ses voisins européens.
La France « fait-elle plus » en matière d’expulsion que ses voisins européens ?
Le fort taux de délivrance d’OQTF non exécutables appelle d’ailleurs à un certain nombre de réflexions, à commencer par savoir si la France se conforme aux exigences de la loi. En effet, le constat d’un séjour irrégulier ne peut mener à la notification automatique d’une OQTF puisque la loi impose que l’administration procède à un examen personnalisé de la situation de la personne en amont de la notification d’une mesure d’éloignement afin de garantir que la mesure ne viole pas des dispositions législatives qui protègent certaines catégories de personnes contre l’éloignement. Or, La Cimade rencontre de manière croissante des personnes sous OQTF qui devraient faire partie des catégories protégées contre l’éloignement. C’est le cas par exemple des mineur∙e∙s, des personnes encourant des risques de traitements inhumains et dégradants en cas d’expulsion, ou des parent∙e∙s d’enfant français∙e∙s mineur∙e∙s.
Que révèle le faible taux d’exécution des mesures d’expulsion ?
EXPULSION ET ETAT DE DROIT
Toujours dans l’objectif de justifier une politique d’expulsion qui dysfonctionne, le ministre de l’intérieur s’efforce à identifier des prétendus obstacles à l’expulsion. Dans ce cadre, la thématique qui revient régulièrement dans ses déclarations concerne celle de la justice. Monsieur Darmanin a ainsi déclaré : « Notre droit est trop complexe. Pour expulser un étranger en situation irrégulière, nous avons jusqu’à 12 recours administratifs et judiciaires […] [Quand] vous faites des recours, vous ne pouvez pas expulser la personne […] Plus de la moitié des 120 000 OQTF prises ne sont pas exécutoires à cause de recours devant le tribunal administratif ».
Le ministre de l’intérieur opère dans ces propos une confusion entre ce qui relève de la procédure, et ce qui relève du recours. Il s’est ensuite repris le 2 novembre dans une interview au journal Le Monde en affirmant : « D’abord, il y a près de 50 % des OQTF qui font l’objet de recours qui les suspendent. L’une des dispositions du projet de loi qui sera examiné début 2023 au Parlement, est de fortement simplifier les procédures et de passer de douze à quatre catégories de recours, pour exécuter beaucoup plus rapidement les mesures ». Malgré l’usage d’une terminologie plus précise, le ministre a pris pour exemple, sur le plateau de CNews le 3 novembre dernier, le cas de personnes déboutées de l’asile. Or il omet parallèlement de préciser que la procédure d’expulsion est à distinguer de la procédure d’asile, de telle sorte à de nouveau créer de la confusion.
Au-delà de propos semant la confusion, le ministre semble remettre en cause le principe du droit au recours effectif consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et par la Convention européenne des droits de l’homme, qui impose que toute personne a le droit de voir sa situation examinée par un∙e juge.
La justice représente-elle un obstacle à l’expulsion ?
Autre obstacle mis en exergue par le ministre de l’intérieur : les protections que la loi confère contre l’expulsion. C’est l’autre arlésienne de ces dernières semaines. Sur l’antenne de France Inter le 27 octobre dernier, le ministre de l’intérieur a déclaré que « Nous protégeons encore des étrangers qui ont commis des crimes et délits en France et qui ne peuvent pas être expulsés », avant d’enfoncer le clou quelques jours plus tard : Ce qui freine le ministre de l’intérieur aujourd’hui, ce sont des réserves d’ordre public qui empêchent, par exemple, d’éloigner des personnes arrivées avant 13 ans sur le territoire national. Dans le texte de loi, nous mettrons fin à ces réserves et laisserons au juge le soin de trancher s’ils doivent ou non rester en France au nom de la vie familiale ».
Ces déclarations sont fausses, en plus d’être vagues. S’il est vrai qu’un certain nombre de catégories de personnes sont « protégées » contre le prononcé de mesures d’expulsion, les autorités judiciaires (pour les interdictions du territoire) et administrative (pour les arrêtés d’expulsion et les OQTF) conservent toujours la faculté de contourner les mesures de protections. Dans les faits, seule une infime partie des personnes étrangères est donc effectivement et réellement protégée
Est-il vraiment impossible d’expulser certaines personnes ?
Dans la même veine, le 2 novembre dernier, le ministre de l’intérieur a déclaré au journal Le Monde : « Aujourd’hui, quand quelqu’un demande l’asile en France, il peut se passer un an et demi avant que la Cour nationale du droit d’asile [CNDA] lui dise éventuellement non, puis le préfet prend une OQTF et, s’il y a un recours, on est reparti pour au moins six mois. Donc il se passe parfois deux ans avant que la personne ne soit expulsable. Elle a eu le temps de trouver un travail, au noir, et peut-être de faire des enfants. Voilà comment on se retrouve avec des dizaines de milliers de personnes qu’on ne peut pas expulser alors qu’elles sont sous OQTF. Cette situation n’est pas tenable. Il ne faut pas laisser le temps de créer des droits qui viendraient contredire des décisions prises légitimement par les préfectures ».
Là encore, ces propos sont inexacts. La loi encadre de manière stricte les protections contre l’éloignement qui ne concernent que certaines catégories spécifiques de personnes étrangères. Le travail au noir (voire le travail déclaré) n’est pas constitutif d’un motif de protection contre l’expulsion énumérés à l’article L. 611-3 du CESEDA, pas plus d’ailleurs que ne l’est la présence d’enfants de nationalité étrangère.
Est-il vraiment impossible d’expulser les personnes déboutées de l’asile ?
AMALGAME ENTRE IMMIGRATION ET DELINQUANCE
Depuis cet été, le refrain selon lequel il y aurait un lien entre immigration et délinquance revient dans la bouche des responsables politiques. Le ministre de l’Intérieur a ainsi pu déclarer qu’« il y a 7 % d’étrangers dans la population et ils représentent 19 % des actes de délinquance ». Pour sa part, le président de la République estime que « quand on regarde les faits de délinquance à Paris, on ne peut pas ne pas voir que la moitié au moins des faits de délinquance viennent de personnes soit en situation irrégulière, soit en attente de titre ».
L’essentiel des discours liant immigration et délinquance sont fondés sur des arguments quantitatifs : hausse des crimes et délits commis par les personnes étrangères, surreprésentation de ces dernières parmi les personnes détenues, etc. Or, en 2018, 549 966 condamnations ont été prononcées par les juridictions pénales, et seules 82 157 d’entre elles concernaient des personnes étrangères, soit 14,9%. La surreprésentation des personnes étrangères condamnées et des personnes étrangères incarcérées au regard de leur nombre au sein de la population française, s’explique par plusieurs facteurs, tels que les traitements discriminatoires dont elles sont l’objet ou par l’existence d’infractions qui ne peuvent être commises que par des personnes étrangères (ex. : refus de test PCR, refus de rendez-vous au consulat, refus monter dans l’avion etc.) par exemple.
Les personnes étrangères sont-elles réellement plus délinquantes ?
Enfin, dans son interview au Monde, le ministre de l’Intérieur a cette formule lapidaire : « Si je devais résumer, je dirais qu’on doit désormais être méchants avec les méchants et gentils avec les gentils ».
Sans doute anecdotique, elle laisse quand même entendre que ce n’était pas le cas jusqu’à présent, alors que toutes les lois relatives à l’immigration ont veillé à prévoir des mesures répressives, ou à renforcer des mesures déjà existantes. Ces effets d’annonce renforcent la stigmatisation toujours plus grande à l’égard de ces « ennemi·e·s commodes » que les gouvernements successifs se choisissent afin d’apporter une réponse hâtive collant au plus près du contexte social ou même médiatique. Pourtant, la réalité est toute autre, et cette affirmation est fausse pour au moins deux raisons : d’une part, aucune mesure contraignante n’existe aujourd’hui afin de permettre aux personnes étrangères détenues d’exercer leurs droits fondamentaux comme le droit d’asile, ce qui fait qu’elles sont déjà précarisées, invisibilisées, victimes de discriminations diverses et maintenues éloignées de leurs droits ; d’autre part, opérer un tri au regard du degré d’indésirabilité des personnes constitue une sérieuse entorse aux principes directeurs de l’exécution des peines, parmi lesquels figure le retour à la vie libre.
Devons-nous devenir méchant·e·s avec les méchant·e·s ?
Crédit photo ©JCHANCHE / CGLPL
Le ministre de l’Intérieur défend sa future loi sur l’immigration, perçue comme un « problème ». Avec une innovation venue du ministère du Travail : accepter des immigrés qu’on exploitera avant de les jeter, sans considération ni dignité.
Gérald Darmanin nous prend pour des neuneus : « On doit désormais être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils. » C’est ainsi que le ministre de l’Intérieur résume dans Le Monde la future loi sur l’immigration qu’il envisage de présenter avec son collègue Olivier Dussopt au début de l’année 2023.
Passons sur le fait que nous n’avions pas compris combien détruire des tentes et des campements de migrants, les pourchasser et les priver d’accès à l’eau était une marque de bienveillance…
Et contentons-nous d’examiner les deux points clés de ce énième texte, quatre ans après la loi asile et immigration qui devait régler ce que le gouvernement persiste à qualifier de « problème ».
Le premier concerne les obligations de quitter le territoire français, les fameuses OQTF, dont l’application supposée laxiste est dénoncée par l’extrême droite depuis le meurtre de la jeune Lola. Jamais en retard d’une surenchère, M. Darmanin entend limiter drastiquement les possibilités de recours contre ces obligations : douze existent, il veut n’en conserver que quatre « pour exécuter plus rapidement les mesures ».
Le retour de la double peine
Être arrivé en France avant l’âge de 13 ans ne protégera plus de l’expulsion un étranger coupable d’un crime ou d’un délit. C’est le retour de la double peine que Nicolas Sarkozy avait assouplie en 2003. Autre idée darmanienne : inscrire toutes les OQTF au fichier des personnes recherchées, réinstaurant de fait le délit de séjour irrégulier.
Désireux de « rendre la vie impossible » aux personnes visées par des OQTF, il « demande » d’ores et déjà aux préfectures de s’assurer « qu’elles ne bénéficient plus de prestations sociales ni de logement social ».
Par souci d’équilibre, nous dit-on, la future loi va créer un titre de séjour temporaire pour « les métiers en tension ». On doit cette « innovation » au ministre du Travail, Olivier Dussopt, le prétendu leader de l’aile gauche (introuvable) de la Macronie. Si des travailleurs en situation irrégulière pourront demander leur régularisation sans passer par leur employeur – un progrès par rapport à la « circulaire Valls » –, il s’agit surtout de satisfaire une demande patronale pour des métiers pénibles qui peinent à recruter : hôtellerie, restauration, logistique et métiers du soin.
Mais attention, « si le métier n’est plus en tension parce que l’activité économique aurait changé, précise M. Darmanin sur BFMTV, évidemment (sic) cette personne perdrait son titre de séjour au bout d’un an ». Et « il n’y a pas non plus de droit à la vie privée et familiale, de façon évidente » (re-sic). La « gentillesse » darmanienne consiste donc à accepter des immigrés qu’on exploitera avant de les jeter, sans considération ni dignité.
Depuis quelques jours, les musiques sur l’immigration choisie et la double peine reprennent. Si nous ne connaissons pas encore le contenu précis de cette nouvelle loi immigration, les déclarations de Darmanin et Dussopt donnent les grandes lignes. Des mesures essentiellement répressives, qui réduiront encore les droits des étranger∙es, les expulseront toujours plus, avec encore moins de garanties et de recours… L’exception : avoir une utilité économique. L’être humain ravalé au rang de marchandises !
Si les ministres donnent l’illusion d’une timide avancée sur la régularisation des travailleuses et travailleurs sans papiers, en évoquant une facilitation de l’accès au marché du travail pour certain∙es, il s’agit de la création d’un énième titre de séjour très temporaire, ciblé sur certains métiers dits en tension. Ils poursuivent en fait le projet d’immigration jetable, clairement énoncé par le ministre de l’intérieur sur BFM : “Si le métier n’est plus en tension, la personne perdra son titre de séjour au bout d’un an”.
On nage aussi en plein cynisme avec un titre de séjour conditionné à la connaissance de la langue française mais sans y mettre les moyens ! Par contre des millions d’euros sont investis pour les Centre de Rétention Administratives, prisons qui ne disent pas leurs noms et zones de non droits.
Enfin, en écho à la récupération à des fins racistes par l’extrême-droite du meurtre d’une enfant, on nous annonce l’inscription systématique des personnes sous OQTF (obligation de quitter le territoire français) au fichier des personnes recherchées. Rappelons que l’OQTF est une mesure administrative, en aucun cas une condamnation pénale ! Et le ministre de l’intérieur surenchérit dans cette croisade. Clamer que les Préfets auront pour mission de « rendre la vie impossible » aux étranger∙es en situation irrégulière (en supprimant notamment les prestations et les logements sociaux) est intolérable. On pensait le harcèlement et la traque interdits par la Loi ! Pour l’Union syndicale Solidaires ces propos sont insupportables ! Elle nous rappelle les heures les plus sombres de notre histoire.
“Être gentils avec les gentils et méchants avec les méchants” : derrière ce vocabulaire simpliste, c’est bien de tri des migrant∙es dont il s’agit, dans un but purement utilitariste.
Pour l’Union syndicale Solidaires, on ne peut pas envisager les déplacements humains comme des phénomènes comptables, ou des rapports sur investissement ! On ne peut pas conditionner la liberté de circulation et d’installation au gré du besoin de main-d’œuvre à bon marché du patronat. C’est pour cela que Solidaires et SUD PTT participent activement à la lutte des travailleurs sans papiers de DPD, Chronopost et RSI pour leur régularisation et l’amélioration de leurs conditions de travail.
Les personnes migrant∙es fuient la guerre et la misère, conséquences des politiques menées entre autres par la France. Leur accueil doit être permanent et inconditionnel.
Nous devons faire preuve de solidarité pour construire ensemble une société où les droits et libertés fondamentales sont les mêmes pour toutes et tous indépendamment de nos origines, partout, sans discrimination.
Pour une société plus juste et égalitaire, plus solidaire,
Pour la fermeture des CRA et l’ouverture des frontières !
Pour un titre de séjour unique de 10 ans !
Régularisation de tou∙te∙s les sans-papiers !
Rendez-vous mardi 4 octobre à 13h30
Siège de DPD, 11 rue René Jacques, Issy-les-Moulineaux
Le 29 septembre 2022,
Les travailleurs sans-papiers de l’agence d’Intérim RSI de Gennevilliers, de la plateforme de DPD du Coudray-Montceaux et de l’agence Chronopost d’Alfortville sont en grève, respectivement depuis le 22 octobre, le 15 novembre et le 3 décembre 2021.
Des délégations ont été reçues à la Direction Général des Étrangers en France, au Ministère du Travail et au Ministère de l’Intérieur. Nous y avons exposé les éléments relatifs aux entreprises dans lesquelles travaillent les grévistes. La principale revendication dans ce conflit du travail est la régularisation des travailleurs en lutte des 3 piquets dans le cadre d’une négociation collective.
Ce conflit dure depuis plusieurs mois maintenant et il est urgent que des réponses concrètes, qui permettent la régularisation de tous, soient trouvées dans les meilleurs délais. Ce conflit, de par sa durée, a une dimension politique majeure qui relève d’une décision du ministère de l’Intérieur.
M. Darmanin a reçu ce 29 septembre une délégation suite à l’interpellation de Mme Faucillon, députée des Hauts-de-Seine en commission de lois concernant la situation du piquet de RSI à Gennevilliers. Aucune réponse n’a été donnée concernant les piquets de DPD et Chronopost alors même que l’État est un actionnaire stratégique du donneur d’ordre qu’est La Poste. Nous demandons donc des réponses concrètes pour la régularisation de l’ensemble des occupants des 3 piquets, lutte qui dure depuis bientôt un an. Nous réitérons donc notre demande, restée sans réponse, qu’une délégation des 3 piquets et de nos organisations soit reçue au Ministère de l’Intérieur en ce sens.
Le 4 octobre une manifestation partira du siège de DPD (11 rue René Jacques, Issy-les-Moulineaux) à 13h30 pour rejoindre celui du Groupe La Poste (7 rue du Colonel Pierre Avia, Paris 15e).
Publié le 7 juillet 2022
Depuis plus de 8 mois des travailleurs de l’agence d’intérim RSI de Gennevilliers (92), de la plateforme colis DPD du Coudray-Montceaux (91) et de l’agence Chronopost d’Alfortville (94), ces deux dernières entreprises étant des filiales de La Poste, sont en grève pour leur régularisation. Pour continuer à mettre la pression sur la Poste (concernée par 2 des 3 piquets) et plus largement sur les employeurs et le gouvernement ainsi que pour soutenir financièrement la grève, Solidaires et Sud PTT lancent une campagne pour l’été.
2 novembre, 15 novembre et 2 décembre. Ce sont, respectivement, les dates de début de grève des travailleurs de l’agence d’intérim RSI de Gennevilliers (92), de la plateforme colis DPD du Coudray-Montceaux (91) et de l’agence Chronopost d’Alfortville (94), ces deux dernières entreprises étant des filiales de La Poste. Ces trois grèves ne forment en réalité qu’une lutte, les trois piquets participent ensemble à toutes les initiatives (rassemblements, manifestations…). Leur unité, leur détermination et leur courage face à l’adversité forcent le respect. Ils bravent des conditions climatiques allant du gel aux températures caniculaires, en passant par la pluie. Mais leurs adversaires principaux ne sont pas le soleil, le vent ou la pluie, mais l’État et le patronat.
L’État, rouage du système d’exploitation des travailleurs/euses sans-papiers…
En durcissant toujours plus les conditions de régularisation, en multipliant les contrôles policiers, en maintenant des centaines de milliers de personnes en situation de précarité et de fragilité, l’État les livre, en toute conscience, à l’exploitation la plus brutale. Or ces travailleuses et ces travailleurs fuient, au péril de leur vie, la misère et les guerres qui sont le fruit d’un système néo-colonial dont l’État français est un des piliers. La politique ultra-répressive en matière de séjour des étranger·e·s en France a des conséquences sur les conditions de travail et de salaires.
Concernant DPD et Chronopost, l’État se fait le complice actif de la surexploitation des travailleurs mise en place au sein du groupe La Poste, deuxième employeur de France. Il s’agit bien d’un véritable système, basé sur la sous-traitance en cascade, du donneur d’ordre aux agences d’intérim, en passant par des sous-traitants. La principale entreprise sous-traitante utilisée par La Poste est Derichebourg, une entreprise présente dans une multitude d’activités industrielles et de services et qui dégage plus de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est cette entreprise qui emploie des travailleurs sans-papiers pour le compte de La Poste, au Coudray-Montceaux comme à Alfortville. Ou plutôt employait car, sous pression de la mobilisation, La Poste a résilié les contrats avec Derichebourg… mais uniquement dans les deux sites concernés par la grève, alors que nous savons fort bien que des cas similaires existent un peu partout ailleurs.
La préfecture de l’Essonne, depuis le début de la mobilisation a préféré discuter avec ces patrons voyous, leur déléguant même une partie de ses prérogatives (l’établissement de dossiers), plutôt que d’échanger avec les grévistes victimes de leurs combines. Dans le Val-de-Marne, la porte est close à double tour depuis des mois. Il n’est pas étonnant que cette complicité étatique bénéficie également au donneur d’ordre qu’est le groupe La Poste.
Le vrai visage du groupe La Poste
La Poste bénéficie (encore) d’une image d’entreprise de service public proche de la population, avec l’image d’Épinal du facteur ou de la factrice rendant de multiples services, notamment en milieu rural. Certes, l’image s’est écornée ces dernières années avec les suppressions d’emplois et de bureaux de poste qui s’enchaînent, dégradant à la fois le service public et les conditions de travail des agent·e·s. Les suicides et tentatives de suicide de postier·e·s depuis dix ans témoignent, de la manière la plus brutale qui soit, de cette dégradation.
Mais, plus on descend dans la chaîne de sous-traitance, plus le tableau se noircit. Philippe Wahl, le PDG de La Poste, ne s’en cache pas. Il déclarait ainsi, en février 2021 devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale : « La cohabitation dans une structure de salariés du groupe et de sous-traitants est une façon de tenir la concurrence. Tel est le cas de Chronopost ou DPD. Si les conditions sociales des facteurs étaient transposées sur tous les salariés de Chronopost, cette société disparaîtrait. ». On pourrait aussi discuter du « modèle social » de La Poste maison-mère, mais, sous couvert d’une lutte contre la concurrence (encouragée par les patrons successifs de La Poste), c’est l’existence de conditions sociales au rabais qui est assumée. Or, au bout de cette chaîne, il y a l’exploitation sans vergogne de travailleurs/euses sans-papiers obligé·e·s de bosser avec des horaires de dingues, incompatibles avec l’usage des transports en commun, dont les heures supplémentaires (voire même une partie des heures tout court) ne sont pas payées et dont les missions sont interrompues dès qu’ils réclament leurs droits. Et ça, en revanche, la direction La Poste, ne l’assume pas publiquement. Elle n’a de cesse de nier tout lien entre ces travailleurs et le groupe. L’honnêteté patronale a des limites, le cynisme non.
Une lutte qui concerne tou·te·s les travailleurs/euses
Dernièrement, sur un chantier des Jeux Olympiques, un scandale sur l’exploitation des Sans-papiers a éclaté et a conduit à leur régularisation. Les grands groupes, Bouygues, Eiffage, Vinci ne sont jamais mis en cause. C’est toujours au bout d’une cascade de sous-traitance qu’on trouve les Sans-papiers… et, si ce n’est pas en travail au noir, c’est en intérim. Les grévistes de RSI à Gennevilliers sont ainsi tous intérimaires avec des contrats à la semaine et travaillaient sur des chantiers dans des conditions indignes.
L’enjeu de la lutte des travailleurs des trois piquets est très important !
→ ll est important pour leur dignité, l’égalité des droits et pour que justice leur soit rendue.
→ Il est important pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs sans-papiers dans le pays, dans un contexte où le poids grandissant de l’extrême-droite et son influence sur une large partie du spectre politique fragilisent encore plus leur situation.
→ Il est important pour l’ensemble du monde du travail, car quand les droits des plus précarisé·e·s progressent, ce sont les conditions de toutes et tous qui s’améliorent. Dans le cas inverse, tout le monde paie l’addition. Pour s’en convaincre, il suffit, en prenant l’exemple de La Poste, de noter par exemple que l’intérim explose littéralement (+ 132 % en deux ans !).
À La Poste et ailleurs, la solidarité doit s’exprimer le plus massivement possible, par tous les moyens nécessaires (militants, financiers, politiques…).
Défi de l’été : diffusons ce tract, collons des autocollants, soutenons cette lutte pour la régularisation des Postiers et de tou·te·s les sans-papiers devant tous les bureaux de Poste !
Pour les Chronopost : https://www.cotizup.com/sans-papiers-chrono-alfortvill,
ou envoi de chèques à Solidaires 94 ou Sud Poste 94
(Maison des syndicats 11/13 rue des Archives 94010 Créteil Cedex)
Cagnotte en ligne pour les DPD : https://www.cotizup.com/sanspapiersdpd
Pour les RSI : https://lydia-app.com/collect/48135-caisse-de-grave/fr