Depuis sept longues années, nos voix se sont régulièrement élevées contre la promesse présidentielle d’Emmanuel Macron de développer puis de généraliser le service national universel (SNU) [dispositif expérimenté depuis 2019, dans le cadre duquel des jeunes participent à des « séjours de cohésion » et à des missions d’intérêt général]. D’avancées en reculs, cette fausse bonne idée est agitée comme l’étendard de sa politique de jeunesse, alors qu’elle est une hypocrisie et une gabegie financière. La Cour des comptes, si elle utilise d’autres mots, ne dit pas autre chose que nous.
Il est temps d’abandonner le service national universel. Le SNU est l’illustration parfaite d’une façon de gouverner au forceps : la « chose » d’Emmanuel Macron n’a jamais été débattue au Parlement et s’impose par la contrainte aux mondes de l’éducation nationale et de l’éducation populaire. Alors, nous l’affirmons, le SNU n’est qu’une politique de l’image et du vide. Outil de communication vide d’ambition, outil vide de sens mais gonflé de moyens financiers et humains : un véritable gaspillage à l’heure d’une situation budgétaire délicate.
Alors que le gouvernement doit s’atteler à réduire et rationaliser les dépenses en faveur de l’insertion et de l’environnement, la « charge financière déraisonnable » du SNU, dénoncée dans le rapport parlementaire pour avis sur le projet de loi de finances pour 2024 [avis n° 1781 signé Jean-Claude Raux, à l’initiative de cette tribune, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale], n’est ni tenable ni souhaitable.
Le 13 septembre, la Cour des comptes alertait elle aussi, dans un rapport, sur un « coût largement sous-estimé ». Le SNU constitue un dérapage annoncé pour nos finances publiques. Déjà 160 millions d’euros sont consacrés à une politique qui n’atteint pas ses objectifs : chaque année, le nombre de jeunes en SNU est en deçà des prévisions (voir par exemple l’annexe au projet de loi de finances pour 2024, « projet annuel de performances, mission interministérielle sport, jeunesse et vie associative », page 122).
Désorganisation généralisée
Il faudrait, selon la Cour des comptes, trouver 3,5 à 5 milliards d’euros pour financer le dispositif en cas de généralisation à l’ensemble d’une classe d’âge. Nous ne les avons pas. Ou cela signifierait la programmation de la fin du financement des associations, de l’éducation populaire, dont les budgets seraient totalement absorbés par le SNU… Sous-effectifs dans les services déconcentrés, crise de recrutement d’encadrants dûment formés, conditions de travail fortement dégradées, manque de bâti adapté, problématiques de transport… le SNU a souvent incarné la désorganisation généralisée.
Le gouvernement peut encore arrêter la catastrophe annoncée. L’urgence est d’autant plus vive lorsque cette obstination entraîne des mises en danger pour les jeunes participants. Sur le seul premier semestre de l’année 2023, la Cour des comptes relève que le « ministère rapporte dix-sept situations d’agression, de harcèlement ou de propos délictueux de la part d’encadrants ».
Un autre investissement massif et utile pour la jeunesse est possible. Si nous souscrivons à la volonté de favoriser l’engagement des jeunes et de faire de la mixité sociale une réalité du quotidien, nous maintenons que le gadget présidentiel du SNU n’est pas adapté. Bien au contraire. Il favorise l’entre-soi. Il impose un engagement unique.
Alors que le SNU contraint les jeunes et le tissu associatif dans une vision étriquée et formatée, rien ne prouvera jamais qu’il développe l’esprit citoyen. A contrario, nous soutenons qu’il faut des espaces d’engagements pluriels. Ils peuvent trouver corps dans l’éducation nationale notamment dans un parcours citoyen renouvelé, mais aussi prendre racine plus profondément si on offre une véritable place aux associations et à l’éducation populaire ! Cela commence par la suppression du SNU.
Liste complète des signataires :
Jean-Claude Raux, député de Loire-Atlantique
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes
Manuel Bompard, coordinateur national de La France insoumise (LFI)
Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste (PS)
Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français (PCF)
Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Écologiste et Social
Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire
Boris Vallaud, président du groupe Socialistes et apparentés
André Chassaigne, président du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR)
Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste – Solidarité & Territoires (EST)
Patrick Kanner, président du groupe Socialistes, écologistes et républicains (SER)
Cécile Cukierman, présidente du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste – Kanaky (CRCE-K)
Manès Nadel, président de l’Union syndicale lycéenne (USL)
Karel Talali, secrétaire général de l’Union étudiante (UE)
Maëlle Nizan, présidente de la Fédération générale des associations étudiantes (FAGE)
Hania Hamidi, secrétaire générale de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF)
Annah Bikouloulou et Emma Chevalier, secrétaires nationales des Jeunes Écologistes
Emma Fourreau et Aurélien Lecoq, co-animateur et co-animatrice des Jeunes Insoumis
Emma Rafowicz, présidente des Jeunes Socialistes
Assan Lakehoul, secrétaire général des Mouvement Jeunes communistes de France (MJCF)
Mathilde Hériaud et Julien Layan, co-coordinatrice et coordinateur des Jeunes Génération·s
Léna Raud, secrétaire nationale de l’Union des étudiants communistes (UEC)
Helno Eyriey, président Groupe des organisations étudiantes et des mouvements de jeunesse du Conseil économique, social et environnemental (CESE)
Manon Rousselot-Pailley, présidente du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC)
Abdelkrim Mesbahi, président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE)
Sophie Vénétitay, secrétaire générale et porte-parole du Syndicat national des enseignements de second degré – Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU)
Morgane Verviers, secrétaire générale de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Éducation
Julie Ferrua et Murielle Guilbert, co-déléguées de générale de l’Union syndicale Solidaires
Jean-Michel Bocquet, pour le Collectif Camps colos