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Dans le privé et le public, un syndicalisme de lutte pour la transformation sociale

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(re)Penser notre syndicalisme Conditions de travail Défense de nos libertés

Lancement de la coalition Hiatus, pour résister à l’IA et son monde !

Ce texte est le manifeste fondateur de « Hiatus », une coalition composée d’une diversité d’organisations de la société civile française qui entendent résister au déploiement massif et généralisé de l’intelligence artificielle (IA). À l’approche du sommet sur l’IA organisé par la France, les 10 et 11 février 2025, le lancement de Hiatus vise à dénoncer l’inféodation des politiques publiques aux intérêts de la tech, ainsi que les coûts humains et environnementaux de l’IA. Au cours des mois à venir, des actions communes seront organisées pour décliner ce manifeste sur le plan politique.

Tout concourt à ériger le déploiement massif de l’intelligence artificielle en priorité politique. Prolongeant les discours qui ont accompagné l’informatisation depuis plus d’un demi-siècle, les promesses abondent pour conférer à l’IA des vertus révolutionnaires et imposer l’idée que, moyennant la prise en compte de certains risques, elle serait nécessairement vecteur de progrès. C’est donc l’ensemble de la société qui est sommée de s’adapter pour se mettre à la page de ce nouveau mot d’ordre industriel et technocratique. Partout dans les services publics, l’IA est ainsi amenée à proliférer au prix d’une dépendance technologique accrue. Partout dans les entreprises, les managers appellent à recourir à l’IA pour « optimiser » le travail. Partout dans les foyers, au nom de la commodité et d’une course insensée à la productivité, nous sommes poussés à l’adopter.

Pourtant, sans préjuger de certaines applications spécifiques et de la possibilité qu’elles puissent effectivement répondre à l’intérêt général, comment ignorer que ces innovations ont été rendues possible par une formidable accumulation de données, de capitaux et de ressources sous l’égide des multinationales de la tech et du complexe militaro-industriel ? Que pour être menées à bien, elles requièrent notamment de multiplier la puissance des puces graphiques et des centres de données, avec une intensification de l’extraction de matières premières, de l’usage des ressources en eau et en énergie ?

Comment ne pas voir qu’en tant que paradigme industriel, l’IA a dores et déjà des conséquences désastreuses ? Qu’en pratique, elle se traduit par l’intensification de l’exploitation des travailleurs et travailleuses qui participent au développement et à la maintenance de ses infrastructures, notamment dans les pays du Sud global où elle prolonge des dynamiques néo-coloniales ? Qu’en aval, elle est le plus souvent imposée sans réelle prise en compte de ses impacts délétères sur les droits humains et l’exacerbation des discriminations telles que celles fondées sur le genre, la classe ou la race ? Que de l’agriculture aux métiers artistiques en passant par bien d’autres secteurs professionnels, elle amplifie le processus de déqualification et de dépossession vis-à-vis de l’outil de travail, tout en renforçant le contrôle managérial ? Que dans l’action publique, elle agit en symbiose avec les politiques d’austérité qui sapent la justice socio-économique ? Que la délégation croissante de fonctions sociales cruciales à des systèmes d’IA, par exemple dans le domaine de la santé ou l’éducation, risque d’avoir des conséquences anthropologiques, sanitaires et sociales majeures sur lesquelles nous n’avons aujourd’hui aucun recul ?

Or, au lieu d’affronter ces problèmes, les politiques publiques menées aujourd’hui en France et en Europe semblent essentiellement conçues pour conforter la fuite en avant de l’intelligence artificielle. C’est notamment le cas de l’AI Act adopté par l’Union européenne et présenté comme une réglementation efficace alors qu’elle cherche en réalité à promouvoir un marché en plein essor. Pour justifier cet aveuglement et faire taire les critiques, c’est l’argument de la compétition géopolitique qui est le plus souvent mobilisé. À longueur de rapports, l’IA apparaît ainsi comme le marchepied d’un nouveau cycle d’expansion capitaliste, et l’on propose d’inonder le secteur d’argent public pour permettre à l’Europe de se maintenir dans la course face aux États-Unis et à la Chine.

Ces politiques sont absurdes, puisque tout laisse à penser que le retard de l’Europe dans ce domaine ne pourra pas être rattrapé, et que cette course est donc perdue d’avance. Surtout, elles sont dangereuses dans la mesure où, loin de constituer la technologie salvatrice souvent mise en avant, l’IA accélère au contraire le désastre écologique, renforce les injustices et aggrave la concentration des pouvoirs. Elle est de plus en plus ouvertement mise au service de projets autoritaires et impérialistes. Non seulement le paradigme actuel nous enferme dans une course technologique insoutenable, mais il nous empêche aussi d’inventer des politiques émancipatrices en phase avec les enjeux écologiques.

La prolifération de l’IA a beau être présentée comme inéluctable, nous ne voulons pas nous résigner. Contre la stratégie du fait accompli, contre les multiples impensés qui imposent et légitiment son déploiement, nous exigeons une maîtrise démocratique de cette technologie et une limitation drastique de ses usages, afin de faire primer les droits humains, sociaux et environnementaux.

Premiers signataires :

La Quadrature du Net, la LDH, Union syndicale Solidaires, Scientifiques en rébellion, L’Atelier Paysan, Féministes contre le cyberharcèlement, SNES-FSU, Framasoft, Agir pour l’environnement, Attac France, Syndicat de la Magistrature, Syndicat des Avocats de France, Stop Micro, Le Nuage était sous nos pieds, Génération Lumière, Halte au contrôle numérique, ritimo, Intérêt à Agir, L’Observatoire des multinationales, Sherpa, Le Mouton numérique, Lève les yeux.

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Mercredi 5 février – Invitation à la soirée 10 ans des Utopiques/ 25 ans de Solidaires

Publié le 29 janvier 2025

La revue des Utopiques a déjà 10 ans, et participe activement à donner du contenu politique, de réflexion, pour échanger librement sur le mouvement syndical, social dans un esprit d’ouverture.

Une soirée utile et conviviale avec la présence d’Annick Coupé et de Gérard Gourguechon notamment, ainsi que des contributeur-trices à la revue pour revenir sur la fondation de Solidaires et bien plus largement sur le rôle et l’importance du syndicalisme de lutte et de transformation sociale, dans un contexte mondial de plus en plus inquiétant !

Venez nombreux- nombreuses!

Inscription obligatoire via ce lien https://framaforms.org/participation-a-la-soiree-10-ans-des-utopiques-1736344533

18h-30 Accueil

18h-45 Brève présentation de 10 ans des Utopiques des Utopiques

en présence des contributeurs-trices à la revue depuis 2014! et quelle évolution pour la revue?

puis Interventions d’Annick Coupé, et Gérard Gourguechon fondateur-trice de Solidaires notamment, qui reviendront sur l’histoire de Solidaires, avec une mise en perspective sur Solidaires actuellement, avec Judy, qui a écrit “j’ai 25 ans, Solidaires aussi ”!

19h30 à 20h30 débat avec les participant-es

20h30 Apéro gratuit

C’est le : Le 5 février prochain, à partir de 18h30 à Solidaires, 31 rue de la Grange aux belles 75010 Paris

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(re)Penser notre syndicalisme Actu Solidaires 78 Commerce Conditions de travail Grève Idées, débats, cultures Industrie Lecture Santé-Social Souffrances au travail TPE / TPA

Vendredi 7 février à Limay : rencontre avec le groupe La Mouette enragée autour de son enquête ouvrière

Le travail, on l’aime ou on le déteste, mais c’est toujours du travail. Du temps et de l’énergie qu’on échange contre un salaire. C’est une réalité que nous sommes une grosse majorité à vivre et, de plus en plus, à subir.

Nous produisons à manger, nous soignons, nous nous occupons des enfants, des personnes dépendantes, nous transportons des gens, nous construisons des bâtiments, nous livrons… Pourtant, alors que nous faisons tourner la société, rares sont les moments où on entend notre parole de travailleurs et travailleuses.

C’est de cette réalité, celle du travail, partagée et pourtant silencieuse, que nous vous invitons à discuter. Celle qui occupe chaque jour nos corps et nos esprits, qui tour à tour nous fait plier, nous rend fiers, nous révolte, nous blesse, et parfois nous tue…

À partir d’une enquête ouvrière, les travailleurs du groupe militant La Mouette enragée ont récolté des témoignages de salariés de différents secteurs professionnels pour interroger le travail aujourd’hui, rassemblés dans le livre « Avant de faire le tour du monde, faire le tour de l’atelier,n ». Qu’est-ce qu’un travail ouvrier en 2025 ? Les PME sont-elles différentes des grosses boîtes ? Que cache l’ubérisation ? Comment résister sur son lieu de travail ?

Nous vous invitons à en discuter le vendredi 7 février 2025 à 19h la Librairie La Nouvelle Réserve à Limay.
Entrée libre et gratuite

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(re)Penser notre syndicalisme

Le 10 février Contre-sommet de l’IA : pour un humanisme de notre temps

Paris, Théâtre de la Concorde, le 10 février, de 14 h à 20 h 30.

Les 10 et 11 février, va se tenir à Paris, au Grand Palais, le « Sommet pour l’Action sur l’intelligence artificielle ». Une cérémonie qui réunira une centaine de chefs d’État, qui vont rivaliser d’annonces d’investissements visant à faire de leurs pays des « champions de l’IA ». Mais aussi les grandes figures de l’industrie du numérique, Elon Musk et Sam Altman, parmi d’autres, qui vont asséner l’éternel refrain des formidables « opportunités » offertes par l’automatisation sans cesse croissante des affaires humaines. (…)

Face à ce qui s’annonce comme une gigantesque messe propagandiste, il nous a paru impératif de donner toute sa place aux forces de la société civile, en montant un « contre-sommet de l’IA ». Celui-ci est fondé sur une double philosophie : le témoignage et la mobilisation. Sont invités des membres issus de diverses corporations à faire le récit des réalités concrètes vécues du fait de l’implantation de systèmes d’IA (dans l’enseignement, le monde du travail, les métiers de la culture et de l’information…). Il sera également fait un tableau de l’impact environnemental induit. Enfin, il sera fait part des formes de mobilisation déjà amorcées, autant que seront envisagées les perspectives de les étendre. (…)

Cet événement a été pensé, à l’origine, par le philosophe Éric Sadin (spécialiste des technologies numériques et de l’intelligence artificielle), auquel s’est associé le Syndicat national des journalistes, à travers son référent IA générative Éric Barbier, journaliste à L’Est Républicain, très mobilisés, depuis la première heure sur ces enjeux et soutiens actifs à la mise en place de notre sommet. Nous avons décidé de lui donner pour titre « Pour un humanisme de notre temps ».

L’événement se tiendra le lundi 10 février, de 14 heures à 20 h 30, au Théâtre de la Concorde, à Paris. Dirigé par Elsa Boublil, le Théâtre de la Concorde s’est donné pour mission de conjuguer l’art et la démocratie. En prise avec l’actualité, il propose des spectacles, mais aussi des ateliers pédagogiques et des scènes ouvertes.
Lire le communiqué en entier sur notre site et en pièce jointe.
Syndicat national des journalistes
snj@snj.fr – http://www.snj.fr

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(re)Penser notre syndicalisme antifascisme

Ces syndicats qui combattent l’extrême droite dans leurs rangs… Certains sont plus fermement antifascistes que d’autres

Un article de Street press

Par Daphné Deschamps

Depuis quelques années, les syndicats français sont frappés par la montée de l’extrême droite dans leurs rangs, malgré une histoire et des valeurs ancrées à gauche. Toutes les formations ne font pas preuve de la même intransigeance.

L’annonce a provoqué un coup de tonnerre dans le petit milieu des syndicalistes de l’Assemblée nationale avant les fêtes. Au Palais Bourbon, la section de la confédération chrétienne CFTC a nommé à sa direction Rémi Scholtz, attaché parlementaire affilié au député du Rassemblement national (RN) Timothée Houssin. L’info, révélée par Challenges, a déclenché une levée de boucliers chez les autres mouvements de l’Hémicycle et un casse-tête pour la CFTC. Déjà, car la confédération n’est pas sûre que l’homme soit adhérent… « On ne sait pas quoi faire, peut-être qu’il n’a pas encore été intégré dans nos fichiers, mais cela nous met en porte-à-faux avec les autres syndicats de l’Assemblée nationale. Si son adhésion est confirmée, on traitera la question avec attention », assure son président Cyril Chabanier. La CFTC a pris position contre le RN en 2022, mais ne souhaite pas exclure ses militants tant qu’ils ne soutiennent pas ouvertement le programme du parti lepéniste ou tiennent des propos racistes. « Les collaborateurs parlementaires font un métier difficile, qui mérite d’être défendu, et tous peuvent se syndiquer chez nous. Nous ne demandons jamais à nos adhérents leur couleur politique. Par contre, s’ils prennent des positions qui vont à l’encontre des valeurs de la CFTC, nous les exclurons sans aucun problème », certifie-t-il.

Le profil de Rémi Scholtz laisse peu de doute quant à son positionnement sur l’échiquier politique : auteur d’un livre sur son vécu chez les Scouts d’Europe, souvent accusés de traditionalisme, voire d’intégrisme, il est allé en faire la promotion dans des médias marqués à l’extrême droite : Boulevard Voltaire, Valeurs actuelles ou encore la webtélé identitaire TV Libertés. Il s’est aussi fendu d’un long entretien sur la chaîne YouTube du mouvement national-catholique Academia Christiana, pas vraiment en accord avec les valeurs plutôt « cathos de gauche » du syndicat.

Plus l’extrême droite se normalise et progresse dans les bureaux de vote, plus les cas comme Rémi Scholtz se multiplient. Un sacré dilemme pour leurs centrales, alors que la plupart sont opposées à l’extrême droite ou au Front national (FN) depuis des années, parfois dès les années 1930 pour la Confédération générale du travail. StreetPress a sondé une dizaine de syndicats pour connaître leurs façons de lutter, entre ceux prêts à se couper d’une partie de leurs membres, ceux qui sont dans le dialogue et la formation, et ceux qui s’en cognent. Tour d’horizon.

Viens me le dire au local

Pendant les législatives, la CFDT a recensé pas moins de huit de leurs adhérents qui se sont présentés à la députation sous une étiquette d’extrême droite. L’un d’eux a même été élu : Maxime Amblard. Il incarne désormais la première circonscription de la Meuse, sur les bancs du RN. Ces huit candidats ont tous été exclus de leur confédération, tout comme une suppléante qui militait à la CGT. À l’inverse, un surveillant pénitentiaire encarté chez Force ouvrière a été candidat suppléant du parti lepéniste dans les Hautes-Pyrénées, sans être écarté.

« Les syndicats se débrouillent en général en autonomie », lance Thierry, adhérent de Sud Collectivités territoriales.

« Les sections qui ont 700-800 adhérents ont des structures adaptées, mais plus elle est petite, plus c’est compliqué. »

Dans le milieu, un des premiers cas médiatisés a eu lieu à la CGT en janvier 2011. Fabien Engelmann est alors secrétaire de la section de Nilvange (57). Sauf qu’il se présente aussi aux élections cantonales sous la bannière FN et défend publiquement leurs thèses et leurs propositions, y compris les plus racistes. Le syndicat entame immédiatement une procédure d’exclusion à son encontre. Problème réglé ? Pas vraiment : sa section le soutient, et la CGT se retrouve obligée d’exclure ses 27 membres, alors qu’Engelmann porte plainte pour discrimination politique contre la Cégète. Devenu maire FN d’Hayange (57) en 2014, il mène depuis dix ans des politiques anti-sociales, racistes et islamophobes.

Plus récemment, le syndicat Solidaires Finances publiques a tenté d’exclure localement un militant antivax de Dijon (21). Mais celui-ci, soutenu par le bureau local, a argué qu’il n’était « pas facho, juste antivax », et s’est même invité à des réunions nationales pour défendre son cas. Dans le Vaucluse, une section de Sud Solidaires Routes a été « défédéralisée », comprenez exclue, en 2018, après de multiples publications racistes au sujet de la situation migratoire à Calais. « Le vote s’est fait immédiatement, et à l’unanimité », se souvient Thierry, syndicaliste au sein de Sud Collectivités Territoriales. Ce dernier se rappelle de deux militants exclus il y a quatre ans. L’une expliquait qu’il « fallait parler à tout le monde », l’autre « trouvait carrément que Marine Le Pen était super ». « On a bien fait, puisqu’on les a retrouvées défendant la ligne “Tout sauf Macron” pendant le second tour des élections présidentielles de 2022 », continue Thierry.

Dans la Sarthe, un cadre du Snepap, le syndicat des personnels de l’administration pénitentiaire de la Fédération syndicale unitaire (FSU), s’est pris en photo avec Marion Maréchal-Le Pen en pleine campagne aux européennes de 2024, raconte Joscelin Gutterman, membre du collectif intersyndical Vigilances et initiatives syndicales antifascistes (VISA). Sa ligne de défense, « je parle à tout le monde, je ne fais pas de politique et, de toute façon, ils seront bientôt au pouvoir », lui a valu une désolidarisation de la FSU, qui a indiqué gérer ça « en interne ».

Le cas FO

Parmi les syndicats, plusieurs sont pointés du doigt pour leur passivité, dont Force ouvrière (FO). La confédération ne voit pas d’inconvénient à ce que certains de ses adhérents se présentent sous les couleurs de l’extrême droite, tant que la responsabilité syndicale n’est pas un argument de campagne. Deux de ses cadres font par exemple partie de la majorité d’extrême droite du maire de Béziers (34), Robert Ménard, depuis des années, comme StreetPress le révélait en 2024.

À LIRE AUSSI : À Béziers, le syndicat Force ouvrière roule pour Ménard et l’extrême droite

La ligne du mouvement repose sur une lecture très critiquée par les autres organisations qui se revendiquent de la charte d’Amiens (80), un des textes fondateurs du syndicalisme de lutte. Celle-ci définit notamment le syndicat de lutte comme indépendant des partis politiques. La preuve pour FO qu’elle n’a aucun droit de regard sur les positions de ses adhérents. « La charte d’Amiens, c’est un cache-sexe », soupire un salarié de la confédération. Ce dernier assure qu’en interne, « plusieurs responsables syndicaux sont identifiés comme intellectuellement proches du RN, mais tout le monde s’en fout » :

« On a un vrai problème de renouvellement des cadres, on fait avec ce qu’on a et on prend des gens de plus en plus poreux. »

Il poursuit : « La réalité de l’engagement syndical fait qu’on va avoir de plus en plus de cas de ce type. Le vrai problème, c’est l’acceptation institutionnelle. Qu’est-ce qui justifie d’accepter de discuter avec les députés RN, alors qu’avant, c’était pas le cas ? »

En octobre dernier, lors d’un meeting organisé à la Mutualité, le secrétaire général de FO Frédéric Souillot aurait même déclaré qu’il fallait voter la motion de censure RN du gouvernement « les yeux fermés » :

« Ça envoie un signal fort, surtout que nous avions théorisé six mois avant qu’il ne fallait pas prendre position aux législatives pour préserver notre indépendance… »

Les élus RN mènent une politique anti-sociale

Le dialogue avec les élus d’extrême droite, de plus en plus nombreux, est une véritable problématique pour les syndicats. Un militant de Solidaire explique :

« Quand tu as une usine menacée de fermeture dans un département où tous les députés sont au RN, c’est compliqué de dire aux salariés en grève : “Non, on ne leur parlera pas”. »

« L’avantage, c’est qu’ils y vont pas trop pour le moment, mais la question s’est déjà posée », souffle un élu CGT d’une usine métallurgique. « Les élus RN mènent une politique anti-sociale, ils n’ont rien à faire là, car ils ne défendent pas réellement les travailleurs », explique Aurélien Boudon, secrétaire national de Solidaires. Il renchérit :

« Notre objectif sera toujours de les chasser, mais ce n’est pas toujours simple, surtout face à un discours du type : “Tous les soutiens sont bons à prendre”. Les chasser sans pédagogie auprès des travailleurs, c’est presque contre-productif. »

Même questionnement en cas de nomination d’un gouvernement d’extrême droite. « La question du boycott ou non de réunions ministérielles est en débat », avance Aurélien Boudon. Néanmoins, pour les syndicalistes dans la fonction publique, cela signifierait refuser de rencontrer son employeur. Une gageure quand un mouvement veut défendre les salariés et a besoin de dialoguer… avec les patrons. Une problématique qui existe déjà dans les villes et métropoles dirigées par le RN.

Dialogue et formation

Face à la montée de l’extrême droite, les syndicats locaux sont de plus en plus nombreux à chercher des solutions pour former leurs militants et s’armer intellectuellement. 308 sections de la CGT, CFDT ou Solidaires se tournent par exemple vers le collectif antifasciste VISA, qui existe depuis 1996. « Depuis 2022, nous avons doublé notre volume d’adhérents, avec une première vague suite aux élections de 2022, une deuxième après le congrès de la CGT en 2023, et une troisième après les dernières législatives, où à peu près une quarantaine de syndicats nous ont rejoint », pointe Joscelin Gutterman, membre du conseil d’administration de VISA et cheminot syndiqué à Sud Rail.

Le collectif a « énormément de demandes de formations ou d’interventions à des congrès locaux ». VISA effectue aussi une veille pour vérifier si des militants de la mouvance sont dans les syndicats.

« On tient toujours à appuyer sur la différence de traitement à accorder, selon les cas : le militant est-il candidat à des élections sous l’étiquette d’un parti d’extrême droite, ou partage-t-il simplement ses idées ? Est-il possible de le faire sortir de ce logiciel ? »

L’organisation contacte régulièrement les syndicats pour les alerter sur la présence de tels profils dans leurs rangs, avec plus ou moins de succès. Joscelin Gutterman pointe trois « cas de figure » : « Soit le syndicat concerné réagit directement, il lance en général une procédure d’exclusion qui se gère en interne. Soit on ne reçoit tout simplement pas de réponse et dans ce cas, on relance, à différents niveaux, avant de publiciser l’affaire en dernier recours. » Dernière possibilité :

« Ou alors, on reçoit des insultes, on se fait traiter de censeurs, de fascistes… »

Et, selon à quel syndicat écrit VISA, ils savent « plus ou moins à quelle réponse s’attendre à l’avance ». Les relations sont particulièrement tendues avec FO et la CFE-CGC. Pour la seconde, les crispations ont récemment concerné leur affilié Action et démocratie, un syndicat de l’Éducation nationale. Son secrétaire fédéral, Joost Fernandez, est adhérent Reconquête et même responsable du « pôle école » du parti d’Eric Zemmour. Alerté, VISA a prévenu le mouvement. Dans un mail que StreetPress a pu consulter, le président d’Action et démocratie a répondu que son organisation se revendiquait d’une « neutralité politique ». Et que si les adhérents « ont fort heureusement leur propre sensibilité », la direction « ne veut pas la connaître, car cela n’a aucun intérêt quand ces personnes sont animées par le désir d’aider leur prochain ». Vu le programme du parti zemmouriste, c’est une certaine idée du prochain. La CFE-CGC, à qui une copie de tous les échanges a été adressée, n’a jamais répondu.

À l’inverse, contacté après des prises de position de l’UNSA Police au sujet des révoltes après le meurtre de Nahel Merzouk en juin 2023 à Nanterre, le secrétaire de l’UNSA a répondu à VISA en prenant au sérieux le courrier, et en se dissociant publiquement de ces propos.

La crainte d’entrisme

Pour tous ces syndicalistes, l’inquiétude reste la même : pour le moment, le Rassemblement national n’a pas lancé de stratégie d’entrisme dans leurs rangs. Mais que se passera-t-il si c’est le cas ? Cela peut mener à des explosions dans certains syndicats, surtout « les moins solides sur leurs appuis antifascistes ». D’où l’urgence pour VISA de continuer son travail. « En 2024, nous avons touché 3.000 personnes, dont 1.000 en formations. Sur les dix dernières années, ce sont 10.000 syndicalistes qui ont rencontré notre organisation », calcule Joscelin Gutterman. Avec une pointe d’amertume dans la voix, il conclut :

« Même si on se félicite de l’existence d’une prise de conscience, on est comme les Restos du Coeur : si de plus en plus de gens ont besoin de nous, c’est que le problème s’accentue. »

Contactés, FO, CFE-CGC, le Medef et l’UNSA n’ont pas répondu aux questions de StreetPress. Pas plus que le RN.

Illustration de Caroline Varon.

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(re)Penser notre syndicalisme

Force et espoir pour 2025 !

Génocide à Gaza, guerre en Ukraine, montée de l’extrême droite en Europe, ou ailleurs, catastrophes climatiques, Mayotte, régressions sociales par le gouvernement Macron, annonces de dizaines de milliers d’emplois supprimés, cette année 2024 a été lourde.

La mobilisation de toutes les forces progressistes a toutefois permis que l’extrême droite n’arrive pas au pouvoir en juin. Les résultats des élections législatives laissent néanmoins une situation de crise démocratique et sociale difficile, sans lever cette menace.

Nos mobilisations sont d’autant plus indispensables.

Nos batailles pour le service public, pour l’emploi, pour de meilleures conditions de travail, pour la protection sociale, contre la répression antisyndicale, pour nos libertés, pour l’égalité des droits et le respect de ceux-ci, pour mettre fin à toutes les discriminations et oppressions, et nos soutiens aux luttes internationales, sont les réponses à l’urgence sociale, environnementale et démocratique.

Dans un tel contexte, les victoires sont de toute évidence trop rares. Mais ces lueurs d’espoir confirment que le mouvement social reste un rempart efficace comme un levier puissant de transformation sociale.

Sans les luttes féministes, la liberté d’avorter ne serait pas inscrite dans la constitution, et sans elles et le courage de Gisèle Pelicot, la notion de consentement ne serait pas au cœur des débats politiques et juridiques actuellement sur le viol. Sans les convergences construites contre les méga-bassines, quatre d’entre elles n’auraient pas été déclarées illégales. Sans la lutte des cheminot-es et des collectifs comme l’Alliance Ecologique et Sociale, pour défendre Fret SNCF, ce levier écologique essentiel resterait ignoré. Et surtout, les agent·es de Fret SNCF transféré·es dans les filiales n’auraient pas pu conserver leurs conquis sociaux !

Nous sortons en 2024 d’un congrès, forts et fortes de nouvelles orientations et revendications. Continuons à construire un outil syndical apte à affronter les échéances qui s’annoncent.

Le secretariat national de solidaires adresse ses vœux de santé, d’épanouissement a l’ensemble des adhérent-es de solidaires, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui luttent pour un monde meilleur !
Pour que 2025 soit une année de victoires, de confiance dans notre capacite collective à lutter, gagner, pour une réelle transformation sociale !
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(re)Penser notre syndicalisme Luttes féministes

25 novembre – Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes 2024 : Jin Jihan Azadi/ Femme, Vie, Liberté : tant que l’une d’entre nous n’est pas libre, tant que les violences machistes s’exerceront sur une seule d’entre nous, nous lutterons !

Partout sur le territoire

Jin Jihan Azadi/ Femme, Vie, Liberté :

tant que l’une d’entre nous n’est pas libre, tant que les violences machistes s’exerceront sur une seule d’entre nous, nous lutterons !

Les viols perpétrés sur Gisèle Pelicot par des messieurs tout le monde, les “révélations” sur l’iconique Abbé Pierre, démontrent l’imprégnation profonde de la culture du viol. La quasi-totalité des agresseurs sont des hommes (97,3%).
En 2024 nous en sommes là : découvrir que les violences faites aux femmes, aux enfants, aux personnes LGBTQIA, sont partout, perpétrées par des hommes « ordinaires » ou des personnalités préférées des Français.e.s.

Le samedi 23 novembre, à l’occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, nous manifesterons en  solidarité avec  et pour les femmes du monde entier,  celles qui sont victimes des violences machistes, celles qui luttent, celles qui avec leurs enfants, sont les premières victimes des conflits armés, des famines, des gouvernements réactionnaires et des états théocratiques, avec toutes celles qui ne peuvent pas parler, celles qui subissent des violences sexuelles, des tortures et des mutilations. 

La violence patriarcale s’exerce partout, à l’encontre des femmes, des enfants et des personnes LGBTQIA+. Elle s’exerce dans nos maisons, sur nos lieux de travail, nos lieux d’étude, dans la rue, dans les transports, dans les établissements de soins, les lieux de culture, de loisirs… 

Les plus touchées par ces violences sexistes, dont les violences économiques,  sont celles qui souffrent déjà de multiples oppressions : femmes victimes de racisme,  migrantes, sans papiers, femmes précarisées, en situation de handicap, femmes lesbiennes et bi, femmes trans, femmes en situation de prostitution et celles victimes de l’industrie pornocriminelle.

La progression de l’extrême-droite en Europe est un grave danger pour les femmes.

Partout où l’extrême droite et une partie de la droite poreuse à ses idées sont au pouvoir, elles sont les premières victimes de politiques réactionnaires. L’extrême droite ne s’intéresse aux violences faites aux femmes qu’en fonction de l’origine ou de la nationalité des agresseurs : nous refusons les récupérations ignobles du Rassemblement national sur ce sujet comme lors du meurtre et du viol de Philippine. Le RN n’utilise la lutte contre les féminicides qu’au service de son racisme et de sa xénophobie.

En France, malgré le sursaut populaire, le danger de l’accession de l’extrême droite au pouvoir n’est pas écarté. 

Et ce ne sont pas les gouvernements de Macron qui ont pris en compte nos revendications. La « grande cause du quinquennat » s’est soldée par l’éviction du juge Edouard Durand de la CIIVISE, le soutien à Depardieu, la baisse des budgets dédiés à l’égalité entre les femmes et les hommes, des menaces de couper les subventions d’associations féministes. 

Les violences et l’impunité des agresseurs persistent 7 ans après l’élection d’Emmanuel Macron, en plein #MeToo. La plupart du temps, encore, les victimes ne sont pas crues, les plaintes classées sans suite. 

Les violences faites aux femmes, aux personnes LGBTQIA+ et aux enfants doivent être une priorité politique nationale. 

En 2023, ce sont encore 103 féminicides qui ont été commis par un conjoint ou un ex-conjoint. Des femmes assassinées parce qu’elles sont femmes. Le nombre de femmes victimes de violences dans le couple (213 000 par an) et les enfants co-victimes ne diminue pas, tout comme les viols ou tentatives (94 000 par an dont 8 000 au travail). 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, en majorité au sein de la famille. Une femme en situation de handicap sur cinq a été victime de viol. Les femmes âgées de plus de 70 ans ne sont pas prises en compte dans les enquêtes sur les violences, elles représentent pourtant 21% des féminicides 50% des lesbiennes et 75% des bi ont été confrontées à des violences dans l’espace public, 85 % des personnes trans ont déjà subi un acte transphobe et la montée des idées d’extrême droite dans tous les pans de notre société n’a fait qu’amplifier ces phénomènes. 

La quasi-totalité des agresseurs sont des hommes (97,3%). 

Les différents rapports du Haut Conseil à l’Egalité nous alertent sur les violences et l’évolution  inquiétante du sexisme. Celui de 2018 sur les violences obstétricales et gynécologiques a proposé de nombreuses recommandations pour enrayer le phénomène, mais à ce jour aucune n’à été mise en place. 

Sans politique publique à grands moyens, sans prévention et sans éducation, les garçons continueront de perpétrer des violences.

Les organisations féministes et syndicales ne cessent d’avancer des propositions :

  • une loi-cadre intégrale contre les violences, comme en Espagne.
  • les 2,6 milliards d’euros nécessaires pour la mettre en oeuvre

Cette Loi-cadre intégrale devra décliner de nouveaux droits dans le monde du travail et notamment la prise en compte d’urgence de la recommandation 206 de la convention 190 de l’Organisation Internationale du Travail qui prévoit entre-autres un congé d’urgence en faveur des victimes de violences au sein du couple pour effectuer des démarches. La mobilité géographique doit aussi être facilitée si les victimes la souhaitent. Les agresseurs sur les lieux de travail doivent être sanctionnés : ce n’est pas aux victimes de partir ! 

La  loi-cadre intégrale devra prendre en compte aussi tous les aspects de la lutte contre les violences faites aux femmes et notamment la prévention, la sensibilisation de la population, l’accompagnement des victimes dans l’emploi, la santé, le parcours judiciaire,  des sanctions et des suivis socio-judiciaires des agresseurs avec des programmes spécifiques, des tribunaux dédiés aux violences sexistes et sexuelles composés de  magistrat·es formé·es et motivé·es, ayant des compétences à la fois pénales et civiles. 

Pour un continuum de mesures pour faire face au continuum des violences. 

Le gouvernement doit enfin écouter les organisations féministes et syndicales et mettre en place une Loi-Cadre intégrale.

Manifestons partout le samedi 23 Novembre 2024 ! (ou le 25 novembre suivant les territoires)

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