Cette formation s’adresse aux militant-es susceptibles de participer à la préparation de la grève du 8 mars 2024 et des actions autour. Elle s’adresse aux militant-e-s du privé comme du public.
Cette année nous avons fait le choix de nous concentrer sur la question de la construction de la grève au sein de Solidaires pour ce 8 mars, autour de discussions et ateliers sur de la préparation de la grève en se basant sur les remontées de terrain.
Comment faire dans chaque entreprise et secteur pour porter la question du 8 mars et nos revendications, avec force et créativité?
Comment faire pour porter encore mieux cette construction du 8 mars de grève dans nos syndicats, fédérations et solidaires locaux?
C’est ce à quoi nous nous attèlerons lors de cette journée qui se veut aussi conviviale et sororale.
Cette formation regroupe des militant-es de la CGT, de la FSU, et de Solidaires depuis 1998. Elle se veut un lieu d’échanges qui permet d’approfondir les questions revendicatives sur nos lieux de travail et de poser la question de la place des femmes dans les syndicats
Voici les différentes thématiques de l’édition 2024 :
L’intime est politique : refuser les normes esthétiques et les injonctions du paraître
Construire nos luttes féministes : mixité / non mixité ?
Nouvelles technologies et intelligence artificielle : nouvelles mais toujours sexistes !
Métiers du soin et du lien : un enjeu pour l’égalité
Organisme : CEFI Solidaires national
Lieu : Paris (Salle Olympe de Gouges)
Date de début :3 avril 2024
Date de fin : 4 avril 2024
Durée : 2 jours
Rappel pour vous inscrire à ces formations
Pas d’inscription individuelle : Inscriptions auprès des Solidaires locaux, fédérations et syndicats nationaux qui transfèreront au CEFI. Repas de midi et Transport pris en charge par le CEFI. Hébergement et repas du soir pris en charge par la structure inscrivante.
Email pour les inscriptions : inscriptionscefi@solidaires.org
Un livre : « Parce qu’ils sont arméniens », de Pinar Selek, paru aux Editions Liana Levi en 2015
Dans ce livre, Pinar Selek décortique comment elle a découvert qu’elle avait intériorisé les préjugés portés par la société turque contre les Arméniens et quel chemin elle a parcouru, pas à pas, grâce à plusieurs rencontres, pour s’en défaire.
Tout commence sur la façade de l’école primaire avec cette affirmation : « Heureux celui qui se dit turc ». Ou au collège, avec les discours de professeurs qui affirment de façon caricaturale que « les Turcs ont beaucoup d’ennemis : des communistes, des terroristes, des Arméniens », et pour eux, ces mots sont interchangeables.
Pinar Selek se demande pourquoi les filles arméniennes de son collège ne répondent pas aux insultes ? Elle réalise qu’elle a intériorisé leur résignation : « les Arméniens sont des froussards ».
Plus tard, elle constate qu’elle a oublié jusqu’à leurs prénoms et s’interroge : « que devient-on lorsqu’on oublie ? On s’habitue au mal ».
Grâce aux échanges avec Madame Ralin, elle a commencé à se poser des questions :
elle note l’absence de toute trace du génocide dans la littérature turque ;
elle réfléchit à la difficulté de prendre conscience des avantages de ne pas être arménien ;
elle s’aperçoit qu’être arménien revient à être réduit au silence, à l’invisibilité pour être toléré, mais sans aucune garantie.
C’est par l’amitié de l’Oncle Niṣam, pendant son séjour en prison, qu’elle réalise que « la souffrance se mue en résistance ». Quand il lui dit « ce n’est pas bien qu’on nous voit ensemble, cela pourrait te nuire », elle a eu honte de n’avoir pas pleinement pris conscience de ce qui se passait autour d’elle.
La rencontre avec Hrant Dink, fondateur du journal bilingue arménien et rurc, Agos (Le Sillon), dont le premier numéro paraît le 5 avril 1996, lui fait se poser une question majeure : « Où sont les Arméniens ? », question qui revisite la définition du citoyen arménien, mais aussi celle du citoyen turc. C’est aussi grâce à Hrant Dink qu’elle se rend compte qu’il n’est pas aisé de se départir d’une identité arrogante, provenant de ce préjugé qui construit une hiérarchisation entre les peuples.
En 2003, elle participe à l’organisation d’une de femmes en Turquie, qui collecte des missives de toutes les régions et dont l’arrivée a lieu à Konya au centre du pays. La missive de Hay Gin (unique collectif féministe arménien à Istanboul) attire son attention : « Sur les routes que vous avez traversées, nous existions autrefois » et elle en conlut que « l‘image altérée des Arméniens que j’avais se déchire pour de bon ».
Le 19 janvier 2007, Hrant Dink est assassiné de trois balles dans la tête ; l’enquête criminelle a montré la complicité des services de police et l’implication de hauts dignitaires turcs.
A son enterrement, plus de 300 000 personnes scandent « Nous sommes tous des Arméniens »… et, avec la disparition de son ami, Pinar Selek a « enterré l’arrogance ».
Elle nous montre le chemin pour se défaire des préjugés : il ne suffit pas de savoir, il faut aussi s’arrêter, prendre de la distance, réfléchir. Elle propose que « les avenues qui portent le nom des responsables du génocide arménien soient rebaptisées Hrant Dink ».
Ce livre est très important car il montre combien il est difficile d’analyser les préjugés qui construisent notre identité, que nous intériorisons malgré nous, et le chemin à parcourir pour les déconstruire et s’en défaire. Ses reflexions pourraient servir par exemple aux hommes militants, qui se posent des questions sur des relations égalitaires avec les femmes et ne voudraient pas faire partie du clan des machos et masculinistes : comment questionner la hiérarchisation des sexes, la construction de l’identité virile par la violence et la mise en concurrence, « le masculin qui l’emporte sur le féminin » dans la langue française depuis tant d’années ! En s’inspirant de la vidéo de Carole Roussopoulos « Christiane et Monique – LIP V»1, on pourrait lire ce livre en remplaçant « turc » par « homme » et « arménien » par « femme » … Ou encore arabes par juifs, personnes à la peau claire par personnes à la peau foncée, personnes valides par personnes handicapées, féministes occidentales par féministes d’autres régions du monde, etc… Car personne n’échappe aux préjugés mais il ne tient qu’à nous de les combattre, individuellement et collectivement !
Elisabeth GIGANT-CLAUDE
D’autres ouvrages à découvrir :
Service militaire en Turquie et construction de la classe de sexe dominante. Devenir homme en rampant. Pinar Selek. Editions L’Harmattan, 2014 L’autrice étude les différents mécanismes à l’œuvre pour formater les individus : dépersonnalisation, violence, soumission, absurdité et arbitraire d’ordres auxquels les jeunes appelés ne peuvent se soustraire, nationalisme et culte du pouvoir, de la force.
L’insolente. Dialogues avec Pinar Selek. Guillaume Gamblin. Editions Cambourakis, 2019 Dans ce livre, elle revient sur son parcours, son enfance, ses combats auprès des opprimé·es : avec les enfants des rues d’Istanbul, les prostituées, les Kurdes, les Arménien·nes. Elle raconte la torture et la prison, mais aussi la création d’un atelier des artistes de rue, d’une coopérative féministe ou d’une plateforme d’écologie sociale. Aujourd’hui exilée en France, elle poursuit ses recherches universitaires, mais elle continue avant tout son combat pour décloisonner les luttes et ouvrir des voies créatives vers une autre société. Guillaume Gamblin, qu’elle a connu à Lyon dans le milieu alternatif et qui est devenu son ami, nous invite, à partir d’entretiens, à rencontrer cette « femme aux mille vies » à l’énergie contagieuse.
Le Chaudron militaire turc. Un exemple de production de la violence masculine. Pinar Selek. Editions des femmes, 2023 Avec ce nouveau livre qui réarticule les éléments de ses recherches précédentes, Pınar Selek élargit sa réflexion, nourrie de références philosophiques à nos sociétés toutes entières, régies par un capitalisme effréné et un mépris à l’égard des femmes dans un contexte mondial de guerres et une montée des régimes autocratiques.
Le Mantois se mobilise face aux massacres de masse à Gaza
A l’initiative de l’association de solidarité inter-peuples et en coordination avecplusieurs autres organisations associatives, syndicales et politiques du Mantois, deux nouveaux événements sont organisés pour exiger la fin des massacres perpétrés par Israël à Gaza, provoquant la mort de près de 30 000 Palestiniens dont près de 10 000 enfants.
Alors que des organisations non gouvernementales alertent du processus génocidaire en cours, le premier ministre B. Netanyahu persiste à soumettre la population Gazaouie à des bombardements d’une intensité et d’une violence inouïes. A l’heure où le mutisme et l’accoutumance à l’inacceptable semblent s’installer, les citoyens du Mantois sont invités à venir nombreux prendre part à deux moments de commémoration et de revendication :
Le vendredi 29 décembre à 18H30, sur le parvis de la mairie de Mantes-la-Jolie qui accueillera une veillée commémorative donnant lieu à des actions symboliques en hommage aux enfants de Gaza, victimes innocentes de bombardements aveugles et continus.
Le vendredi 5 janvier 2024, pour participer à une marche aux flambeaux de la mairie de Mantes-la-Ville à celle de Mantes-la-Jolie.
L’occasion d’appeler massivement à ce que l’année 2024 soit définitivement expurgée des affres de la barbarie subie par les populations civiles de Gaza.
Signatures : Association de Solidarité Inter-Peuples, AFPS78,Parti de Gauche, Parti Ouvrier Indépendant, Solidaires 78, LFI-Mantois Insoumis, Génération S, Europe Ecologie les Verts, Ligue des Droits de l’Homme, Parti Socialiste, Fédération des Yvelines du Parti Communiste Français, ATTAC 78 nord, Union locale CGT de la région mantaise, Fffrac (Fortes, Fières, Féministes, Radicales et en Colère !), FSU78.
Le Mantois se mobilise face aux massacres de masse à Gaza
A l’initiative de l’association de solidarité inter-peuples et en coordination avecplusieurs autres organisations associatives, syndicales et politiques du Mantois, deux nouveaux événements sont organisés pour exiger la fin des massacres perpétrés par Israël à Gaza, provoquant la mort de près de 30 000 Palestiniens dont près de 10 000 enfants.
Alors que des organisations non gouvernementales alertent du processus génocidaire en cours, le premier ministre B. Netanyahu persiste à soumettre la population Gazaouie à des bombardements d’une intensité et d’une violence inouïes. A l’heure où le mutisme et l’accoutumance à l’inacceptable semblent s’installer, les citoyens du Mantois sont invités à venir nombreux prendre part à deux moments de commémoration et de revendication :
Le vendredi 29 décembre à 18H30, sur le parvis de la mairie de Mantes-la-Jolie qui accueillera une veillée commémorative donnant lieu à des actions symboliques en hommage aux enfants de Gaza, victimes innocentes de bombardements aveugles et continus.
Le vendredi 5 janvier 2024, pour participer à une marche aux flambeaux de la mairie de Mantes-la-Ville à celle de Mantes-la-Jolie.
L’occasion d’appeler massivement à ce que l’année 2024 soit définitivement expurgée des affres de la barbarie subie par les populations civiles de Gaza.
Signatures : Association de Solidarité Inter-Peuples, AFPS78,Parti de Gauche, Parti Ouvrier Indépendant, Solidaires 78, LFI-Mantois Insoumis, Génération S, Europe Ecologie les Verts, Ligue des Droits de l’Homme, Parti Socialiste, Fédération des Yvelines du Parti Communiste Français, ATTAC 78 nord, Union locale CGT de la région mantaise, Fffrac (Fortes, Fières, Féministes, Radicales et en Colère !), FSU78.
L’Assemblée nationale vient d’adopter ce texte après des tractations politiciennes organisées par le gouvernement tandis que l’extrême-droite jubile.
Il reflète la volonté du gouvernement de stigmatiser une fois de plus les immigré·es et développe un climat nauséabond vis-à-vis des étranger·es, malgré les promesses de “digue contre l’extrême-droite” d’Emmanuel Macron en mai 2022.
La journée du 19 décembre a franchi un nouveau cap. Le gouvernement a décidé de faire adopter une loi reprenant les pires positions de l’extrême-droite sur la préférence nationale, sa négation du droit du sol et des droits des travailleuses et travailleurs étranger·es. Le problème n’est pas d’adopter le projet de loi avec ou sans les voix de l’extrême droite. C’est bien son contenu, qui permet qu’il soit voté par l’extrême droite.
L’Union syndicale Solidaires lutte depuis des mois contre ce projet de loi. Nous avons participé activement au cadre unitaire UCIJ, Unis contre une immigration jetable, pour repousser cette loi et porter une politique migratoire d’accueil et solidaires. L’urgence c’est de régulariser les travailleurs et travailleuses sans-papiers trop souvent exploité·es, sous la menace d’une arrestation sur le chemin du travail. Cette loi n’y répond pas. L’urgence c’est de ne laisser personne à la rue. L’urgence c’est de donner les moyens aux services publics. L’urgence c’est les augmentations de salaires, le partage des richesses et la lutte contre la crise écologique, pas une énième loi sécuritaire et xénophobe.
Nous sommes à un tournant politique majeur. Il est urgent que l’ensemble du mouvement social, que les forces syndicales, associatives et politiques, fassent front ensemble. Nous avons une responsabilité collective à proposer une action massive et populaire pour empêcher l’application de cette loi. L’Union syndicale Solidaires va tout mettre en œuvre dans ce sens dans les jours et semaines qui viennent.
La loi immigration, portée par le gouvernement et votée le 19 décembre avec les voix de la “majorité présidentielle”, de la droite et de l’extrême droite, est une régression sans précédent.
Le gouvernement mène une politique raciste de ségrégation sociale : il désigne des boucs émissaires pour mieux diviser les classes populaires.
SUD éducation appelle l’ensemble des personnels à se mobiliser dès ces prochains jours lors de mobilisations locales et se réunir à la rentrée pour préparer une riposte à la hauteur de cette attaque pour une société plus solidaire, plus émancipatrice et plus démocratique, contre le racisme.
Communiqué de sud éducation
communiqué de sud éducation dans l’esr
déclaration intersyndicale lors du csa men du 21 décembre
Notre camarade de SUD éducation – Solidaires 78 a accordé un entretien au collectif antifasciste La Horde que nous reproduisons ici.
Grégory Chambat, enseignant et militant syndical, s’intéresse depuis plusieurs années à la pénétration des idées d’extrême droite en matière d’éducation. Il vient de publier un petit ouvrage qui propose un rapide historique de l’imaginaire réactionnaire de l’institution scolaire, un argumentaire pour répondre aux idées racistes et sexistes des nationalistes de droite, et une présentation des politiques éducative de différents gouvernements d’extrême droite dans le monde. On lui a posé quelques questions pour en savoir plus sur l’extrême droite et l’école : voici ses réponses.
Ton dernier livre fait moitié moins de pages que L’École des Reac-publicains. Pourquoi publier un livre d’un format compact dans le contexte actuel ? À première vue, les deux ouvrages peuvent sembler proches dans leur thématique, mais ils répondent en réalité à deux objectifs différents et s’adressent aussi peut-être à deux publics qui ne se recoupent pas forcément. Publié en 2016, L’École des réacs-publicains entendait questionner l’émergence, dans les débats sur l’école, d’une rhétorique que j’ai qualifiée de « réac-publicaine » et qui apparaît au milieu des années quatre-vingt à travers un puissant courant « anti-pédagogiste », courant qui se développe au moment où la gauche de gouvernement renonce à toute ambition sociale, égalitaire et émancipatrice et où l’extrême droite marque ses premiers points dans sa bataille pour l’hégémonie culturelle. Et c’est justement sur cette question de l’éducation que des « républicains » des « deux rives » vont se retrouver et confirmer l’analyse de Jacques Rancière qui écrivait dans La haine de la démocratie : « C’est, de fait, autour de la question de l’éducation que le sens de quelques mots – république, démocratie, égalité, société, a basculé. » À la sortie du livre, j’ai été taxé de tout mélanger. À l’époque, les Onfray, Brighelli, Michéa, Polony ou Julliard apparaissaient encore comme des « souverainistes de gauche ». Aujourd’hui, leur inscription dans la galaxie réactionnaire ne fait plus de doute, et c’est bien d’abord à travers leurs discours sur l’école qu’ils ont rallié « l’autre rive ». Mais cette exploration de la nébuleuse réacpublicaine voulait aussi s’interroger sur une inquiétante impuissance du mouvement social concernant les enjeux scolaires, quand, là encore, pour résumer à grands traits, l’abandon d’un discours critique sur l’école faisait que la défense de l’école républicaine prenait l’ascendant sur la lutte pour une école démocratique et émancipatrice. Avec Quand l’extrême droite rêve de faire école, il s’agit, hélas, d’acter la victoire idéologique de l’extrême droite dans le débat scolaire. Ses prétendus adversaires reprennent aujourd’hui sa rhétorique et son programme (« Les discours de M. Blanquer, déclarait Marine Le Pen dès 2017, sont […] pour nous une victoire idéologique mais même maintenant une victoire politique » ). L’heure n’est plus vraiment au décryptage, mais bien à la contre-offensive. En ce sens, j’ai imaginé ce nouvel ouvrage comme un texte de combat, et donc comme un écrit plus accessible, plus court (130 pages) et plus synthétique, répondant à cette lancinante rengaine « l’extrême droite ? on n’a jamais essayé… ». L’ouvrage est structuré autour de quatre entrées : un survol historique qui démontre l’obsession de l’extrême droite pour l’éducation, une analyse de sa rhétorique et de son programme, la présentation de l’action de l’extrême droite là où elle est déjà au pouvoir et « fait école » (mairies RN, mais aussi expériences à l’étranger – Brésil, États-Unis, Hongrie, Turquie) et enfin une partie qui se propose de construire la riposte. Il s’agit d’abord d’outiller, d’armer et de conscientiser celles et ceux qui veulent résister et lutter. Je crois que le livre trouvera surtout son public sur les tables de presse militantes, les stages syndicaux, les rencontres antifascistes, etc. où il a davantage sa place plutôt qu’en librairie (mais ce serait bien que je me trompe…).
L’offensive de l’extrême droite en matière d’éducation est essentiellement réactionnaire. Est-ce que tu peux expliquer pour quelles raisons ? L’extrême droite nourrit depuis toujours une obsession pour les questions éducatives. Le livre retrace un certain nombre de ces épisodes, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours : Edouard Drumont, l’auteur de La France juive, contre le pédagogue libertaire Paul Robin, les ligues nationalistes anti-dreyfusardes dénonçant « l’école sans patrie », l’Action française contre Freinet, etc.
L’Éducateur prolétarien (revue de Freinet) n° 2, 15 octobre 1934
À chaque fois, il s’agit de lutter contre une promesse d’émancipation sociale en se mobilisant pour maintenir un système inégalitaire et autoritaire. Jean-Michel Barreau a une définition très pertinente du projet réactionnaire : « Conservateur en colère, écrit-il, le réactionnaire veut maintenir l’ordre “naturel” des choses et se donne les moyens autoritaires de le faire. [Il est aussi] assurément un réformateur, mais un réformateur qui réforme à reculons : en reculant dans l’histoire et en reculant dans le social, dans la justice et l’égalité. » Cette rhétorique réactionnaire de l’extrême droite se construit en deux temps : distiller l’idée d’une décadence du système scolaire pour en appeler à un redressement – du corps, des esprits et de la nation. Dans cette perspective, l’idée d’égalité est tout simplement insupportable. L’école est ainsi présentée comme le symptôme d’un effondrement de la civilisation, d’un « Grand endoctrinement » qui fait écho au « Grand remplacement ». Elle est aussi vue comme le lieu d’un possible retour à l’ordre. Mais pour cela, il faut exclure : exclure les élèves issu·es de l’immigration, les enfants de pauvres, mais aussi exclure les personnels (les pédagogues, les syndicalistes, les wokistes et les islamo-gauchistes), exclure, enfin, toute pensée critique (historique, sociologiques, etc.).
Parmi les principaux ennemis de l’extrême droite en matière d’éducation, tu cites les pédagogues, alors que la pédagogie est littéralement la science de l’éducation. Est-ce que tu peux nous expliquer cet (apparent) paradoxe ? Effectivement, les pédagogues figurent en tête des ennemis à éliminer du fait de leur volonté de transformer l’institution. Ils et elles sont accusé·es (avec les sociologues, les historien·nes critiques, etc.) d’être les responsables de la baisse du niveau et de la décadence du système éducatif. Mais derrière ces enjeux pédagogiques, il y a en réalité des choix politiques. En opposant un courant « républicain » à un courant qualifié de « pédagogiste », il s’agit de balayer d’un revers de main toute ambition de transformation sociale. Les sciences de l’éducation sont d’ailleurs également remises en question au nom de la tradition – enseigner serait un métier qui ne s’apprend pas, Sarkozy avait ainsi supprimé toute formation initiale – et il s’agit uniquement d’appliquer les bonnes vieilles recettes d’antan (cours magistral, scolastique, etc.) Il faudrait aussi évoquer la tendance à se référer continuellement aux neurosciences pour en faire « la » science de l’éducation. De Blanquer à Attal, on retrouve cette volonté d’uniformiser les pratiques pédagogiques et de transformer les enseignant·es en simple exécutant·es de process validés par la science.
Jean-Michel Blanquer
C’est aussi au nom de cette neuropédagogie que se développe aujourd’hui tout un tas d’écoles hors contrat. Pour accompagner la création de ces écoles, il y a un mouvement très structuré, la Fondation pour l’école, dont les liens avec les catholiques intégristes mais aussi les nostalgiques du colonialisme sont avérés. De fait, comme tu le dis, on ne peut pas imaginer une école sans pédagogie. Mais celle-ci est toujours adossée à un projet politique et à une vision de la société. La nostalgie pour les méthodes d’hier renvoie à une conception hiérarchique et autoritaire, celles justement que des pédagogues comme Robin, Ferrer, Freinet ou Freire, se référant au mouvement ouvrier, ont dénoncé. D’autres ont voulu « dépolitiser » les questions pédagogiques, je pense en particulier à Montessori, qui justifiait ainsi ses accointances avec le régime de Mussolini. Sans forcément que ces liens soient connus, la pédagogie Montessori jouit d’un prestige chez certain·es réactionnaires. Ainsi, dans la ville où j’enseigne (Mantes-la-Ville), l’ancien maire FN avait favorisé l’implantation d’une école Montessori.
Tu avances que l’extrême droite aurait gagné « la bataille des idées » en matière d’éducation. Est-ce qu’elle n’essaye pas surtout de le faire croire (comme c’est le cas dans bien des domaines) ? N’est-ce pas dans le champ éducatif justement que la résistance à ses idées semble la plus forte ? Je crois – hélas – que l’extrême droite sort aujourd’hui victorieuse de cette bataille culturelle…. Le jour des annonces de Gabriel Attal, Roger Chudeau, le « monsieur éducation » du RN, déclarait « les mesures sont exactement celles du programme de Marine Le Pen ». Il y a là peut-être une part de stratégie politique, mais, assurément, en matière d’éducation, l’extrême droite a su imposer son discours, son agenda et ses « solutions ».
Elle y est d’autant mieux parvenue que c’est un sujet où l’on a sous-estimé son action alors même que le mouvement social a abandonné l’idée d’une critique de l’école. Le débat scolaire s’est ainsi réduit à une opposition réactionnaires / gestionnaires (ou « républicains vs « pédagogistes »). Cette hégémonie idéologique de l’extrême droite en matière d’éducation fait qu’il est de plus en plus difficile de contrer son discours sur la restauration de l’autorité, les fondamentaux, etc. Le simplisme des mesures préconisées, comme par exemple le port de l’uniforme, n’empêche pas qu’elles recueillent une large adhésion, y compris chez certain·es collègues qui, tout en prétendant combattre l’extrême droite, nourrissent en réalité le terreau sur lequel elle prospère. Mais il s’agit de distinguer le succès idéologique et médiatique des droites extrêmes de leur implantation dans les établissements scolaires. Quand Zemmour annonce l’élection de 3500 « parents vigilants » dans les instances, il faut rappeler que ce sont 300 000 représentant·es de parents d’élèves qui siègent à différents niveaux.
Quant au corps enseignant, le vote d’extrême droite y est bien moins puissant que dans d’autres profession (entre 10 et 20 % selon les élections) mais il progresse régulièrement pour des raisons que j’ai essayé de montrer dans mon livre. De fait, l’école demeure encore un lieu de résistance. Les organisations syndicales ont pris conscience du danger, elles organisent des stages et ont monté une structure intersyndicale « Toutes et tous ensemble contre l’extrême droite » qui rassemble la CGT, la FSU, SUD, la CFDT, l’Unsa. Ainsi à Béziers les conseils d’école ont jusque-là refusé la blouse que Robert Ménard veut imposer depuis des années. Si l’école prend conscience des dangers qui pèsent sur elle, si les personnels sortent de la résignation et prennent le chemin du collectif, on peut garder l’espoir que le monde éducatif soit un espace de résistance. Mais on sait aussi que les choses peuvent évoluer très rapidement. Et qu’en cas de trop forte opposition, les gouvernements autoritaires n’hésitent pas non plus à réprimer. En Hongrie, au Brésil ou encore en Turquie, les enseignant·es trop revendicatif·ves ont été mis·es sous surveillance et déchu·es d’un certain nombre de leurs droits (liberté d’expression, liberté pédagogique, droit de grève, etc.).
On le sait, le système scolaire est déjà une machine à produire de l’inégalité. De quelle manière les propositions scolaires de l’extrême droite pourrait davantage accentuer cet état de fait ? Je commence la partie historique de mon livre en rappelant que l’institution scolaire est déjà en elle même très conservatrice et inégalitaire ce qui peut la rendre perméable à certains discours réactionnaires. L’école de Jules Ferry, c’est d’abord une organisation fondée sur la ségrégation sociale (l’école du peuple, gratuite et l’école de l’élite, le secondaire, publique mais payant jusqu’en 1932). C’est bien cette fonction de tri social que l’extrême droite entend restaurer à travers une série de mesures (fin des réseaux d’éducation prioritaire, des aides sociales pour les transports, la cantine, le péri-scolaire, limitation de l’accès aux bourses aux seul·es méritant·es, etc.). « Faute de pouvoir combattre l’accroissement des inégalités, déclare Jacques Rancière, on les légitime en disqualifiant ceux qui en subissent les effets. … Le retournement de l’universalisme républicain en une pensée réactionnaire, stigmatisant les plus pauvres, relève de la même logique. » Une logique que le philosophe Ruwen Ogien avait pointé dans son ouvrage La Guerre aux pauvres commence à l’école, à propos de l’enseignement de la morale. D’abord, il faut distiller l’idée d’une décadence du système afin d’en appeler à un ou une « sauveur ». Et c’est en se tournant vers un passé mythifié (l’école de Ferry mais aussi le colonialisme), que l’extrême droite entend nous convaincre que « c’était mieux avant » (j’ai ajouté des guillemets), que les idées de progrès social et d’égalité, sont vouées à l’échec, qu’il faut remettre de l’ordre et mettre hors d’état de nuire les empêcheur·euses de régresser en toute tranquillité. L’objectif est de balayer les contestations, de bâillonner toute lutte au sein de l’institution et d’éliminer les ennemi·es intérieur·es. L’extrême droite voue une haine farouche à l’égalité – rebaptisée « égalitarisme » – qui transpire dans l’ensemble de son programme. Elle lui oppose la méritocratie (Giorgia Meloni, sitôt élue, s’est empressée de renommer le ministère de l’éducation en ministère de l’Éducation et du mérite), l’ordre, la hiérarchie, l’obéissance et surtout « l’égalité des chances ». Une formule que l’on retrouve chez d’autres mais l’extrême droite peut à juste titre en revendiquer la paternité puisque c’est Pétain qui l’a mise au goût du jour dans un discours sans équivoques : « Le régime nouveau, affirmait-il, sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des “chances” données à tous les Français de prouver leur aptitude à “servir”. Seuls le travail et le talent deviendront le fondement de la hiérarchie française. […] Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire. »
Le maréchal Pétain en visite dans une école / Mémorial de Caen
Si les politiques éducatives de ces dernières années participent très largement au renforcement des inégalités, parfois à travers des copier-coller des mesures préconisées par la droite de la droite, l’arrivée de cette dernière au pouvoir marquerait une nouvelle étape et une accélération du processus. L’étude des mesures prises dans les mairies au main du RN en est une préfiguration. Sous prétexte de lutter contre « l’assistanat » et de « responsabiliser » les familles démunies, l’accès à la cantine, aux transports ou aux activités péri-scolaires est drastiquement limité ou est devenu payant, les dotations de fonctionnement ou les salaires des agent·es (par exemple les Atsem en maternelle) sont gelées, les enseignant·es sont violemment pris·es à partie…
L’extrême droite multiplie depuis plusieurs années les structures de formation pour ses militants (Academia Christiana, Iliade, Issep, etc.). Tu en parles peu dans ton livre. Qu’en penses-tu ? C’est vrai, j’évoque seulement l’Issep, l’école fondée par Marion Marechal Le Pen qui en a fait un élément central de son combat politique (« avec ce projet entrepreneurial, je suis fidèle à ce que j’ai toujours défendu durant mon mandat : le combat culturel, métapolitique. Transmettre la culture, le savoir, nos valeurs civilisationnelles ne peut se faire uniquement par le biais électoral. »). J’évoque aussi la centralité de l’Action française dans la formation des cadres nationalistes. La multiplication de ces structures de formation participe bien de la bataille culturelle que mène l’extrême droite avec la volonté de faire émerger des intellectuel·les organiques, selon la théorie du penseur marxiste Gramsci. C’est un phénomène qu’il est important d’observer et qui participe à l’enracinement de ces mouvements. Je l’ai peu abordé car il me semblait en marge de la question scolaire mais il y aurait effectivement tout un travail à mener sur ces initiatives qui s’avèrent des lieux de socialisation, en particulier pour la jeunesse.
La carte que tu évoques avait accompagné la sortie du livre L’École des réac-publicains. C’était un travail très stimulant, inspiré des cartos que vous réalisez pour le compte de La Horde. C’est une autre manière de déployer spatialement ses analyses et cela permet de mettre en lumière certaines convergences pas forcément évidentes à souligner à travers un texte linéaire. Par exemple, je pensais au départ structurer la carte autour de quatre pôles : national-républicain, identitaires, cathos intégristes et libéraux-créateurs d’écoles, puis j’ai réalisé que les deux derniers se superposaient parfaitement. De fait une grosse mise à jour est nécessaire, la centralité du FN, devenu RN, est remise en question avec l’irruption de Reconquête, Florian Philippot a fondé depuis son propre parti, Les Patriotes, auquel s’est rallié le Collectif Racine issu du FN. Il faudrait aussi trouver comment intégrer un certain nombre de politiques non étiqueté·es à l’extrême droite mais dont les discours et les mesures sur l’école sont en adéquation avec les idées du RN (je pense à Jean-Michel Blanquer et Gabriel Attal, par exemple) tout en évitant les amalgames… Bref, ce n’est pas à La Horde que je vais expliquer que c’est un très gros chantier, délicat et qui nécessite de perpétuelles mises à jour. Donc le projet est bien dans les cartons mais il va nécessiter pas mal de temps…
Merci à toi !
Vous pouvez commander le livre Quand l’extrême droite rêve de faire école ici ou dans toutes les bonnes librairies.
Petit tour d’horizon des mobilisations sociales dans le département… Liste forcément non-exhaustive, n’hésitez pas à nous transmettre vos infos à contact@solidaires78.org