Lettre ouverte CGT, FO, FSU et SOLIDAIRES YVELINES
Le 6 mai 2020
A la Préfecture des Yvelines
A l’ARS
A l’inspection académique
A la Direccte
Au Conseil Départemental
Dans le département des Yvelines, qui n’est pas sorti de la crise sanitaire, la perspective d’une réouverture des écoles en lien avec la reprise économique à compter du 11 mai 2020 n’est ni souhaitable, ni responsable.
Nos organisations estiment que l’activité pédagogique dans les établissements scolaires doit reprendre, mais certainement pas au prix de la santé et de la sécurité des usagers et des personnels. Nous dénonçons l’obstination du gouvernement, qui, après avoir érigé le confinement comme seule solution possible, cherche désormais à imposer des conditions de reprise qui ne répondent pas à des préoccupations sanitaires ou sociales, mais bien aux pressions des organisations patronales ou à des impératifs soi-disant économiques.
Cette décision politique, contre l’avis du Conseil scientifique, suscite en effet de nombreuses réactions, notamment de la part des élus des collectivités à qui le Premier ministre demande d’assurer les conditions d’accueil dans les établissements scolaires. Respecter le protocole sanitaire implique d’avoir le matériel adéquat, mais aussi le personnel en nombre suffisant pour effectuer une mission essentielle pour la santé de tous. Cela ne s’improvise pas, et cette annonce de réouverture largement prématurée accentue les inégalités entre les territoires, fragilisant ainsi le cadre national de l’École de la République.
Une reprise progressive pour quelques semaines, à un rythme indéterminé mais au mieux sur une moitié du temps scolaire n’a guère de sens pour les professionnels de l’éducation. Elle en aura encore moins pour les parents qui vont devoir reprendre le travail en s’adaptant à l’emploi du temps de leurs enfants. Comment comprendre le retour à l’école selon le volontariat des parents lorsque les possibilités d’arrêt de travail pour chômage partiel pour les parents sont supprimées dans le privé ou au bon vouloir de l’employeur dans le public, et que le montant de l’indemnisation sera fortement diminué à compter du 1er juin ? Cette situation met à mal le prétendu volontariat, alors que de nombreux employeurs n’ont pas hésité à profiter de la possibilité d’imposer plusieurs jours de congés et/ou de RTT.
Même si le confinement pèse, c’est avec inquiétude que de nombreux salariés ont repris le travail sur site ou le feront dans les prochaines semaines. Beaucoup n’ont d’autre choix pour se déplacer que d’emprunter les transports en commun, où tous les usager.es des heures de pointe savent bien que celles-ci s’étalent déjà sur plusieurs heures matin et soir. Et on imagine bien la densité, même en admettant une réduction du nombre d’usager.es, puisque l’offre ne sera pas à 100% et que le gouvernement préconise de condamner un siège sur deux ! Le port du masque sera obligatoire dans les transports en commun, alors que rien n’est annoncé pour une mise à disposition gratuite de masques chirurgicaux et en quantité suffisante. De plus, il y a nécessité d’installer des distributeurs de SHA (Savon Hydro-Alcoolique) dans l’ensemble des transports en commun et de pratiquer un dépistage systématique avec mise en quarantaine. La gratuité des moyens de protection est essentielle dans toute politique de prévention digne de ce nom ! La santé de toutes et tous n’est pas un coût, mais une exigence sanitaire et démocratique.
Dans l’une des Académies les plus touchée par le Covid-19, le protocole sanitaire communiqué par le Ministère de l’Éducation nationale est tout à la fois insuffisant et impraticable en l’état. Insuffisant, car il ne reprend pas l’ensemble des préconisations de l’OMS, notamment la possibilité de tester massivement les élèves comme les professeurs, ainsi que le port du masque pour tous. Impraticable, car outre ces insuffisances, il prévoit de faire porter la responsabilité aux enseignants le respect d’une impossible distanciation sociale, notamment dans les classes des plus jeunes élèves. Nous demandons que la faisabilité de ce protocole sanitaire soit discutée par l’ensemble des acteurs de terrain (personnels de santé, enseignants et intervenants en milieu scolaire, personnel de nettoyage, fonctionnaires territoriaux, organisations syndicales, représentants des parents d’élèves et des élèves…) avant d’être validé par les CHS d’établissement, et/ou les conseils d’administration, les conseils d’école. La visite préalable à la reprise doit être réalisée en présence des membres du conseil d’école et des salarié.es qui interviennent qu’ils soient fonctionnaires, associatifs ou employé.es par des entreprises sous-traitantes.
Cela est pour nous un préalable à toutes réouvertures d’écoles ou d’entreprises, afin de permettre l’éradication de ce virus.
Nous constatons que le confinement a renforcé les inégalités déjà existantes entre les élèves et l’on voit mal où est la lutte contre les inégalités et la précarité. Nous savons qu’un retour à la normale ne pourra pas se faire avant qu’un traitement et/ou un vaccin ait été trouvé. Mais nous demandons avant tout que l’État prenne ses responsabilités. Il convient donc de donner plus de moyens humains et matériels, de revaloriser tous les métiers liés à l’éducation, rapidement et durablement : cela commence par l’annulation de toutes les suppressions de postes et de classe prévues à la rentrée 2020. Les mêmes exigences concernent le milieu hospitalier, du social et du médico-social, sans oublier les salariés du particulier employeur, durement éprouvé ces dernières semaines par la lutte contre l’épidémie : création de tous les postes et de tous les lits nécessaires. Alors que les Yvelines sont un département durement touché, particulièrement dans les EHPAD. Nous devons tout faire pour éviter une seconde vague, comme le redoute l’Institut Pasteur.
Les interventions du premier ministre n’ont en rien répondu à nos interrogations et aux revendications des personnels. C’est pourquoi nos organisations demandent des réponses et des garanties avant que soit envisagée la généralisation de la réouverture des lieux de travail et le retour des personnels et du public dans les établissements scolaires.
Nous citons en annexe quelques-unes des nombreuses questions qui restent en suspens.
Tant que ces garanties sanitaires ne sont pas remplies, les risques encourus par les élèves, le personnel et la population doivent conduire à différer l’ouverture des écoles et des lieux de travail prévue à partir du 11 mai et à maintenir et améliorer les dispositions garantissant un maintien de ressources (notamment au niveau du chômage partiel et de l’indemnisation chômage).
Annexe : questions en suspens liées à la réouverture des établissements scolaires :
– Comment organiser les salles de classe et des sens de circulation dans des structures parfois trop petites ?
– Comment gérer les moments de récréations, les passages aux toilettes notamment pour les élèves les plus jeunes ?
– Quelles garanties d’approvisionnement en savon, en essuie-mains jetables, en gel hydroalcoolique, en masques ?
– Comment respecter les distanciations physiques pour les AESH et les ATSEM, dans les bus scolaires, à la cantine (nous espérons, puisqu’il est question de lutte contre les inégalités, que la restauration scolaire fonctionnera) ?
– Quelles procédures de désinfection et de nettoyage des locaux alors qu’il faudrait en même temps étaler les arrivées et départs, non seulement pour l’école mais le cas échéant pour les activités périscolaires ? Quelles protections pour les agents chargés de ces tâches, qui sont parfois salariés de sociétés de nettoyage privées, lesquelles fournissent peut d’équipements de protection et d’information à leur personnel ?
– Dans le cadre des activités périscolaires et des cantines pour les écoles primaires, c’est encore un flou, charge aux collectivités locales de gérer, ce qui renforce d’autant plus les inégalités territoriales en fonction de la richesse ou non des communes. Cela créera aussi des problèmes pour les parents-salariés, et notamment ceux résidant dans une commune avec des écoles qui n’ont pas la capacité d’accueillir le périscolaire … D’autant plus qu’avec 15 enfants par classe, ceux-ci auront probablement cours un à deux jours par semaine seulement.
– Quelle procédure est envisagée si un élève, un agent est infecté ?
– Quid du dépistage ?