Y avait-il besoin d’une confirmation ? Pas vraiment. Le nouveau gouvernement et les premières déclarations du premier ministre sont à l’image de la politique ultralibérale de Macron.
La concentration dans de “super-portefeuilles” de sujets sur lesquels les urgences sont réelles comme la santé, le travail ou l’éducation ne peut qu’inquiéter quant au sort qui leur sera réservé. Quant au logement qui subit une crise sans précédent, son ministère a proprement disparu!
Nous ne laisserons pas enterrer les sujets criants actuels que sont les salaires et la précarité, les conditions de travail dégradées partout, l’hôpital qui ne peut plus soigner et les carences dans tous les services publics tandis que le ministère de la Fonction publique disparaît. Sans parler de la transition énergétique, sujet brûlant lui aussi aux abonnés absents.
Ce n’est pas un remaniement qui fera oublier les régressions sociales importantes sur les retraites, l’assurance chômage et la loi immigration qui fait basculer cette politique vers une validation des idées de l’extrême droite.
Si la parité est respectée, les ministères régaliens sont « réservés » aux hommes, et on peut être inquiet des questions de luttes contre la LGBTQiphobie, quand plusieurs ministres ont affiché leur opposition au mariage pour toustes.
Non ce gouvernement n’a rien de jeune ou de nouveau : il reprend les vieilles recettes libérales qui ne répondent ni aux urgences écologiques et sociales ni aux besoins d’égalités et de lutte contre les discrimination. Il va continuer de dégrader le quotidien et l’avenir des travailleuses et les travailleurs. Pour Solidaires, il est plus qu’urgent que les travailleurs·euses, et le mouvement social s’organisent pour imposer de véritables politiques sociales, environnementales et de solidarité.
Appel à des rassemblements partout le 11 janvier 2024!
Nous sommes féministes. Nous sommes de celles qui reçoivent les paroles des victimes chaque jour, de celles qui ne veulent plus compter les viols, les incestes, les féminicides, les agressions sexuelles et sexistes, de celles qui ne cessent de prôner la transformation de nos politiques publiques pour en finir avec toutes les violences faites aux femmes, aux enfants et aux minorités de genre.
Nous dénonçons, nous agissons, nous luttons sans relâche contre ce fléau. Nous écoutons les paroles des victimes. Leurs drames ne sont pas des fictions. Nous sommes solidaires et déterminées face à cette réalité qui touche toutes les femmes, qu’elles soient célèbres ou non. Nous sommes fières de chacune d’entre nous, de celles qui parlent et de celles qui ne peuvent pas. Dans ce monde qui laisse les victimes dernières de cordée sans justice, nous croyons à la présomption de sincérité.
Emmanuel Macron a tranché au plus haut sommet de l’Etat, à l’image de son bilan en la matière : “il y a la présomption d’innocence”, “Gérard Depardieu rend fière la France”, dénonçant une prétendue “chasse à l’homme” exercée contre l’acteur dont il est “un grand admirateur”, dissimulant volontairement le fait qu’il est mis en examen depuis 2020 pour viol et agression sexuelle et occultant les nombreux témoignages existants sur l’attitude sexiste et dangereuse de l’acteur à l’encontre des femmes sur les plateaux de tournage.
Le Président n’a pas eu un mot de solidarité à l’égard des victimes présumées et pas le moindre regard critique sur les propos et agissements répréhensibles relevant de la justice dont tout le monde a été témoin grâce au reportage de Complément d’enquête.
Ce choix assumé de se tenir du coté d’un auteur de violences, venant d’un Président de la République, garant des institutions, invalide la parole des plaignantes et entrave leur recours à la justice, anéantit leurs espoirs de reconnaissance du préjudice subi, contrarie leurs tentatives de reconstruction. Autoproclamé champion de la lutte contre les violences faites aux femmes, le président Macron s’avère être, ni plus ni moins, un défenseur des agresseurs présumés. Déjà en décembre 2021 pendant l’affaire Nicolas Hulot, il discréditait les féministes en les comparant à une
« société de l’Inquisition » faisant d’elles des bourreaux, là où elles sont en réalité victimes ou défenseures de ces dernières.
Relisons tous les témoignages individuels, chacune d’entre nous sait de quoi il s’agit quand nous disons #Metoo : la violence patriarcale s’exerce sur nous au quotidien, quel que soit notre âge, notre métier, notre condition sociale. Pour rappel, les mis en cause dans ces affaires sont à 96 % des hommes, les femmes et les filles représentent 86 % des victimes de violences sexuelles. Parmi toutes les victimes, 56% sont mineures.
Nous dénonçons de nouveau aujourd’hui ces chasseurs qui nous voient comme leur proie, qui nous pensent à leur disposition, qui supposent que le sexe et la violence se confondent à leur profit et pour leurs prétendus besoins. Nous voulons que cessent rapidement les laisser-faire et les passe-droits car les agresseurs n’existent pas qu’au cinéma, ils sont aussi présents dans notre quotidien. Ce quotidien dont la violence est validée et acceptée par le Président de la République. Un vieux monde revendiqué par une tribune qui met un j majuscule à Justice en méprisant les victimes et en défendant un homme qui pense au clitoris d’une petite fille quand elle fait du cheval. Les signataires savent ne prendre aucun risque : seules 1% des plaintes pour viol aboutit à une condamnation. La défaillance de notre système judiciaire nourrit l’impunité.
Les féministes contemporaines luttent jour après jour depuis les années 1970 contre les violences faites aux femmes, aux minorités de genre, aux enfants. Elles soutiennent celles et ceux qui les subissent dans leur long cheminement vers la reconstruction après avoir vécu l’indicible. Les victimes qui ont fait le choix de recourir à la justice, se heurtent bien souvent à un système qui refuse de les entendre, de les comprendre, de les croire et de les reconnaître. Depuis #Metoo, la tolérance sociale reculait, des progrès étaient accomplis. Ne laissons pas anéantir ces progrès par des propos irresponsables, graves et sexistes du Président de la République qui a porté atteinte aux droits des victimes et aux droits de toutes les femmes et des enfants.
Le vieux monde doit disparaître ne laissons pas ceux qui ont peur de le perdre défendre ses vestiges pourrissants.
Nous continuerons à défendre avec détermination les droits des femmes à disposer de leur corps et leur droit à une vie digne, débarrassée des violences sexistes et sexuelles, une vie dans laquelle chaque agresseur, quel que soit son statut, ne pourra se retrancher derrière une quelconque immunité.
Nous appelons toutes celles et ceux qui défendent les droits des femmes, des enfants et des minorités de genres, et qui refusent les violences sexistes et sexuelles à des rassemblements devant toutes les préfectures ou les palais de Justice de France le Jeudi 11 janvier 2024.
Premières signataires :
Amicale du Nid, Assemblée des Femmes, Association nationale des études féministes ANEF, ATTAC, CADAC, CIVG Tenon, CGT, Collectif enfantiste, Collectif Ensemble contre le sexisme, Collectif Féministe Contre le Viol , Collectif National pour les Droits des Femmes , Coordination française pour le lobby européen des femmes, Diplomatie Féministe Femmes d’Avenir, Fédération des Associations Générales Etudiantes, Fédération Nationale Solidarité Femmes, FEMEN, Femmes Egalité, Femmes Solidaires, Fondation Copernic, FSU, Las Rojas, Ligue des Droits de l’Homme, Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie-LFID, Maison des Femmes de Paris, Marche Mondiale des Femmes France, Mémoire traumatique et victimologie, Mouvement des femmes kurdes en France- TJK-F, Mouvement du Nid, Osez le Féminisme !, Planning Familial, Réseau Féministe “Ruptures”, Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques France (@StopVOGfr), Union des Femmes Socialistes (SKB), Union Etudiante, Union Nationale des Familles de Féminicide, Union syndicale Solidaires, VISA Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes
En soutien :
Ensemble !, France Insoumise, Gauche Ecosocialiste, Les Ecologistes, NPA, PCF, Parti de Gauche , Parti Socialiste, PCOF
L’année 2023 a été marquée par la lutte d’ampleur pour nos retraites avec des millions de personnes dans la rue pendant plus de cinq mois, mais aussi par nos luttes pour nos salaires, contre les violences policières, le racisme systémique, contre les projets écocides. Nous n’avons pas gagné sur les retraites. Mais des petites ou semi victoires ont quand même été possibles : dans des luttes sectorielles sur les salaires, pour nos libertés comme le droit de manifester, contre l’usage de la reconnaissance faciale.. L’avenir paraît sombre, tant par l’inéluctabilité du changement climatique et ses conséquences, que par l’avancée des idées d’extrême droite ici et ailleurs, la régression des droits sociaux et des libertés (de contester, manifester, circuler librement..), le sentiment que rien n’avance ou si peu en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes, ni contre les discriminations, et que désormais la guerre en Ukraine, les massacres à Gaza, nous plongent toujours un peu plus dans l’inhumain.
La tentation du défaitisme est là, et pourtant 2023 a été aussi celle de la multiplicité des luttes et des nouvelles alliances (où chacun-e agit à sa place pour l’objectif commun). Elles nous montrent la force collective actionnée par l’unité : le rôle d’une intersyndicale unie pendant le conflit des retraites (même avec ses limites), ou autre exemple l’alliance entre certains syndicats, partis politiques et les associations des quartiers populaires et des victimes de violences policières, après le meurtre de Nahel. Avec l’Alliance Ecologique et Sociale (AES) contre la liquidation du ferroviaire ou avec les Soulèvements de la Terre contre d’autres projets écocides comme les méga-bassines, le Lyon-Turin.
Le monde bouge…le syndicalisme aussi. Notre syndicalisme de transformation sociale doit de s’interroger sans cesse sur la nature du travail, nos conditions de travail, et sur la grève ; sa possibilité, son rôle central pour construire un rapport de force qui puisse faire céder un gouvernement. Ce gouvernement au libéralisme de plus en plus débridé contre le droit du travail, la fonction publique, ou la protection sociale, qui nous a habitué à de grandes déclarations pour le climat ou le droit des femmes, mais qui ne convainc plus grand monde et s’enferme dans un vocabulaire guerrier et de repli sur soi, fleurant mauvais un nationalisme avec ses mauvais relents.
Les défis de 2024 interprofessionnels seront encore nombreux : continuer de se battre partout pour nos salaires, contre les régressions sociales qui font le jeu de l’extrême droite, contre la loi immigration, sa xénophobie et ses injustices profondes, pouvoir diffuser l’action syndicale à tous les niveaux y compris dans les très petites entreprises ou associations (TPE et TPA) à travers les élections…dénoncer un capitalisme qui gangrène nos vies et la planète de manière ouverte, qui nous vend du rêve par les Jeux Olympiques, mais met sous le tapis le prix à payer en terme social et écologique.
Par la recherche de mise en commun de forces et l’élargissement indispensable de nos luttes au sein de la population, par nos alternatives positives, crédibles qui marquent la justesse de notre syndicalisme de terrain qui montre les liens indissociables entre les luttes sociales, écologistes, féministes, internationalistes, nous nous inscrirons encore une fois en 2024 dans cet élan de résistances et de luttes. Pour qu’elles deviennent enfin victorieuses !
Le Mantois se mobilise face aux massacres de masse à Gaza
A l’initiative de l’association de solidarité inter-peuples et en coordination avecplusieurs autres organisations associatives, syndicales et politiques du Mantois, deux nouveaux événements sont organisés pour exiger la fin des massacres perpétrés par Israël à Gaza, provoquant la mort de près de 30 000 Palestiniens dont près de 10 000 enfants.
Alors que des organisations non gouvernementales alertent du processus génocidaire en cours, le premier ministre B. Netanyahu persiste à soumettre la population Gazaouie à des bombardements d’une intensité et d’une violence inouïes. A l’heure où le mutisme et l’accoutumance à l’inacceptable semblent s’installer, les citoyens du Mantois sont invités à venir nombreux prendre part à deux moments de commémoration et de revendication :
Le vendredi 29 décembre à 18H30, sur le parvis de la mairie de Mantes-la-Jolie qui accueillera une veillée commémorative donnant lieu à des actions symboliques en hommage aux enfants de Gaza, victimes innocentes de bombardements aveugles et continus.
Le vendredi 5 janvier 2024, pour participer à une marche aux flambeaux de la mairie de Mantes-la-Ville à celle de Mantes-la-Jolie.
L’occasion d’appeler massivement à ce que l’année 2024 soit définitivement expurgée des affres de la barbarie subie par les populations civiles de Gaza.
Signatures : Association de Solidarité Inter-Peuples, AFPS78,Parti de Gauche, Parti Ouvrier Indépendant, Solidaires 78, LFI-Mantois Insoumis, Génération S, Europe Ecologie les Verts, Ligue des Droits de l’Homme, Parti Socialiste, Fédération des Yvelines du Parti Communiste Français, ATTAC 78 nord, Union locale CGT de la région mantaise, Fffrac (Fortes, Fières, Féministes, Radicales et en Colère !), FSU78.
Le Mantois se mobilise face aux massacres de masse à Gaza
A l’initiative de l’association de solidarité inter-peuples et en coordination avecplusieurs autres organisations associatives, syndicales et politiques du Mantois, deux nouveaux événements sont organisés pour exiger la fin des massacres perpétrés par Israël à Gaza, provoquant la mort de près de 30 000 Palestiniens dont près de 10 000 enfants.
Alors que des organisations non gouvernementales alertent du processus génocidaire en cours, le premier ministre B. Netanyahu persiste à soumettre la population Gazaouie à des bombardements d’une intensité et d’une violence inouïes. A l’heure où le mutisme et l’accoutumance à l’inacceptable semblent s’installer, les citoyens du Mantois sont invités à venir nombreux prendre part à deux moments de commémoration et de revendication :
Le vendredi 29 décembre à 18H30, sur le parvis de la mairie de Mantes-la-Jolie qui accueillera une veillée commémorative donnant lieu à des actions symboliques en hommage aux enfants de Gaza, victimes innocentes de bombardements aveugles et continus.
Le vendredi 5 janvier 2024, pour participer à une marche aux flambeaux de la mairie de Mantes-la-Ville à celle de Mantes-la-Jolie.
L’occasion d’appeler massivement à ce que l’année 2024 soit définitivement expurgée des affres de la barbarie subie par les populations civiles de Gaza.
Signatures : Association de Solidarité Inter-Peuples, AFPS78,Parti de Gauche, Parti Ouvrier Indépendant, Solidaires 78, LFI-Mantois Insoumis, Génération S, Europe Ecologie les Verts, Ligue des Droits de l’Homme, Parti Socialiste, Fédération des Yvelines du Parti Communiste Français, ATTAC 78 nord, Union locale CGT de la région mantaise, Fffrac (Fortes, Fières, Féministes, Radicales et en Colère !), FSU78.
L’Assemblée nationale vient d’adopter ce texte après des tractations politiciennes organisées par le gouvernement tandis que l’extrême-droite jubile.
Il reflète la volonté du gouvernement de stigmatiser une fois de plus les immigré·es et développe un climat nauséabond vis-à-vis des étranger·es, malgré les promesses de “digue contre l’extrême-droite” d’Emmanuel Macron en mai 2022.
La journée du 19 décembre a franchi un nouveau cap. Le gouvernement a décidé de faire adopter une loi reprenant les pires positions de l’extrême-droite sur la préférence nationale, sa négation du droit du sol et des droits des travailleuses et travailleurs étranger·es. Le problème n’est pas d’adopter le projet de loi avec ou sans les voix de l’extrême droite. C’est bien son contenu, qui permet qu’il soit voté par l’extrême droite.
L’Union syndicale Solidaires lutte depuis des mois contre ce projet de loi. Nous avons participé activement au cadre unitaire UCIJ, Unis contre une immigration jetable, pour repousser cette loi et porter une politique migratoire d’accueil et solidaires. L’urgence c’est de régulariser les travailleurs et travailleuses sans-papiers trop souvent exploité·es, sous la menace d’une arrestation sur le chemin du travail. Cette loi n’y répond pas. L’urgence c’est de ne laisser personne à la rue. L’urgence c’est de donner les moyens aux services publics. L’urgence c’est les augmentations de salaires, le partage des richesses et la lutte contre la crise écologique, pas une énième loi sécuritaire et xénophobe.
Nous sommes à un tournant politique majeur. Il est urgent que l’ensemble du mouvement social, que les forces syndicales, associatives et politiques, fassent front ensemble. Nous avons une responsabilité collective à proposer une action massive et populaire pour empêcher l’application de cette loi. L’Union syndicale Solidaires va tout mettre en œuvre dans ce sens dans les jours et semaines qui viennent.
La loi immigration, portée par le gouvernement et votée le 19 décembre avec les voix de la “majorité présidentielle”, de la droite et de l’extrême droite, est une régression sans précédent.
Le gouvernement mène une politique raciste de ségrégation sociale : il désigne des boucs émissaires pour mieux diviser les classes populaires.
SUD éducation appelle l’ensemble des personnels à se mobiliser dès ces prochains jours lors de mobilisations locales et se réunir à la rentrée pour préparer une riposte à la hauteur de cette attaque pour une société plus solidaire, plus émancipatrice et plus démocratique, contre le racisme.
Communiqué de sud éducation
communiqué de sud éducation dans l’esr
déclaration intersyndicale lors du csa men du 21 décembre
Notre camarade de SUD éducation – Solidaires 78 a accordé un entretien au collectif antifasciste La Horde que nous reproduisons ici.
Grégory Chambat, enseignant et militant syndical, s’intéresse depuis plusieurs années à la pénétration des idées d’extrême droite en matière d’éducation. Il vient de publier un petit ouvrage qui propose un rapide historique de l’imaginaire réactionnaire de l’institution scolaire, un argumentaire pour répondre aux idées racistes et sexistes des nationalistes de droite, et une présentation des politiques éducative de différents gouvernements d’extrême droite dans le monde. On lui a posé quelques questions pour en savoir plus sur l’extrême droite et l’école : voici ses réponses.
Ton dernier livre fait moitié moins de pages que L’École des Reac-publicains. Pourquoi publier un livre d’un format compact dans le contexte actuel ? À première vue, les deux ouvrages peuvent sembler proches dans leur thématique, mais ils répondent en réalité à deux objectifs différents et s’adressent aussi peut-être à deux publics qui ne se recoupent pas forcément. Publié en 2016, L’École des réacs-publicains entendait questionner l’émergence, dans les débats sur l’école, d’une rhétorique que j’ai qualifiée de « réac-publicaine » et qui apparaît au milieu des années quatre-vingt à travers un puissant courant « anti-pédagogiste », courant qui se développe au moment où la gauche de gouvernement renonce à toute ambition sociale, égalitaire et émancipatrice et où l’extrême droite marque ses premiers points dans sa bataille pour l’hégémonie culturelle. Et c’est justement sur cette question de l’éducation que des « républicains » des « deux rives » vont se retrouver et confirmer l’analyse de Jacques Rancière qui écrivait dans La haine de la démocratie : « C’est, de fait, autour de la question de l’éducation que le sens de quelques mots – république, démocratie, égalité, société, a basculé. » À la sortie du livre, j’ai été taxé de tout mélanger. À l’époque, les Onfray, Brighelli, Michéa, Polony ou Julliard apparaissaient encore comme des « souverainistes de gauche ». Aujourd’hui, leur inscription dans la galaxie réactionnaire ne fait plus de doute, et c’est bien d’abord à travers leurs discours sur l’école qu’ils ont rallié « l’autre rive ». Mais cette exploration de la nébuleuse réacpublicaine voulait aussi s’interroger sur une inquiétante impuissance du mouvement social concernant les enjeux scolaires, quand, là encore, pour résumer à grands traits, l’abandon d’un discours critique sur l’école faisait que la défense de l’école républicaine prenait l’ascendant sur la lutte pour une école démocratique et émancipatrice. Avec Quand l’extrême droite rêve de faire école, il s’agit, hélas, d’acter la victoire idéologique de l’extrême droite dans le débat scolaire. Ses prétendus adversaires reprennent aujourd’hui sa rhétorique et son programme (« Les discours de M. Blanquer, déclarait Marine Le Pen dès 2017, sont […] pour nous une victoire idéologique mais même maintenant une victoire politique » ). L’heure n’est plus vraiment au décryptage, mais bien à la contre-offensive. En ce sens, j’ai imaginé ce nouvel ouvrage comme un texte de combat, et donc comme un écrit plus accessible, plus court (130 pages) et plus synthétique, répondant à cette lancinante rengaine « l’extrême droite ? on n’a jamais essayé… ». L’ouvrage est structuré autour de quatre entrées : un survol historique qui démontre l’obsession de l’extrême droite pour l’éducation, une analyse de sa rhétorique et de son programme, la présentation de l’action de l’extrême droite là où elle est déjà au pouvoir et « fait école » (mairies RN, mais aussi expériences à l’étranger – Brésil, États-Unis, Hongrie, Turquie) et enfin une partie qui se propose de construire la riposte. Il s’agit d’abord d’outiller, d’armer et de conscientiser celles et ceux qui veulent résister et lutter. Je crois que le livre trouvera surtout son public sur les tables de presse militantes, les stages syndicaux, les rencontres antifascistes, etc. où il a davantage sa place plutôt qu’en librairie (mais ce serait bien que je me trompe…).
L’offensive de l’extrême droite en matière d’éducation est essentiellement réactionnaire. Est-ce que tu peux expliquer pour quelles raisons ? L’extrême droite nourrit depuis toujours une obsession pour les questions éducatives. Le livre retrace un certain nombre de ces épisodes, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours : Edouard Drumont, l’auteur de La France juive, contre le pédagogue libertaire Paul Robin, les ligues nationalistes anti-dreyfusardes dénonçant « l’école sans patrie », l’Action française contre Freinet, etc.
À chaque fois, il s’agit de lutter contre une promesse d’émancipation sociale en se mobilisant pour maintenir un système inégalitaire et autoritaire. Jean-Michel Barreau a une définition très pertinente du projet réactionnaire : « Conservateur en colère, écrit-il, le réactionnaire veut maintenir l’ordre “naturel” des choses et se donne les moyens autoritaires de le faire. [Il est aussi] assurément un réformateur, mais un réformateur qui réforme à reculons : en reculant dans l’histoire et en reculant dans le social, dans la justice et l’égalité. » Cette rhétorique réactionnaire de l’extrême droite se construit en deux temps : distiller l’idée d’une décadence du système scolaire pour en appeler à un redressement – du corps, des esprits et de la nation. Dans cette perspective, l’idée d’égalité est tout simplement insupportable. L’école est ainsi présentée comme le symptôme d’un effondrement de la civilisation, d’un « Grand endoctrinement » qui fait écho au « Grand remplacement ». Elle est aussi vue comme le lieu d’un possible retour à l’ordre. Mais pour cela, il faut exclure : exclure les élèves issu·es de l’immigration, les enfants de pauvres, mais aussi exclure les personnels (les pédagogues, les syndicalistes, les wokistes et les islamo-gauchistes), exclure, enfin, toute pensée critique (historique, sociologiques, etc.).
Parmi les principaux ennemis de l’extrême droite en matière d’éducation, tu cites les pédagogues, alors que la pédagogie est littéralement la science de l’éducation. Est-ce que tu peux nous expliquer cet (apparent) paradoxe ? Effectivement, les pédagogues figurent en tête des ennemis à éliminer du fait de leur volonté de transformer l’institution. Ils et elles sont accusé·es (avec les sociologues, les historien·nes critiques, etc.) d’être les responsables de la baisse du niveau et de la décadence du système éducatif. Mais derrière ces enjeux pédagogiques, il y a en réalité des choix politiques. En opposant un courant « républicain » à un courant qualifié de « pédagogiste », il s’agit de balayer d’un revers de main toute ambition de transformation sociale. Les sciences de l’éducation sont d’ailleurs également remises en question au nom de la tradition – enseigner serait un métier qui ne s’apprend pas, Sarkozy avait ainsi supprimé toute formation initiale – et il s’agit uniquement d’appliquer les bonnes vieilles recettes d’antan (cours magistral, scolastique, etc.) Il faudrait aussi évoquer la tendance à se référer continuellement aux neurosciences pour en faire « la » science de l’éducation. De Blanquer à Attal, on retrouve cette volonté d’uniformiser les pratiques pédagogiques et de transformer les enseignant·es en simple exécutant·es de process validés par la science.
C’est aussi au nom de cette neuropédagogie que se développe aujourd’hui tout un tas d’écoles hors contrat. Pour accompagner la création de ces écoles, il y a un mouvement très structuré, la Fondation pour l’école, dont les liens avec les catholiques intégristes mais aussi les nostalgiques du colonialisme sont avérés. De fait, comme tu le dis, on ne peut pas imaginer une école sans pédagogie. Mais celle-ci est toujours adossée à un projet politique et à une vision de la société. La nostalgie pour les méthodes d’hier renvoie à une conception hiérarchique et autoritaire, celles justement que des pédagogues comme Robin, Ferrer, Freinet ou Freire, se référant au mouvement ouvrier, ont dénoncé. D’autres ont voulu « dépolitiser » les questions pédagogiques, je pense en particulier à Montessori, qui justifiait ainsi ses accointances avec le régime de Mussolini. Sans forcément que ces liens soient connus, la pédagogie Montessori jouit d’un prestige chez certain·es réactionnaires. Ainsi, dans la ville où j’enseigne (Mantes-la-Ville), l’ancien maire FN avait favorisé l’implantation d’une école Montessori.
Tu avances que l’extrême droite aurait gagné « la bataille des idées » en matière d’éducation. Est-ce qu’elle n’essaye pas surtout de le faire croire (comme c’est le cas dans bien des domaines) ? N’est-ce pas dans le champ éducatif justement que la résistance à ses idées semble la plus forte ? Je crois – hélas – que l’extrême droite sort aujourd’hui victorieuse de cette bataille culturelle…. Le jour des annonces de Gabriel Attal, Roger Chudeau, le « monsieur éducation » du RN, déclarait « les mesures sont exactement celles du programme de Marine Le Pen ». Il y a là peut-être une part de stratégie politique, mais, assurément, en matière d’éducation, l’extrême droite a su imposer son discours, son agenda et ses « solutions ».
Elle y est d’autant mieux parvenue que c’est un sujet où l’on a sous-estimé son action alors même que le mouvement social a abandonné l’idée d’une critique de l’école. Le débat scolaire s’est ainsi réduit à une opposition réactionnaires / gestionnaires (ou « républicains vs « pédagogistes »). Cette hégémonie idéologique de l’extrême droite en matière d’éducation fait qu’il est de plus en plus difficile de contrer son discours sur la restauration de l’autorité, les fondamentaux, etc. Le simplisme des mesures préconisées, comme par exemple le port de l’uniforme, n’empêche pas qu’elles recueillent une large adhésion, y compris chez certain·es collègues qui, tout en prétendant combattre l’extrême droite, nourrissent en réalité le terreau sur lequel elle prospère. Mais il s’agit de distinguer le succès idéologique et médiatique des droites extrêmes de leur implantation dans les établissements scolaires. Quand Zemmour annonce l’élection de 3500 « parents vigilants » dans les instances, il faut rappeler que ce sont 300 000 représentant·es de parents d’élèves qui siègent à différents niveaux.
Quant au corps enseignant, le vote d’extrême droite y est bien moins puissant que dans d’autres profession (entre 10 et 20 % selon les élections) mais il progresse régulièrement pour des raisons que j’ai essayé de montrer dans mon livre. De fait, l’école demeure encore un lieu de résistance. Les organisations syndicales ont pris conscience du danger, elles organisent des stages et ont monté une structure intersyndicale « Toutes et tous ensemble contre l’extrême droite » qui rassemble la CGT, la FSU, SUD, la CFDT, l’Unsa. Ainsi à Béziers les conseils d’école ont jusque-là refusé la blouse que Robert Ménard veut imposer depuis des années. Si l’école prend conscience des dangers qui pèsent sur elle, si les personnels sortent de la résignation et prennent le chemin du collectif, on peut garder l’espoir que le monde éducatif soit un espace de résistance. Mais on sait aussi que les choses peuvent évoluer très rapidement. Et qu’en cas de trop forte opposition, les gouvernements autoritaires n’hésitent pas non plus à réprimer. En Hongrie, au Brésil ou encore en Turquie, les enseignant·es trop revendicatif·ves ont été mis·es sous surveillance et déchu·es d’un certain nombre de leurs droits (liberté d’expression, liberté pédagogique, droit de grève, etc.).
On le sait, le système scolaire est déjà une machine à produire de l’inégalité. De quelle manière les propositions scolaires de l’extrême droite pourrait davantage accentuer cet état de fait ? Je commence la partie historique de mon livre en rappelant que l’institution scolaire est déjà en elle même très conservatrice et inégalitaire ce qui peut la rendre perméable à certains discours réactionnaires. L’école de Jules Ferry, c’est d’abord une organisation fondée sur la ségrégation sociale (l’école du peuple, gratuite et l’école de l’élite, le secondaire, publique mais payant jusqu’en 1932). C’est bien cette fonction de tri social que l’extrême droite entend restaurer à travers une série de mesures (fin des réseaux d’éducation prioritaire, des aides sociales pour les transports, la cantine, le péri-scolaire, limitation de l’accès aux bourses aux seul·es méritant·es, etc.). « Faute de pouvoir combattre l’accroissement des inégalités, déclare Jacques Rancière, on les légitime en disqualifiant ceux qui en subissent les effets. … Le retournement de l’universalisme républicain en une pensée réactionnaire, stigmatisant les plus pauvres, relève de la même logique. » Une logique que le philosophe Ruwen Ogien avait pointé dans son ouvrage La Guerre aux pauvres commence à l’école, à propos de l’enseignement de la morale. D’abord, il faut distiller l’idée d’une décadence du système afin d’en appeler à un ou une « sauveur ». Et c’est en se tournant vers un passé mythifié (l’école de Ferry mais aussi le colonialisme), que l’extrême droite entend nous convaincre que « c’était mieux avant » (j’ai ajouté des guillemets), que les idées de progrès social et d’égalité, sont vouées à l’échec, qu’il faut remettre de l’ordre et mettre hors d’état de nuire les empêcheur·euses de régresser en toute tranquillité. L’objectif est de balayer les contestations, de bâillonner toute lutte au sein de l’institution et d’éliminer les ennemi·es intérieur·es. L’extrême droite voue une haine farouche à l’égalité – rebaptisée « égalitarisme » – qui transpire dans l’ensemble de son programme. Elle lui oppose la méritocratie (Giorgia Meloni, sitôt élue, s’est empressée de renommer le ministère de l’éducation en ministère de l’Éducation et du mérite), l’ordre, la hiérarchie, l’obéissance et surtout « l’égalité des chances ». Une formule que l’on retrouve chez d’autres mais l’extrême droite peut à juste titre en revendiquer la paternité puisque c’est Pétain qui l’a mise au goût du jour dans un discours sans équivoques : « Le régime nouveau, affirmait-il, sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des “chances” données à tous les Français de prouver leur aptitude à “servir”. Seuls le travail et le talent deviendront le fondement de la hiérarchie française. […] Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire. »
Si les politiques éducatives de ces dernières années participent très largement au renforcement des inégalités, parfois à travers des copier-coller des mesures préconisées par la droite de la droite, l’arrivée de cette dernière au pouvoir marquerait une nouvelle étape et une accélération du processus. L’étude des mesures prises dans les mairies au main du RN en est une préfiguration. Sous prétexte de lutter contre « l’assistanat » et de « responsabiliser » les familles démunies, l’accès à la cantine, aux transports ou aux activités péri-scolaires est drastiquement limité ou est devenu payant, les dotations de fonctionnement ou les salaires des agent·es (par exemple les Atsem en maternelle) sont gelées, les enseignant·es sont violemment pris·es à partie…
L’extrême droite multiplie depuis plusieurs années les structures de formation pour ses militants (Academia Christiana, Iliade, Issep, etc.). Tu en parles peu dans ton livre. Qu’en penses-tu ? C’est vrai, j’évoque seulement l’Issep, l’école fondée par Marion Marechal Le Pen qui en a fait un élément central de son combat politique (« avec ce projet entrepreneurial, je suis fidèle à ce que j’ai toujours défendu durant mon mandat : le combat culturel, métapolitique. Transmettre la culture, le savoir, nos valeurs civilisationnelles ne peut se faire uniquement par le biais électoral. »). J’évoque aussi la centralité de l’Action française dans la formation des cadres nationalistes. La multiplication de ces structures de formation participe bien de la bataille culturelle que mène l’extrême droite avec la volonté de faire émerger des intellectuel·les organiques, selon la théorie du penseur marxiste Gramsci. C’est un phénomène qu’il est important d’observer et qui participe à l’enracinement de ces mouvements. Je l’ai peu abordé car il me semblait en marge de la question scolaire mais il y aurait effectivement tout un travail à mener sur ces initiatives qui s’avèrent des lieux de socialisation, en particulier pour la jeunesse.
La carte que tu évoques avait accompagné la sortie du livre L’École des réac-publicains. C’était un travail très stimulant, inspiré des cartos que vous réalisez pour le compte de La Horde. C’est une autre manière de déployer spatialement ses analyses et cela permet de mettre en lumière certaines convergences pas forcément évidentes à souligner à travers un texte linéaire. Par exemple, je pensais au départ structurer la carte autour de quatre pôles : national-républicain, identitaires, cathos intégristes et libéraux-créateurs d’écoles, puis j’ai réalisé que les deux derniers se superposaient parfaitement. De fait une grosse mise à jour est nécessaire, la centralité du FN, devenu RN, est remise en question avec l’irruption de Reconquête, Florian Philippot a fondé depuis son propre parti, Les Patriotes, auquel s’est rallié le Collectif Racine issu du FN. Il faudrait aussi trouver comment intégrer un certain nombre de politiques non étiqueté·es à l’extrême droite mais dont les discours et les mesures sur l’école sont en adéquation avec les idées du RN (je pense à Jean-Michel Blanquer et Gabriel Attal, par exemple) tout en évitant les amalgames… Bref, ce n’est pas à La Horde que je vais expliquer que c’est un très gros chantier, délicat et qui nécessite de perpétuelles mises à jour. Donc le projet est bien dans les cartons mais il va nécessiter pas mal de temps…
Merci à toi !
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