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Dans le privé et le public, un syndicalisme de lutte pour la transformation sociale

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(re)Penser notre syndicalisme Fonction publique Rail Retraites Services publics

Face à l’offensive libérale, construire la riposte !

Déclaration du bureau national de l’union syndicale solidaires réuni le 7 novembre 2024

Face à l’offensive libérale, construire la riposte !

Report de l’indexation des pensions sur l’inflation, recul des remboursements par la Sécurité sociale, gel du point d’indice, baisse de la rémunération des arrêts maladie, augmentation du nombre de jours de carence et suppressions de postes dans la Fonction publique, baisse des subventions aux associations… Le gouvernement porte un projet budgétaire d’austérité qui pèsera sur la majeure partie de la population tandis que la minorité la plus aisée continue de refuser de participer à l’effort de solidarité.

Pire, le gouvernement maintient sa politique de subvention aux entreprises qui touchent chaque année des dizaines de milliards d’euros d’aides publiques, exonérations et niches fiscales. Pourtant, les salaires continuent de baisser relativement à l’inflation tandis que les plans de licenciements et menaces sur l’emploi se multiplient : Casino, Bosch, Valeo, Adrexo-Milee, Lecas, Don’t Nod, Exxon Mobil, Stellantis…

De plus, Michelin annonce fermer deux usines et supprimer 1254 emplois. Le groupe a pourtant réalisé 2 milliards de bénéfice net en 2023 et a versé 1,4 milliard d’euros à ses actionnaires en 2024. De son côté, Auchan annonce supprimer 2389 emplois après avoir versé 1 milliard d’euros à ses actionnaires en 2023.

Pour l’Union syndicale Solidaires, il faut interdire les licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices et contraindre les entreprises qui licencient à rembourser les aides publiques et reverser aux salarié·es l’équivalent des dividendes versés aux actionnaires.

Face à cette offensive de destruction de nos droits, de nos emplois et de nos acquis, l’heure est à la riposte.

L’Union syndicale Solidaires travaille à la coordination des salarié·es en lutte contre les plans de licenciement. Face à une attaque globale, il nous faut unifier nos forces.

Le 12 novembre, nous serons face au siège d’Ile de France Mobililé contre la privatisation des bus franciliens. Une intersyndicale de combat appelle à la grève le 21 novembre à la SNCF contre la privatisation et le démantèlement du fret. Ce sera l’unique ultimatum lancé au gouvernement et à la direction de la SNCF. S’ils ne répondent pas aux revendications, un mouvement de grève plus long et plus fort sera lancé en décembre.

Dans la Fonction publique, Solidaires porte la construction d’une forte mobilisation par la grève dans l’unité. Le 3 décembre, les retraité-es s’opposeront au report de l’indexations des pensions.

Suppressions d’emploi, privatisation de la SNCF et démantèlement du fret, attaques contre la Fonction publique et les associations : nous serons dans l’action et la grève pour stopper ces projets délétères.
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(re)Penser notre syndicalisme anti-validisme

Accorder le statut de salarié.es à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs handicapé-es en ESAT (lettre ouverte)

Lettre ouverte à monsieur le premier ministre, à la ministre du travail, au ministre des solidarités, à la ministre déléguée aux personnes handicapées

Accorder le statut de salarié à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs handicapé-es en esat
(établissements et services d’accompagnement par le travail) 120.000 personnes concernées

Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres,

La conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 a affirmé une ambition majeure : « cesser d’enfermer les personnes handicapées dans des dispositifs et des parcours spécifiques et rendre l’environnement professionnel de droit commun totalement accessible, quel que soit le handicap ».

Mais la loi Plein Emploi adoptée en décembre 2023 par le parlement ne change pas le statut d’usager des personnes handicapées qui travaillent en ESAT et qui dépendent toujours du Code de l’Action Sociale et des Familles et non du Code du travail. Ce qui est vécu par beaucoup de ces personnes comme une grave discrimination et une non-reconnaissance de leur travail.

En droit du travail, trois notions principales déterminent la qualité de salariée ou de salarié : le contrat de travail, la rémunération et le lien de subordination.

Ces critères doivent s’appliquer à toutes les personnes qui travaillent en ESAT. Maintenir ces personnes dans la seule mouvance de l’action médico-sociale est contradictoire à l‘objectif recherché :

« Chacun est présumé pouvoir travailler en milieu ordinaire ».

Les ESAT devraient permettre aux personnes sous statut d’usagers, qui le peuvent ou le souhaitent, par un accompagnement adapté de s’insérer dans le milieu ordinaire du travail ou en entreprises adaptées. Ces mesures doivent leurs permettre d’accéder à un parcours professionnel. Le Code du travail prévoit déjà des cadres juridiques particuliers dans lesquels les salariées bénéficient à la fois des mêmes droits que les autres et de dispositions protectrices particulières comme dans les entreprises d’insertion, les entreprises adaptées, les salariées et salariés de l’intérim. Nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement a refusé systématiquement et sans débat, lors de la discussion de la loi Plein emploi, à l’Assemblée nationale, tous les amendements allant dans ce sens.

En ESAT, les travailleuses et travailleurs sont soumis.es à l’autorité de l’association qui les emploie.

Ils ont une production à assurer et travaillent 35 heures avec une rémunération mensuelle directe moyenne de 350€ !

– Quel accès aux formations qualifiantes de droit commun ?

– Quel accès à un emploi librement choisi en milieu ordinaire ?

– Quels moyens humains, techniques et financiers seront mis en œuvre en ce sens ?

Nous constatons qu’aujourd’hui très peu de travailleurs et travailleuses handicapé-es en ESAT rejoignent le milieu ordinaire malgré les mesures d’accompagnement et de formation mises en place.

Les avancées votées comme le droit de se syndiquer ou de faire grève, la mutuelle collective ou la prise en charge partielle des frais de transports ne changent pas fondamentalement le statut d’usager des personnes handicapées des ESAT.

Il est temps d’en finir avec le statut d’usager et de leur accorder les mêmes droits qu’à toutes les personnes qui travaillent sous le statut de salarié de ce pays. Ce qui est la réalité dans bon nombre de pays européens.

Nous vous rappelons que la loi du 11 février 2005 s’intitule :

« Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Il est temps de la mettre pleinement en œuvre.

Au niveau européen, la France a été épinglée par le Comité européen des droits sociaux (CEDS), institution du Conseil de l’Europe, qui a rendu publique le 17 avril 2023 une décision, dénonçant les manquements de la France concernant les personnes handicapées, qui a pour objectif de mettre l’État face à ses responsabilités, notamment pour « développer et adopter une politique coordonnée pour l’intégration sociale et la participation à la vie de la communauté des personnes handicapées. »

Au niveau international, cette position sur les ESAT démontre que la France continue à ne pas se conformer à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées de 2006 qu’elle a signée en 2009.

Lors de son audition de 2021, le Comité des droits des personnes handicapées regrette que la France n’ait pas encore intégré l’approche du handicap fondée sur les droits humains. Le Comité a en particulier posé la question à la France sur : Les mesures politiques et législatives prises pour promouvoir l’accès des personnes handicapées à l’emploi sur le marché général du travail, notamment en favorisant le passage des lieux de travail « protégés » séparés du marché du travail général ; Les mesures prises pour prévenir la discrimination et l’exploitation des personnes handicapées dans le domaine de l’emploi et pour garantir leurs droits professionnels, syndicaux et salariaux.

Le refus de passer du statut d’usager en statut de salarié en est un exemple.

Convaincu de l’intérêt que vous porterez à notre requête, d’accorder le statut de salarié.e.s à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs handicapé.es en ESAT, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et

Messieurs les Ministres l’expression de notre plus haute considération.

Les signataires :

A.M.I Association nationale de défense des Malades Invalides et handicapés

F.D.F.A Femmes pour le Dire Femmes pour Agir

F.M.H Fédération des Malades et Handicapés

L.D.H Ligue des Droits de l’Homme

Association Les Dévalideuses

La Neurodiversté France

CLE Autistes

AVFT, Libres et Egales

C.G.T Confédération Générale du Travail

F.S.U Fédération Syndicale Unitaire

Union Syndicale Solidaires.

Union Syndicale de la Psychiatrie

A.C.O ESAT des Vosges

Avec le soutien de l’Action Catholique Ouvrière nationale

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(re)Penser notre syndicalisme Podcast Rail

VOIES SYNDICALES, UN PODCAST DE L’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES – EPISODE N°1

Voies syndicales, un podcast de l’Union syndicale Solidaires – Episode n°1

Partons à la rencontre de femmes et d’hommes qui ont décidé à un moment de leur vie qu’ils et elles avaient envie de s’impliquer dans un syndicat. Il y a beaucoup de manières de s’impliquer et toutes sont nécessaires.

Pour ce premier épisode: rendez-vous à la gare de Lille Flandres pour découvrir des membres de la section de Sud Rail: Marc, Nelly, Romain, Myriam et David.
Leurs parcours, leurs rencontres, leur luttes et leurs envies !

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(re)Penser notre syndicalisme Agriculture Écologie

Jeudi 16 octobre – Table ronde intersyndicale : Bien produire pour bien manger et pour bien vivre, le travail doit payer !

Bourse du travail de Paris

Table ronde unitaire CGT – FSU – Solidaires – Confédération paysanne

Bien produire pour bien manger et pour bien vivre, le travail doit payer !

Tel est le fil conducteur de la convergence inédite en cours entre le monde du travail salarial et le monde du travail paysan.

Les crises sociales s’enchainent : réformes des retraites et 49.3 , Covid, Ste Soline et la criminalisation de l’action syndicale, stigmatisation des quartiers populaires, accélération de la crise agricole…

Le monde social est en ébullition et confronte ses réalités face à un gouvernement qui précarise le travail au service du capital.

A cela s’ajoute le vol démocratique depuis les législatives et la nomination d’un gouvernement pro-libéral avec comme 1er ministre M Barnier, ex ministre de l’agriculture sous la présidence de N Sarkozy.

Aussi, nos organisations, dans l’intérêt des travailleuses et travailleurs avons des propositions et n’entendons pas céder aux diktats du capitalisme.

Bien au contraire il est urgent de renforcer nos liens et perspectives communes notamment dans ce secteur si fondamental dans nos vies qu’est l’alimentation.

Relever le défi d’une alimentation de qualité et produite en proximité pour toutes et tous passera assurément par la revalorisation du travail et par une politique publique de la formation volontariste et de l’installation massive gage de notre souveraineté alimentaire.

Dans ce contexte social, et alors que rien ne se profile pour que les travailleur.se.s voient leur travail rémunéré à leur juste valeur, le sujet est plus que jamais d’importance.

Autour d’une table ronde organisée en présence de la CGT, FSU, Solidaires et la Confédération paysanne nous vous invitons à venir en débattre le 16 octobre 2024 à partir de 18 heures à la Bourse du Travail à Paris.

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(re)Penser notre syndicalisme Accidents du travail TPE / TPA

Le panneau syndical – octobre 2024 – numéro 3

Budget 2025 : ce n’est pas aux travailleurs et travailleuses de payer !

Le nouveau gouvernement vient de présenter un budget d’austérité avec des coupes budgétaires records ! Alors que le principal poste de dépenses de l’État est constitué de cadeaux fiscaux aux entreprises et notamment aux plus grandes d’entre-elles qui pourtant dégagent des bénéfices records (146 milliards en 2023 pour les entreprises du CAC 40) nous refusons que l’effort repose sur les travailleurs et travailleuses. Nos services publics doivent être renforcés et non pas sacrifiés. Nous n’accepterons aucune remise en cause des conquis sociaux. Alors qu’est lancé un concours Lépine des économies à faire sur notre dos, nous le disons : de l’argent il y en a, dans les caisses du patronat !

Solidaires a publié ses propositions pour un budget 2025 plus juste et qui réponde aux urgences sociales . Nos propositions et analyses.

Élections TPE/TPA : Faire entendre la voix de tout·es les salarié·es !

  • Du 25 novembre au 9 décembre 2024 se dérouleront des élections syndicales pour les salarié·es du particulier employeur ou travaillant pour des entreprises ou associations de moins de 11 salarié·es (et qui n’ont donc pas de CSE!). Le vote se fera en ligne ou par correspondance.

Solidaires présente sa candidature dans toutes les régions pour pouvoir siéger dans les Commissions Paritaires Régionales Interprofessionnelles (CPRI).

  • Ce scrutin compte également pour la représentativité interprofessionnelle, dans les branches ou encore au Conseil des prud’hommes.
  • On connait toutes et tous des salarié·es concerné·es (dans notre boulangerie, notre association, notre club de sport, nos ami·es…). Mobilisons-nous pour faire connaitre ce scrutin et renforcer la représentativité de Solidaires.

Votons et faisons voter Solidaires !

Accidents du travail : Solidaires lance son plan d’action

AT
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(re)Penser notre syndicalisme Vidéo

Vidéos des débats sur le stand de Solidaires à la fête de l’Huma

Lutter pour nos services publics contre la désespérance sociale

Avec Gaëlle Martinez (déléguée générale Solidaires Fonction publique), Antoine Chuzeville (SNJ), François Ringoot (SUD Santé-Sociaux), Julien Troccaz (SUD Rail), Maud Valegeas (SUD éducation)

Gagner le congé hormonal : un pas vers l’égalité au travail ?

Avec Annabel Brochier, psychologue du travail et ergonome, Myriam Lebkiri secrétaire confédérale CGT responsable des questions femme-mixité, Violette Mussat, secrétaire de Solidaires Paris, membre de la commission femmes de Solidaires national, Julie Ferrua, co-déléguée générale de l’Union syndicale Solidaires

Rentrée sociale : se mobiliser pour tout changer !

Avec – Thomas Vacheron secrétaire confédéral CGT, Benoît Teste Secrétaire général de la FSU, Agathe Bonnard Secrétaire fédérale de Solidaires étudiant-es, Karel Talali Secrétaire général de l’Union étudiante, Murielle Guilbert et Julie Ferrua co-déléguées générales de l’Union syndicale Solidaires

Après le succès du RN dans les urnes, comment faire reculer l’extrême droite ?

Avec Thomas Lemahieu, Grand reporter à l’Humanité, Violaine Girard, Maîtresse de conférences en sociologie, Aurélien Boudon, secrétaire national de l’Union syndicale Solidaires

Syndicats et mouvement social : quel rapport au NFP ?

Avec Aurélie Trouvé députée LFI – NFP, un représentant·e EELV-Les Verts, Maxime Quijoux sociologue, un Représentant·e du Npa, Murielle Guilbert co-déléguée générale de l’Union syndicale Solidaires

Contre l’offensive transphobe : quelle perspective après le mouvement Riposte-Trans ?

Avec Agathe Solidaires étudiant·es, Louise Fransgenre, Alice de OST. Animé par Elsa de l’Union syndicale de Solidaires et membre de la commission Genres et Sexualités de Solidaires

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(re)Penser notre syndicalisme antifascisme

Syndicalistes – Nos tâches immédiates face à l’extrême droite

Dans le cadre de notre rubrique “(re)penser le syndicalisme” nous proposons cette contribution qui n’émane pas de Solidaires mais qui peut contribuer à alimenter le débat syndical.

Article publié le mercredi 12 juin 2024 sur le site Syndicalistes !

Quelques semaines avant des élections législatives où l’extrême-droite plus forte que jamais pourrait bien accéder au gouvernement, que peut faire le syndicalisme ? Quelle action des militant·es de base pour être la hauteur de l’urgence politique, sans céder à un électoralisme naïf qui laisserait penser que tout se jouerait lors des deux tours du scrutin ? Pistes de réflexion… et d’action.

Des élections où il y a beaucoup à perdre

Pourquoi intervenir dans le jeu électoral, malgré la longue tradition de mise à distance des enjeux politiciens par le syndicalisme français ? Parce qu’il en va ni plus ni moins que de l’arrivée d’un parti ouvertement d’extrême-droite au gouvernement, mettant en jeu la survie même du mouvement syndical (parmi beaucoup d’autres choses). Que l’on pense à l’impressionnant appareil répressif bâti patiemment ces dernières années, et à l’usage qui en serait fait s’il venait à tomber entre les mains du Rassemblement national…

Nul besoin de tourner en boucle sur les entraves à la démocratie, la politique raciste, la répression tous azimuts, les attaques généralisées contre le salariat menées par Macron ces dernières années : nous avons été en première ligne pour les combattre, et sommes donc assez bien au courant de leur ampleur. Mais on parle ici d’un potentiel saut qualitatif dans la vitesse, la généralisation et la violence de l’offensive réactionnaire si l’extrême-droite venait à gagner ces élections. Sans parler de l’effet libératoire qu’elle aurait pour les violences policières ainsi que pour toutes les forces fascistes extra-parlementaires violentes, ou encore pour le patronat qui aurait une garantie d’impunité complète face à nos organisations syndicales, etc.

Il y a donc un vrai enjeu à freiner autant que possible l’extrême-droite lors de ces élections. Non pas que cela résoudrait la situation politique. Mais ce serait a minima un gain de temps, un répit avant les prochaines échéances électorales, et surtout l’occasion de retrouver une dynamique de victoire et un certain enthousiasme dans le mouvement syndical. Cela étant dit, comment contribuer à cette victoire depuis nos syndicats ?

D’abord, et c’est ce qui a déjà bien commencé, mettre une pression suffisante sur les forces de gauche pour qu’elles acceptent l’unité lors de ce scrutin. C’est non seulement une condition pour espérer un score acceptable, mais aussi pour envisager une mobilisation dans les syndicats, sans entre-déchirements entre militant·es appartenant à différents partis politiques. Il s’agit aussi d’impulser une dynamique, de permettre à tou·tes les militant·es sous le choc ou abattu·es par le climat politique de ces dernières années, de reprendre confiance, de relever la tête et de se jeter dans le combat.

Ensuite, faire un travail de conviction partout où nous sommes, auprès des salarié·es susceptibles de voter pour l’extrême-droite, en démontant le mirage social du Rassemblement national, et défendant pied à pied un antiracisme combatif. Mais aussi en allant chercher les salarié·es qui ne votent pas, en leur fournissant un appui technique au remplissage d’une procuration, en impulsant une dynamique de front populaire sur les lieux de travail, qui doit aller bien au-delà de ce que proposent les partis qui en sont actuellement à l’initiative.

Notre rôle est essentiel ici : de part son maillage, son implantation, son ancrage dans le salariat, le mouvement syndical de lutte, aussi diminué soit-il et malgré des porosités locales avec l’extrême-droite que, bien qu’exceptionnelles, il ne faut pas nier, demeure la première force antifasciste organisée. Il reste aussi le seul à même d’organiser le mouvement social nécessaire, après les élections, à la complétion d’une véritable dynamique de front populaire.

Ne pas s’enfermer dans le court terme

Mais il ne faut pas se faire d’illusions : quelle que soit l’issue de cette élection législative, nous aurons besoin d’un syndicalisme fort ensuite. Que la gauche l’emporte, et il faudra un mouvement social puissant pour imposer de vraies réformes et la pousser à aller au-delà d’un agenda très timoré (faut-il rappeler que les conquêtes de juin 36 l’ont largement été contre le gouvernement, par un mouvement ouvrier réveillé et revigoré par la victoire électorale de l’alliance des gauches ?). Que le parti présidentiel conserve sa majorité, alors seul un mouvement social encore plus massif que celui de l’année 2023 pourra stopper son glissement autoritaire et sa volonté d’en finir avec tous les droits salariaux. Enfin, que l’extrême-droite gagne, et elle aura un boulevard pour déployer ses politiques racistes et ultra-capitalistes : il faudra alors un syndicalisme solide pour tenir le coup. Et quoi qu’il en soit, une défaite électorale de l’extrême-droite ne solderait pas sa fin : ses partis sont désormais solidement ancrés localement, comptent des militants nombreux et formés, et se prépareraient à mieux revenir en 2027.

Ne faisons pas de fausses promesses, donc : tout ne va pas se jouer lors de cette élection. Nous ne sommes pas là pour faire croire que seul le jeu électoraliste en vaut la peine. Il faut traiter le moment à la hauteur de ses enjeux réels, sans les exagérer ni les minimiser : oui, nous devons diminuer autant que possible le nombre de sièges qui reviendront à l’extrême droite à l’Assemblée, et y envoyer le maximum de député·es de gauche (aussi molle soit-elle) que possible. Mais sans en faire la seule carte à jouer : la dynamique de ces prochaines semaines doit permettre de lancer un travail dans la durée, seule voie possible pour renverser le cours des choses.

Travail dans la durée pour se préparer au pire : que l’extrême-droite gagne les prochaines élections ou non, elle ne restera pas loin du pouvoir, et il faut dès aujourd’hui anticiper ce que deviendraient nos organisations sous un régime autoritaire assumé, comment continuer nos activités militantes, comment faire face à une répression démultipliée, etc.

Mais travail dans la durée aussi pour préparer le meilleur : pour porter l’ambition syndicale de transformation sociale radicale, autour d’une extension de la Sécurité sociale et de la rupture écologique. Parce que c’est l’objectif qu’on poursuit, et parce que pour défaire la vision sociale raciste de l’extrême-droite, il faut y opposer d’autres aspirations et d’autres projets susceptibles de soulever l’enthousiasme.

Ces deux faces doivent être tenues ensemble, et abandonner l’une des deux serait se condamner à l’impuissance. Toutes deux, très concrètement, demandent un effort massif de syndicalisation, un mouvement déterminé et volontariste en direction des salarié·es non syndiqué·es, un travail d’organisation redoublé, une mobilisation généralisée des équipes militantes.

Tout cela demande de ne pas dilapider son énergie. Les rassemblements symboliques entre convaincu·es peuvent être utiles pour peser sur l’union des forces de gauche, mais ils ne convaincront pas les électeur·ices, et ne permettent que rarement d’organiser de futur·es militant·es. Si nous y participons, ce doit être en cherchant à y discuter pour « prendre la température » des présent·es, et pour montrer que nos syndicats sont un débouché concret aux volontés de mobilisation. Mais l’efficacité de notre action dans ces prochaines semaines sera d’abord fonction du temps passé avec celles et ceux qu’on ne voit pas d’habitude : les syndiqué·es et syndicats qui se trouvent hors de la vie de l’organisation et qu’il s’agit de remobiliser, mais aussi les salarié·es non syndiqué·es, les déserts syndicaux – typiquement dans les secteurs féminisés – où aucune voix de gauche ne va jamais porter.

Une responsabilité syndicale

Un risque serait que les forces syndicales ne viennent qu’en appui de la dynamique lancée par les partis politiques, en leur délégant un rôle d’impulsion et de production des mots d’ordre. Ce serait tomber dans l’illusion d’une autosuffisance des élections. Encore une fois, on ne stoppe pas l’extrême-droite en un jour. La montée du fascisme est aussi le produit de l’affaiblissement du mouvement syndical, de son incapacité à adapter ses structures pour organiser le salariat actuel et de proposer une perspective émancipatrice rassembleuse et crédible.

Il est tard… mais attendre n’y changera rien. Ne serait-ce pas le moment, dans l’urgence, de s’atteler enfin à la refondation syndicale nécessaire pour nous doter d’une organisation de classe capable de gagner contre l’extrême-droite ? En remisant les esprits de chapelle de tous côtés pour travailler à une unification du pôle combatif du syndicalisme, qui devra être l’occasion d’une remise à plat des structures avec un seul objectif en tête : impulser une dynamique d’organisation capable de syndiquer massivement et de multiplier les luttes sur la durée, dès les prochains mois. Par exemple en (re)lançant en urgence des Unions locales (intersyndicales si possible) dans les territoires où il n’y a plus aucune présence de gauche, en y dédiant des moyens humains et financiers importants, pour refaire exister une autre voix politique dès maintenant là où l’extrême droite a le champ libre. 

Les syndicats, par leur incapacité à se réformer pour se renforcer et faire face aux évolutions récentes du capitalisme, ont leur responsabilité dans la situation politique actuelle. Il s’agit donc de ne pas se dédouanner de ce qu’il adviendra ces prochaines semaines en se disant que la balle est désormais dans le camp de la gauche unie, mais de prendre pleinement notre part au combat antifasciste et de nous atteler à la reconstruction à la base de forces organisées capables de résister à l’extrême-droite.

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(re)Penser notre syndicalisme

Construire une section syndicale

La section syndicale est la structure de base et d’action du syndicat dans l’entreprise. Elle regroupe les adhérent·es et parmi elles et eux les militant·es, dont les représentant·es du personnel.

C’est le lieu où se traitent les problèmes des salarié·es de l’entreprise et de l’établissement.

La section syndicale a en charge le lien avec les salarié·es, l’animation, la coordination des actions, la collecte des cotisations et de la syndicalisation, l’élaboration des revendi- cations en cohérence avec les aspirations des salarié·es et la politique définie par le syn- dicat, la présence dans les institutions représentatives du personnel, les informations aux salarié·es, la communication interne, les relations avec les autres structures syndicales (en particulier avec le syndicat et l’union interprofessionnelle locale).

Disponible sur le site dans l’espace formateur·trices et en version papier en passant commande au Cefi

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(re)Penser notre syndicalisme

Que peut une UD Solidaires en Seine-Saint-Denis ?

Les émeutes de juillet 2023 l’ont rappelé – sans qu’il y en ait besoin pourtant : les quartiers populaires sont en très grandes souffrances. En tant que syndicalistes, cela doit nous inquiéter. Or nous sommes toujours en peine d’une stratégie qui permettent de syndiquer de façon significative les habitant·es (travailleurs et travailleuses, chômeuses et chômeurs, étudiants et étudiantes, au minima sociaux, au foyer) mais aussi celles et ceux qui travaillent dans ces quartiers. Solidaires 93 a, à ce titre, un travail particulier à faire.

Si tous les quartiers populaires du pays ont des traits communs, qui recoupent aussi parfois des problèmes des territoires ruraux, la Seine-Saint-Denis a la particularité d’être le département de métropole qui connaît tous les problèmes sociaux et territoriaux dans une concentration sans équivalent ! Or non seulement l’État n’y fait rien, mais on peut même affirmer qu’il y a largement contribué. La Seine-Saint-Denis représente 40 villes (de 10 000 à 130 000 habitant·es), soit plus d’un million et demi de personnes, sans compter des centaines de milliers de personnes qui y travaillent. Les habitant·es et les travailleur·ses ne sont pas, pour une large partie, les mêmes personnes. Du point de vue de la structuration syndicale, ces données compliquent la donne. Elles sont le résultat de l’histoire de la constitution du département, en lien avec le centre de Paris. Une histoire souvent méconnue, qui se double d’une méprise et d’un mépris sur l’histoire sociale de ce territoire. Comme si rien n’avait jamais existé…

L’histoire de Solidaires, syndicat qui a toujours été ouvert sur les luttes sociales et sociétales constitue un point d’appui pour construire un syndicalisme ancré dans le territoire. La complexité de la Seine-Saint-Denis vient cependant du fait qu’en sus d’un discours et d’une histoire imposée par le centre, Solidaires se heurte aussi à ce qui a été construit dans le département par le « monde communiste », relayé dans l’espace syndical par la CGT. Cette deuxième histoire est aussi écrasée par l’histoire du centre. C’est donc un tissage complexe pour Solidaires que de frayer sa route tout en intégrant des pans d’histoire sociale du département.

Éléments de socio-histoire du 93

Quand on parle du 93 pour pouvoir essayer de s’organiser, tout détonne. En 2020, une enquête de l’INSEE amenait le Parisien à qualifier le département de « département de tous les records ». En effet, concernant les habitant·es, le taux de chômage y est autour de 10 % des actifs et actives, le nombre de personnes au RSA, autour de 80 000, soit près de 12 % des actifs et actives. Le département polarise ses emplois entre une augmentation des professions de cadres promises à une population peu issue du territoire et des professions d’employé·es et d’ouvrier·es souvent mal payé·es. Parmi les éléments les plus frappants, il y a ceux liés à la répartition emplois/habitant·es. En 2010, « Moins d’un actif résident sur deux (46 %) travaille en Seine-Saint-Denis » [1]. Pas sûr que ça ait beaucoup changé. Par ailleurs, « plus de 70 % de ces emplois hautement qualifiés sont occupés par des non-résidents, soit le plus fort taux de France métropolitaine. »

Ainsi du point de vue du travail, l’organisation de la Seine-Saint-Denis est un vrai casse-tête. On y nomme les néo-fonctionnaires, souvent averti·es qu’ils et elles arrivent dans une jungle, on laisse les habitant·es du département à des postes « bas », et on pousse les plus diplômé·es à partir, le plus souvent sous prétexte d’éviter toute forme de « favoritisme ». Ces distinctions recoupent aussi les origines des travailleurs et travailleuses ainsi que leur couleur de peau. Cela pousse les habitant·es qui veulent monter dans la hiérarchie à partir, et même à haïr le département où ils/elles ont grandi. Cette organisation économique n’est pas qu’un enjeu géographique, elle touche à la possibilité même d’une conscience de groupe, et évidemment d’une conscience de classe. Elle permet à l’État de construire un 93 contre le 93 en excluant les habitant·es des processus sociaux, politiques et économiques du département. L’État fait ainsi ce qu’il veut du territoire, sans possibilité pour les « locaux » de résister. Par ailleurs, il existe un réel syndrome du 93, notamment chez les militant·es syndicaux et politiques qui arrivent. Si ceux-ci et celles-ci peuvent être attiré·es par le caractère explosif du département, ils/elles se trouvent vite confronter à une violence sociale qu’ils/elles ne peuvent supporter. Cela entraîne deux attitudes. Une première attitude prend la forme d’un mépris contre le département, ce qui fait des militant·es dont l’objectif principal est de partir. Ils et elles se désintéressent de la lutte sur le territoire, pour se concentrer sur des intérêts corporatistes. D’autres se transforment au contraire en « sauveur ». Le 93 est notamment touché par un phénomène de militant·es qui ne cherche pas à connaître l’histoire des lieux, et agissent aussi inconsciemment avec l’idée d’« aider » charitablement un département – et ses pauvres cosmopolites – délaissé. Beaucoup de départs font suite à des dépressions et un immense sentiment d’impuissance. L’État consomme ceux et celles qui luttent ici et il y faut beaucoup d’énergie et de piliers sur lesquels s’appuyer pour tenir.

Il y a un vrai enjeu syndical pour tenir sur les revendications d’égalité de droits, souvent tellement basiques qu’on ne les met plus en avant. Solidaires 93 et les syndicats qui en font partie ont ainsi, à plusieurs reprises, tenté d’impulser des campagnes sur des thématiques de base :

  • Des milliards pour le service public.
  • Des médecins dans les écoles.
  • Des investissements dans les hôpitaux.
  • Une vraie couverture du territoire de l’inspection du travail.
  • Des transports décents (certaines zones d’un département parmi les plus urbanisés de France ne sont desservis par aucun transport).

On ne le rappelle pas assez mais ce dont nous avons besoin c’est d’une égalité de droits, pas d’une charité militante. Cela passe par une reconnaissance comme territoires de luttes, pas par des cours sur comment on doit lutter ! À ce titre, il est important de rappeler qu’à sa création, en 1968, le département a dû lutter pour récupérer l’essentiel des prérogatives détenues par Paris. Il a fallu arracher des hôpitaux, arracher des lycées, arracher le transfert de la gestion des logements sociaux par les municipalités et le département, arracher la création de vrais tribunaux. Tout cela a été obtenu par des luttes des habitant·es et des travailleur·ses (notamment du monde communiste). Chaque station de métro sortie de terre, chaque nouvelle ligne de tramway a 30 ans de luttes derrière elle.

La Seine-Saint-Denis a une histoire de luttes…

Sans doute faut-il ajouter… « mais une histoire CGTiste ». L’implantation de Solidaires 93, autour de 1999, s’est faite à un période charnière pour le mouvement social français. Solidaires débarquait dans un département encore emprunt de son histoire communiste mais déjà grignoté par la fin des sociabilités politiques forgées durant le XXe siècle. Terre rouge parmi les terres rouges, et ce dès la fin du XIXe siècle, les villes qui composent la Seine-Saint-Denis ont été maltraitées, discriminées, reléguées, exploitées et oppressées. Face à cela, c’est plus d’un siècle de luttes qui fait l’histoire de ces villes, regroupées dans le département du 93, à la suite de la réforme territoriale de 1964. L’identité du 93 a ensuite été forgé par le Parti communiste, via des figures comme George Valbon, qui fut le premier président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, mais aussi le maire de Bobigny, la préfecture du nouveau département. À cette identité communiste se sont ajoutées des identités liées aux nombreuses catégories qui y furent reléguées : Algériens et pieds noirs arrivés dans la foulée de 1962, Antillais pris au pays pour faire tourner les services publics régionaux, « jeunes des cités »… jusqu’aux identités politiques contemporaines contre les violences policières, les luttes pour l’éducation prioritaire… Longtemps, tout se faisait en fonction du PCF et de la CGT, sans compter toutes les associations amies ou affiliées. En pour ou en contre, mais en fonction de… Cela était un problème du point de vue de la pluralité politique et syndicale, mais c’était aussi une protection. Une identité forte permettait de forger des solidarités d’ampleur dans les villes, et entre villes, du département.

Le département reste très marqué par cette empreinte communiste et cégétiste. Les locaux confédéraux de la CGT sont d’ailleurs installés à Montreuil. La CGT continue à être présente dans tous les secteurs d’activité et elle progresse dans de nouveaux secteurs comme l’enseignement. Elle est ainsi une composante historique et actuelle majeure du département. La Seine-Saint-Denis s’est forgée au fil des luttes autour de 1936 déjà, puis 1968, sans compter l’après-guerre, mais aussi les luttes d’usines de métallurgie ou d’automobile comme celle des Mécano de La Courneuve en 1976, Alsthom à Saint-Ouen en 1979… Ou enfin les luttes pour les services publics, en particulier le service public d’éducation comme lors de la grande grève de 1998. Le département s’est aussi construit au fil des luttes internationales en soutien aux Espagnol·es, aux Algérien·nes, aux Vietnamien·nes, aux Chilien·nes [2], aux Sud-Africain·nes [3], aux Palestinien·ens… autant d’éléments dont il porte les traces. Sans compter les plus de 190 langues qui y sont parlées.

Bien entendu, cette identité forte en a effacé d’autres, plus marginales, plus fragiles, mais tout aussi importantes. Ce sont les luttes pour l’égalité des droits des immigrés, notamment dans les foyers de travailleurs étrangers (1975-1979). Ce sont les luttes des locataires des grands ensembles (Les Courtillières en 1969, les 4000 en 1980, etc.), ou aujourd’hui les luttes contre les violences policières, qui prennent de l’ampleur depuis 2005 et l’assassinat de Zyed et Bouna, deux jeunes garçons de Clichy-sous-Bois. Ce sont aussi les luttes écologistes pour faire émerger des parcs (dans un territoire qui était encore une immense plaine agricole à la fin du XIXe siècle). La défense des jardins ouvriers ne date pas de la lutte contre les Jeux olympiques de 2024, elle commence dès l’après Seconde Guerre mondiale.

En tant que syndicat plus récent – même si déjà âgé de presque 25 ans – se pose pour nous la question d’assimiler ces histoires, pour les faire nôtres et s’appuyer sur elles pour construire les luttes d’aujourd’hui. Position d’autant plus difficile que nous avons été les témoins et les « victimes » des velléités hégémoniques de la CGT. Nous sommes aussi les témoins de la volonté des autres syndicats de nous ostraciser. Contre cela, les réactions ont souvent été dures. Solidaires a même récupéré des sections CGT, au demeurant pas toujours très propres. Mais sur un territoire victime d’une colonisation permanente et d’un effacement autoritaire, faire avec, c’est aussi accepter d’intégrer l’histoire des autres, de ceux et celles qui ont précédé, qui ont lutté avant et pour nous. Si nous voulons stopper la violence sociale qui s’exerce sur le département, il est nécessaire de ne pas faire comme l’État, en niant l’existence d’un tissu social existant. Nous devons intégrer ce tissu social. Dans des territoires qui sont à ce point écrasés par l’État, nous nous devons d’être exemplaires en matière d’unité à tous les niveaux. À ce titre, le travail en interprofessionnel est une réponse sans commune mesure !

L’interprofessionnel comme territoire

On a parfois le sentiment que le mot d’interprofessionnel recouvre un grand vide, beaucoup estimant qu’il y a « leur secteur » et l’interprofessionnel. Dans un même mouvement, les difficultés actuelles du syndicalisme sur le lieu de travail tendent à attirer les militant·es vers l’interprofessionnel, mais l’interprofessionnel est faible sans les syndicats. Il semble pourtant certain que l’interprofessionnel – entendu comme une rencontre de plusieurs secteurs égaux entre eux et qui souhaitent débattre ensemble – est l’une des pistes majeures pour aborder le territoire dans sa complexité et son ensemble. Le syndicat interprofessionnel est tout simplement un lieu magique pour appréhender la complexité d’un monde et d’un territoire. De façon simple, l’interprofessionnel est le meilleur lieu de rencontre d’un territoire et de confrontation des situations. Les différences de composition des syndicats permettent de faire se rencontrer des catégories sociales très différentes les unes des autres, de se croiser entre personnes aux origines différentes. Un jeune enseignant arrivé d’une ville moyenne, lointaine et plutôt blanche, pourra ainsi rencontrer une hospitalière ayant fait toute sa carrière dans un hôpital du coin ou un trentenaire maintenu catégorie C dans une collectivité territoriale. Ce sont aussi des rencontres entre des agents sociaux et des chômeurs (que Solidaires 93 peut syndiquer directement). Un travailleur de la culture pourra se confronter au fait que sa profession sert à gentrifier telle ou telle quartier… L’interprofessionnel doit pouvoir transcender les groupes et les barrières. C’est un espace qui peut à la fois servir de lieu d’accueil, de lieu de superposition des histoires (celles qui nous précèdent et celles qui nous font aujourd’hui). Le syndicat doit pouvoir se constituer comme une protection mais aussi une entrée dans le territoire.

Se structurer de façon départementale !

Tous ces éléments un peu théoriques en tête, reste à savoir comment organiser l’interprofessionnel, qui plus est sur l’ensemble du département. Le 93 a l’avantage et le désavantage de ne pas avoir de centre. Cela évite de se polariser autour d’une ville ou d’un secteur, mais cela rend aussi plus difficile le fait de se voir.

L’outil Union locale. Les UL sont une réponse à cette situation mais aussi une réponse à la complexité sociale et historique du territoire. Les Unions locales dépendent toutes de l’Union départementale, qui en valident l’existence puis les laissent fonctionner. Chaque UL développe ainsi son propre fonctionnement en lien avec son territoire. Certaines couvrent une ville, d’autres un ensemble de villes. Ces UL naissent et meurent d’ailleurs régulièrement en lien avec les militant·es qui les font vivre. C’est avec le mouvement de 2016 que nous avons connu une apogée des UL avec six existantes : Montreuil-Bagnolet, Saint-Denis et alentours, Aubervilliers-Pantin, Aulnay-Sevran-Tremblay, Bondy et Bobigny-Drancy. Aujourd’hui trois UL sont stabilisées :

  • Une UL Montreuil, la plus ancienne, qui fait beaucoup d’accompagnements juridiques, et a transmis son savoir-faire en la matière vers Aubervilliers, et désormais Saint-Denis.
  • Une UL Saint-Denis, la plus diverse et la plus dynamique sur les luttes sociales.
  • Une UL Aubervilliers-Pantin-La Courneuve.
    Une nouvelle UL est en construction à Bagnolet – Les Lilas – Romainville, à la suite du mouvement contre la retraite à 64 ans. Quant aux ex-UL Bobigny, Noisy-le-Grand et Aulnay, elles permettent de maintenir de petits réseaux sur les lieux en question, mais elles n’ont plus de réalité. L’UL Bondy a de son côté une trajectoire particulière. C’est une ancienne UL CGT, qui s’est avérée une véritable épine dans le pied de l’UD. Elle a fini par être dissoute en 2017 par suite de pratiques douteuses. Elle rappelle les difficultés à s’implanter des petites villes du département où la politique est souvent réduite à une expression clientéliste.

Malgré toutes ces difficultés, ces UL constituent une UD vivante. Elles sont une véritable force. Notamment par une capacité de réaction assez forte dans les villes où elles existent. Mais aussi par le fait que les UL peuvent – plus que l’UD – de bousculer les syndicats. Occupant une place de choix sur le terrain, elles permettent souvent une confrontation fructueuse sur les questions démocratiques. Ainsi l’UL Saint-Denis est très active sur les questions de violences sexistes et sexuelles. Elle est un lieu d’accueil pour les militantes, qui n’ont pas nécessairement l’oreille attentive de leur syndicat. Les UL peuvent aussi se retrouver à prendre en charge des situations juridiques, mal gérée par une équipe syndicale, qui serait, par exemple, trop proche d’une direction ou travailler à accompagner une équipe dans une boite. Ces UL renforcent donc notre implantation tout en permettant une forme d’unité des syndicats Solidaires. Elles offrent aussi une meilleure présence des syndicats. Ainsi les camarades du Rail – et plus largement les camarades des transports – concentrés le long des lignes (deux réseaux ferrés traversent le département) se connectent plus facilement à leur UL qu’à une UD souvent lointaine. Les camarades étudiant ?es sont aussi plus enclins à suivre les UL que l’UD. L’UL Saint-Denis a longtemps accompagné une section isolée dans le commerce… Dans les syndicats présents sur tout le territoire, cela permet à des camarades qui n’ont pas de mandats départementaux de s’investir dans l’interprofessionnel au quotidien. Les forces sont ainsi multipliées au moment d’organiser des formations, des manifestations, etc. Ces UL permettent enfin de prendre en charge les nombreuses situations de précarité du département. Elles peuvent suivre à la fois les questions de logement, de papiers ou encore les différends avec Pôle emploi.

Mais si les UL s’adaptent au territoire, l’UD doit en être la coordination. Il s’agit précisément de faire vivre tout un territoire, et non de remorceler, voir de développer des concurrences. Nous restons ainsi attentifs et attentives à ce que tout le monde reste le plus possible en dialogue. C’est pour le coup le rôle du secrétariat de créer du lien entre des militant·es d’UL et de syndicats différents pour qu’ils et elles avancent ensemble, s’entraident, etc. Un planning permanent de toutes les actions est d’ailleurs disponible sur notre site. Il est issu d’un outil similaire que nous animions durant la grève et reprenait, ville par ville, secteur par secteur, chaque action, rassemblement, discussion, AG.

Vers une organisation sans centre. Du fait du développement des UL, l’UD apprend aussi à se décentraliser. Longtemps polarisée sur Saint-Denis, en lien avec la composition du bureau de l’UD mais aussi de l’existence d’une très belle Bourse du travail, l’UD a entamé un travail de rééquilibrage du territoire. Désormais, les réunions se font à tour de rôle sur les quatre pôles importants de notre activité du département : Saint-Denis, Montreuil, Aubervilliers et Bobigny [4]. Et nous restons ouvert·es à un élargissement en lien avec les évolutions à venir. L’autre élément est le renforcement d’une mise en lien entre syndicats qui a toujours peiné à se faire. En 2016, nous avions lancé une grande campagne « 4 milliards pour les services publics », qui avait constitué un premier élément de rencontre entre des syndicats qui ne se parlaient pas. Si la campagne n’a pas eu un grand succès, elle a permis de vraies rencontres entre des secteurs de la fonction publique qui ne se connaissaient pas. Par la suite, des rassemblements devant les hôpitaux ont ramené des camarades des autres secteurs. En 2019, était décidé la constitution d’une liste d’échanges de tout le département. En 2021, la brochure sur les JO 2024 a été diffusé par tous les secteurs et dans toutes les villes. En 2022, la campagne en soutien à une comédienne licenciée par un théâtre local de la ville de Stains a été co-portée par l’UD et SUD Culture, avec l’idée de mêler questions du travail et discriminations territoriales. SUD collectivités territoriales Stains apporta d’ailleurs son soutien, y compris en s’attaquant à la non-réaction de la mairie vis-à-vis d’une structure massivement subventionnée. Par ailleurs, depuis 2021, Solidaires 93 organise ses propres formations, à côté de celles proposées par le CEFI-Solidaires d’Île-de-France. Cela permet de réfléchir à des formations spécifiques, qui partent des problèmes particuliers rencontrés par les équipes syndicales ou les UL.

Un autre élément important est le retour à la mise en place de manifestations, AG, etc. sur les villes. Depuis 2016, notre UD soutient, impulse et visibilise les actions dans toutes les villes. En 2019, les militant·es ont réussi à mettre en place de nombreuses AG interprofessionnelles, qui ont structuré un mouvement contre la réforme de la retraite à points. Plusieurs manifestations départementales ont aussi été organisées, malgré les réticences, au départ, de la CGT. Le mouvement de 2023 a, de nouveau, été l’occasion de mettre en place des manifestations sur tout le département. Ainsi, près de 30 villes sur 40 ont vu passer une manifestation ou marche aux flambeaux. Ces frémissements sont très clairement le début d’un travail d’une reconquête du territoire qui se fait. La mémoire des anciens et anciennes rappelle qu’en 1936 comme en 1968, ce sont les lieux de travail dans les villes mêmes qui étaient occupés, cela a permis l’explosion des luttes ensuite sur le logement, la santé, etc. via des réseaux formés pendant les occupations. Il est évident que les choses évoluent et qu’une nouvelle occupation territoriale est en train de se mettre en place. Il y a la naissance – pour la première une fois – d’une intersyndicale regroupant tout le monde lors des grèves de 2023 ; mais aussi un travail CGT-FSU-Solidaires renforcé, avec aussi la volonté commune de se lier avec des associations à l’occasion de la marche du 23 septembre et par la suite, la proposition de faire des temps féministes communs autour du 25 novembre et du 8 mars, le tout dans des villes différentes. Tout ceci montre un vrai dynamisme. Sans compter que Solidaires 93 développe ses propres rencontres, comme cela a été le cas pour préparer la grève contre la réforme des retraites en 2023.

Il reste du travail, mais l’une des principales qualités des habitant·es du département, c’est leur patience… alors rien ne sert de courir… il faut construire à point. Et faire avec le terrain tel qu’il est. [5]


[1Insee IDF no 340, juillet 2010.

[2] Par exemple Salvador Allende « possède » à lui seul au moins deux cités HLM à Saint-Denis et Villetaneuse, une PMI à Villepinte, une maison de retraite à Stains, un centre de santé à La Courneuve, une place à Pierrefitte ou une avenue à Montreuil…

[3] Nelson Mandela a au moins un collège au Blanc Mesnil, des stades à Saint-Denis et La Courneuve, un espace culturel à Épinay et à Bondy, un centre de loisir au Pré Saint-Gervais ou encore un centre social à Romainville…

[4] Villes où les UL ou l’UD a obtenu des locaux dans les Bourses du travail.

[5] Ce texte a été rédigé pour la revue Les Utopiques (numéro 24, « syndicalisme et territoires », hiver 2024). Anouk Colombani est membre de SUD Culture Solidaires et de l’Union départementale Solidaires Seine-Saint-Denis (93) dont elle est co-secrétaire. Elle est également une des animatrices du site Rue de la Commune et des activités liées.

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