Skip to content

Dans le privé et le public, un syndicalisme de lutte pour la transformation sociale

Catégories
Éducation En grève !

Amélie Oudéa-Castéra : un petit tour et puis s’en va

Restée à peine un mois à la tête d’un ministère au périmètre démesurément élargi, Amélie Oudéa-Castéra a finalement été remerciée avant la fin de sa période d’essai, découvrant la précarité que connaissent bien trop de personnels de l’éducation.

Engluée dans les polémiques et décriée par l’ensemble de la communauté éducative, son passage aura été aussi rapide que remarqué tant elle s’est faite l’incarnation d’un séparatisme social, celui de l’entre-soi des ultra-riches, qui scolarisent leurs enfants dans les mêmes écoles privées arrosées d’argent public.

Son départ, attendu et réclamé par des centaines de milliers de grévistes, est un soulagement pour toutes celles et ceux qui croient en l’école publique. Mais sa disgrâce n’apaisera pas les personnels, qui se battent contre une politique éducative de tri social. La quasi-unanimité exprimée encore aujourd’hui en Conseil supérieur de l’éducation contre les mesures du “choc des savoirs”, dont la mise en place de groupes de niveau en collège, est révélatrice de l’opposition massive aux réformes passéistes imposées de manière autoritaire.

Les personnels attendent maintenant des actes forts : de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, un vrai statut pour les personnels AESH et l’abandon des mesures du “choc des savoirs”.

SUD éducation se trouvera aux côtés des personnels qui refusent de trier les élèves et se mobilisent pour défendre l’école publique. 

Catégories
Éducation En grève !

Grève le 6 février contre le « Choc des savoirs », pour l’école publique !

La journée du 1er février est une réussite : avec plus d’un personnel sur deux en grève aujourd’hui et des manifestations fournies et combatives, la ministre Oudéa-Castéra doit accéder aux revendications de la profession.

Le ministère ne peut s’entêter dans sa politique antisociale contre les personnels et le service public d’éducation. Les conditions d’études des élèves et les conditions de travail des personnels sont dégradées par les réformes successives et le manque chronique de moyens. Le mépris de classe de la ministre a mis le feu aux poudres : les personnels exigent des augmentations immédiates de salaires, des moyens conséquents pour une école pour tou·tes et pour l’éducation prioritaire, un statut pour les AESH et l’abandon de la réforme “choc des savoirs” et de la réforme de la voie professionnelle.

Les personnels se sont massivement réunis en Assemblée Générale pour débattre des revendications et de la poursuite de la mobilisation. Dans certains départements, les personnels ont décidé de reconduire la grève dès la semaine prochaine. SUD éducation appelle les personnels à se mettre en grève le mardi 6 février et à débattre dès aujourd’hui de la reconduction.

La ministre n’a aucune légitimité, elle doit satisfaire immédiatement nos revendications pour nos salaires et le service public d’éducation

On peut gagner, mobilisons-nous pour arracher des victoires !.

Le communiqué de SUD éducation
Le tract à diffuser !
Les outils pour se mobiliser
  • Le cahier de slogan pour les manifestations et rassemblements
  • Comment débattre de la mobilisation et de ses suites ?  
Notre dossier “Choc des savoirs”
Des salaires toujours insuffisants !
Catégories
Éducation En grève !

Dans l’Éducation nationale, tou·tes en grève le 1er février !

Le ministre Gabriel Attal poursuit l’œuvre de Jean-Michel Blanquer : réformes qui accentuent le tri social et désorganisent les écoles, collèges et lycées, suppressions de postes, dégradation des conditions de travail, gestion par l’évaluation, mépris envers les personnels, salaires insuffisants !

Les personnels de l’Éducation nationale savent que pour arracher des augmentations salariales, de meilleures conditions de travail et faire barrage aux contre-réformes, il faut imposer un rapport de force, la grève est notre meilleure arme.

La loi Immigration votée le 19 décembre main dans la main entre la “majorité” présidentielle, la droite et l’extrême droite est un recul intolérable, SUD éducation exige son abrogation.

1- pour de vraies augmentations de salaires

Les mesures de revalorisation engagées l’an dernier, principalement pour les enseignant·es et CPE en début de carrière, sont très insuffisantes pour rattraper l’écart avec la rémunération moyenne des enseignant·es des pays de l’OCDE et des autres fonctionnaires de catégorie A. Pour 70 % des enseignant·es, la revalorisation s’est bornée à une augmentation indemnitaire de 95 euros par mois et à une trentaine d’euros induits par la hausse du point d’indice pour tou·tes les fonctionnaires. Ces mesures sont très insuffisantes au regard de l’inflation. La situation des personnels AESH et AED est alarmante : la maigre augmentation de salaire des AESH de septembre est bien loin de répondre à nos revendications : au final les salaires n’augmentent que peu et, pour les collègues aux plus bas échelons, c’est toujours une rémunération sous le seuil de pauvreté qui les attend à chaque fin de mois. Les temps incomplets imposés plongent les AESH dans la précarité. Pourtant, le ministère refuse toujours d’ouvrir le dossier du temps de travail et se borne à tenter d’imposer ses lubies de double employeur, augmentant par là les missions et la charge de travail des AESH.

SUD éducation revendique la reconnaissance d’un temps plein pour 24 heures d’accompagnement auxquelles s’ajoutent les heures connexes pour le travail de préparation, de suivi et de concertation !

SUD éducation revendique une augmentation immédiate de 400 euros pour toutes et tous, le SMIC à 2000 euros bruts, le rattrapage du point d’indice et une réduction des inégalités salariales, en particulier femmes/homme !

2- pour de meilleures conditions de travail

De Jean-Michel Blanquer à Gabriel Attal, les personnels subissent des réformes injustes, imposées dans la précipitation, qui participent à la dégradation des conditions de travail des personnels : la réforme du lycée professionnel, le démantèlement de la formation continue, la casse des groupes classe au collège… Ces réformes aggravent une situation alarmante : augmentation des tâches, des missions et du temps de travail, bâti scolaire dégradé et en partie amianté et inadapté à la crise écologique, absence de médecine du travail…

3- pour de vrais moyens et des créations de postes

Suite à la publication des derniers résultats de l’enquête Pisa sur le niveau scolaire des élèves de l’OCDE, le ministère a annoncé un “choc des savoirs” composé d’une compilation de mesures démagogiques à l’inefficacité prouvée et dont la mise en oeuvre va désorganiser complètement les collèges et aggraver la relégation sociale des élèves les plus en difficultés. Ce n’est pas en encourageant le redoublement, en mettant en place des groupes de niveau pour trier les élèves ou en sabordant le lycée professionnel que le ministre peut espérer réduire des inégalités sociales qui pèsent lourdement sur les trajectoires scolaires des élèves. Le ministre annonce 650 suppressions de postes dans les 1er degré.

Au contraire, SUD éducation porte des revendications pour lutter contre les inégalités sociales en améliorant les conditions d’études des élèves : baisse du nombre d’élèves par classe par le recrutement massif de personnels, développement de la formation initiale et continue des personnels, accompagnement médico-social des élèves, reconnaissance du métier d’AESH par la création d’un véritable statut…

SUD éducation revendique une baisse des effectifs par classe à 25 élèves en LGT, 20 en collège ordinaire, 16 en éducation prioritaire et en LP, ainsi qu’une baisse des effectifs globaux des établissements.

4- pour une école pour tou·tes les élèves

Macron a ordonné l’acte 2 de l’école inclusive pour augmenter le nombre d’élèves en situation de handicap à l’école, il oublie néanmoins tous les autres élèves qui dépendent de dispositifs d’inclusion : les élèves allophones et les élèves en grande difficulté scolaire. L’Éducation nationale ne donne pas les moyens aux personnels d’accueillir tous les élèves : il manque de personnels AESH, de moyens pour garantir l’accessibilité, de temps de concertation et de formation. Il faut d’urgence créer un vrai statut de la Fonction publique pour les AESH et arrêter la mutualisation de l’accompagnement.

Il y a urgence à convaincre que tou·tes les élèves ont leur place à l’école et que c’est bien à l’école qu’il revient de garantir des compensations du handicap afin d’en finir avec le validisme et la ségrégation scolaire et sociale.

SUD éducation appelle tous les personnels à se mobiliser pour gagner les moyens d’accueillir tous les élèves à l’école qu’importe leur handicap, leur origine ou leurs difficultés scolaires.

http://www.sudeducation78.ouvaton.org/Dans-l-Education-nationale-tou-tes-en-greve-le-1er-fevrier
Catégories
Éducation

Annonces d’Emmanuel Macron sur l’éducation : de vieilles solutions pour l’école d’aujourd’hui

Lors de sa conférence de presse du mardi 16 janvier 2024, le Président de la République a repris à son compte les annonces de son ex-ministre de l’Éducation nationale et désormais Premier ministre : pour Emmanuel Macron comme pour Gabriel Attal, les réponses aux problèmes de l’école d’aujourd’hui et aux défis de l’école de demain sont à rechercher dans les caves poussiéreuses d’un passé fantasmé.

C’est la logique du “choc des savoirs”, un ensemble de mesures directement inspirées du programme passéiste du Rassemblement national : des groupes de niveau au collège pour saper le collège unique et mettre en place un tri social précoce des élèves, des classes de relégation après la 3e pour les élèves qui n’obtiendraient pas le brevet, des redoublements favorisés et des programmes d’enseignement étriqués.

Le Président de la République a également assumé l’expérimentation de l’uniforme dès 2024 avec une possible généralisation en 2026. Au prétexte de gommer (plutôt que de combattre) les inégalités sociales, une autre mesure de l’extrême-droite au coût faramineux va ainsi être mise en place dans les établissements scolaires. SUD éducation le répète : dans un contexte de dérèglement climatique, l’argent public serait bien mieux employé à isoler et à rénover les écoles, les collèges et les lycées.

Enfin, pour donner corps au “réarmement civique”, nouveau slogan publicitaire du macronisme, le Président a multiplié les annonces aussi symboliques que dérisoires, comme l’apprentissage par cœur de la Marseillaise à l’école primaire. La cérémonie de remise du diplôme du brevet existe quant à elle depuis 2016. Ce qui n’est pas symbolique, en revanche, c’est la généralisation du service national universel en seconde, véritable entreprise de militarisation de la jeunesse sur temps scolaire.

SUD éducation dénonce ces mesures nourries par l’illusion que “c’était mieux avant” et revendique au contraire un programme ambitieux pour répondre au défis de l’école :

  • un recrutement massif de personnels pour réduire les effectifs par classe, mieux remplacer les absences et mieux accompagner les élèves ;
  • un vrai statut et un vrai salaire pour les accompagnant·es des élèves en situation de handicap, afin que l’école inclusive ne soit pas qu’un slogan ;
  • un investissement dans la rénovation du bâti scolaire pour en finir avec les locaux décrépits et pour affronter le dérèglement climatique.

La grande bourgeoisie incarnée par Emmanuel Macron et Amélie Oudéa-Castéra impose une politique de classe contre l’école publique et son objectif d’émancipation.

SUD éducation appelle à se mobiliser massivement le 1er février par la grève. 

Catégories
antimilitarisme Défense de nos libertés Éducation

Campagne unitaire contre le SNU – Que signifie cette obsession du réarmement ?


Ce début d’année 2024 est marqué par les déclarations du président de la République et de plusieurs ministres sur la nécessité d’un « réarmement civique et moral » de la jeunesse.

Que les membres du gouvernement donnent des leçons de morale pourrait prêter à sourire !
Mais ce qui pointe derrière ce « réarmement civique » est autrement plus sérieux : « Le sens du devoir, il n’est pas inné, il s’apprend, il se développe, il s’entretient. Et oui, le Service national universel permet cela. Nous devons nous rappeler que nous avons un destin commun, peu importe d’où l’on vient, où on habite, qui l’on est. » (Prisca Thévenot, alors Secrétaire d’Etat à la Jeunesse et au SNU ; aujourd’hui porte-parole du gouvernement).

C’est toujours le même roman : riche ou pauvre, exploiteur ou exploité∙e, policier armé ou jeune discriminé, résident∙e d’un quartier privilégié ou habitant∙e d’une banlieue à l’abandon, chômeuse sans droit ou rentier, etc., nous aurions « un destin commun », les mêmes intérêts à défendre…

Nous refusons, dénonçons et combattons cette politique réactionnaire et le SNU qui la sert

Catégories
Actu Solidaires 78 Conditions de travail Dans les Yvelines, une classe en lutte... Éducation En grève ! Revue de presse Santé-Social Transport

Dans les Yvelines, une classe en lutte, épisode n° 66

Une classe en lutte dans les Yvelines !


Petit tour d’horizon des mobilisations sociales dans le département… Liste forcément non-exhaustive, n’hésitez pas à nous transmettre vos infos à contact@solidaires78.org


Source : 78actu.fr

Source : actu.fr

Source : Le Parisien

Source : 78actu.fr

Source : 78actu.fr
Catégories
antiracisme Éducation Ressources juridiques

Accompagner les étudiantes et les étudiants étrangers avec ou sans papiers – Guide collectif

L’accueil des étudiantes et étudiants étrangers à l’université ne se limite pas aux étudiant·es Erasmus ou à celles et ceux passés par Campus France. Il doit également prendre en compte les adultes, plus ou moins jeunes, qui souhaitent commencer ou reprendre des études en France, après des périodes d’exil, ou des années de formation ou de travail en France sous divers statuts administratifs.

Les organisations associatives et syndicales de personnels et d’étudiant·es à l’origine de ce guide revendiquent un accès à l’université libre et ouvert à toutes et à tous. Cet ouvrage a donc pour but de donner des clés aux personnels de l’enseignement supérieur sur la diversité des profils des personnes souhaitant intégrer le système universitaire français ou déjà étudiantes, ainsi que sur les démarches à effectuer dans ce parcours. Il vise également à identifier les obstacles à la reprise d’études et à aider à l’organisation d’actions collectives pour les surmonter.

L’accompagnement des étudiantes et étudiants étrangers n’est pas qu’administratif, il est aussi humain et social car il touche des personnes qui ont pu vivre des expériences difficiles, et/ou qui peuvent se retrouver du jour au lendemain soumises à une décision d’éloignement du territoire français. Refusant la répression des sans-papiers et revendiquant leur régularisation, nous entendons à travers cette publication favoriser la mise en place d’une solidarité et d’un accompagnement inconditionnel dans les épreuves que peuvent traverser ces personnes, au sein des universités comme en dehors.

Ce guide vise à former à l’accompagnement des étudiantes et étudiants étrangers, avec ou sans papiers. Il est à destination des personnels des établissements d’enseignement supérieur et des bénévoles qui les accompagnent dans leurs démarches administratives et juridiques.

Malgré notre opposition au système de sélection des étudiant·es à l’entrée de l’université, le guide s’inscrit dans le cadre de la législation actuelle afin de pouvoir mettre en place des stratégies d’accompagnement réalistes, tout en continuant à porter le projet politique d’une université ouverte, critique et publique, sans discrimination ni marchandisation.

  • Octobre 2023, Co-édition CGT Ferc Sup / Fage / Ferc CGT / FSU / Gisti / LDH / RESF / Resome / RUSF / Snesup-FSU / Snasub-FSU / Solidaires Étudiant·e·s / Sud Éducation / UEE / Unef / Union Syndicale Solidaires, 64 pages, 9 € + éventuels frais d’envoi
    ISBN : 978-2-38287-176-8 (papier, NP69), 978-2-38287-177-5 (ebook, NP69E)


Sommaire

  1. Avant-propos
  2. I. Les étudiantes et étudiants internationaux
  3. II. Les étudiantes et étudiants exilés
  4. III. L’accès aux droits sociaux et à la santé
  5. IV. Se mobiliser
  6. V. Étude de cas
  7. Annexes

1 – Avant-propos

L’accueil des étudiantes et étudiants étrangers à l’université ne se limite pas aux étudiant·es Erasmus ni à celles et ceux passés par Campus France, l’agence nationale chargée de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger. Un grand nombre d’adultes, plus ou moins jeunes, souhaitent aussi commencer ou reprendre des études en France, après des périodes d’exil, ou des années de formation ou de travail en France sous divers statuts administratifs.

Les organisations associatives et syndicales de personnels et d’étudiant·es à l’origine de ce guide revendiquent un accès à l’université libre et ouvert à toutes et à tous. Cet ouvrage a donc pour but de :

  • donner des clés aux personnels de l’enseignement supérieur sur la diversité des profils des personnes souhaitant intégrer le système universitaire français ou déjà étudiant·es, et sur les démarches à effectuer dans ce parcours ;
  • identifier les obstacles à la reprise d’études et à aider à l’organisation d’actions collectives pour les surmonter.

L’accompagnement des étudiantes et étudiants étrangers n’est pas qu’administratif : il est aussi humain et social, car il touche des personnes qui ont pu vivre des expériences difficiles, et/ou qui peuvent se retrouver du jour au lendemain soumises à une décision d’éloignement du territoire français. Refusant la répression des personnes sans papiers et revendiquant la régularisation de toutes et tous, nous entendons à travers cette publication favoriser la mise en place d’une solidarité et d’un accompagnement inconditionnel dans les épreuves que peuvent traverser ces personnes, au sein des universités comme en dehors.

Ce guide vise à être diffusé largement afin de former un maximum de personnes à l’accompagnement des étudiantes et étudiants étrangers, avec ou sans papiers. Il est à destination des personnels des établissements d’enseignement supérieur ou des bénévoles qui les accompagnent dans leurs démarches administratives et juridiques.

Malgré notre opposition au système de sélection des étudiant·es à l’entrée de l’université, le guide expose et analyse le cadre de la législation actuelle afin de faciliter la mise en place de stratégies d’accompagnement réalistes, tout en continuant à porter le projet politique d’une université ouverte, critique et publique, sans discrimination ni marchandisation.

La notion d’étudiantes et d’étudiants étrangers recouvre une multitude de situations. Sont inclus dans cette catégorie :

  • Les étudiantes et les étudiants ressortissants d’un pays membre de l’Union Européenne, dont les droits tendent à s’assimiler à ceux des nationaux ;
  • Les étudiantes et étudiants internationaux, venus avec un visa long séjour, souvent via la procédure Campus France ou via des accords bilatéraux, et qui sont confrontés à des problématiques particulières (difficulté d’insertion, précarité spécifique, lourdeur des procédures administratives, difficulté de renouvellement de la carte de séjour et d’accès en préfecture, etc.) ;
  • Les étudiantes et les étudiants exilés, enfin, qui désignent toute personne déjà présente en France dans l’incapacité ou dans l’impossibilité de retourner dans son pays d’origine (et ce, quelle qu’en soit la raison, personnelle, psychologique, matérielle, liée à des persécutions ou à la violence dans le pays), ou souhaitant tout simplement rester en France pour étudier. Généralement, ces personnes ne sont pas passées par la procédure de demande de visa et de titre de séjour portant la mention « étudiant ». Leurs situations sont diverses. Elles peuvent être :
  • en situation régulière : en demande d’asile, bénéficiaires d’une protection internationale (réfugiées, apatrides, bénéficiaires de la protection subsidiaire ou temporaire) mais aussi, dans certains cas, primo-arrivantes (par exemple, les membres de famille de réfugié) ;
  • en situation irrégulière : personnes déboutées de leur demande d’asile, personnes arrivées par voie irrégulière ou par voie touristique et ayant décidé de rester en France ou personnes ayant bénéficié d’un titre de séjour à un moment mais qui n’ont pas réussi à le renouveler.

Toutes les personnes qui entrent dans ces catégories ont le droit de s’inscrire à l’université, même si elles n’ont pas bénéficié d’un visa ou d’un titre de séjour mention « étudiant ». L’accès aux études n’est pas conditionné à un droit au séjour : il s’agit de deux droits distincts. Le droit à l’instruction est un droit fondamental qui s’applique à toute personne quelle que soit sa nationalité et son âge.

Quelles sont les difficultés spécifiques rencontrées par les personnes en exil ?

  • Manque d’information
  • Problèmes d’orientation
  • Difficulté d’accès au niveau de français requis du fait du manque d’offre linguistique
  • Manque d’accompagnement administratif, psychologique, médical, etc.
  • Difficultés matérielles et précarité
  • Dispositifs de découragement

Ces difficultés peuvent être partagées par tous les étudiants et les étudiantes en exil, quel que soit leur statut administratif : manque d’information, manque d’accompagnement linguistique, administratif, psychologique, médical, extrêmes difficultés matérielles (précarité du logement, pécules misérables pour vivre ; interdiction de travail pour les personnes sollicitant l’asile, limitation du droit au travail pour les étudiantes et étudiants étrangers, etc.). Le manque de moyens alloués au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) et au Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ainsi qu’aux dispositifs psychologiques et dans la médecine universitaire se répercute sur leur qualité de vie. Elles et ils sont souvent victimes de maltraitance et de précarité administrative et doivent sans cesse faire face à des pratiques dissuasives : déplacement du jour au lendemain vers des centres d’hébergement éloignés qui brise les attaches et les projets, discours décourageants de certains personnels, rejets, racisme, etc.

Le parcours pour obtenir des papiers, que ce soit via l’asile, pour des études ou pour un autre motif, est de plus en plus pénible, long et incertain, voire impossible. Les conditions de renouvellement du titre de séjour étudiant sont si exigeantes et les services publics préfectoraux si dégradés, que beaucoup n’arrivent pas à obtenir un titre de séjour ou le perdent du fait de la lenteur ou de la mauvaise volonté de l’administration qui les place ainsi dans une situation d’irrégularité. Cette situation plonge les personnes en quête de stabilité administrative dans une incertitude difficile à supporter et dans une précarité administrative constante.

La situation des étudiantes et étudiants exilés s’est fortement dégradée : la prise en compte de leurs difficultés n’est pas une priorité pour les administrations. Toutefois, des actions et mobilisations se développent pour les aider :

  • l’aide apportée par le Réseau universités sans frontières (RUSF)1 ;
  • les programmes de reprise d’études dédiés aux personnes exilées qui existent depuis 2015 ;
  • la constitution du réseau Migrants dans l’enseignement supérieur (le MEnS), réseau national des universités, associations et écoles pour diffuser les bonnes pratiques, identifier les problèmes et créer une dynamique2 ;
  • les mobilisations contre le plan « Bienvenue en France » lancé en 2019 par le gouvernement prétendant vouloir attirer davantage d’étudiants étrangers en France tout en augmentant leurs frais d’inscription3 ;
  • des outils et des adaptations juridiques se mettent en place peu à peu : une page « Poursuivre ou reprendre ses études pendant son exil en France » sur le site de Campus France, l’habilitation par le Crous du diplôme d’université Passerelle, (DU Passerelle) [voir p. 47], l’ouverture du Crous à certaines catégories d’étudiant·es (les bénéficiaires de la protection subsidiaire), des guides pratiques, etc.
  1. Voir leur site https://rusf.org/
  2. Voir leur site https://reseau-mens.org/
  3. Voir Marion Tissier-Raffin, « “Bienvenue en France”, attirer ou trier ? », Plein droit, n° 130, novembre 2021.

Organisation du guide

Un souci de lisibilité a présidé au choix de distinguer deux catégories :

  • les étudiantes et étudiants internationaux, qui viennent en France avec un visa de long séjour prévu pour venir faire des études en France ;
  • les étudiantes et les étudiants exilés, les personnes qui sont déjà en France munies d’un autre titre de séjour (carte de séjour temporaire au titre du travail ou de la vie familiale, carte de résident au titre du statut de réfugié, attestation de demande d’asile, etc.) ou qui sont sans papiers.

Les personnes étrangères ressortissantes d’un pays hors de l’Union européenne (UE) titulaires d’un titre de séjour dans un autre pays de l’UE sont également dispensées de visa, mais ne sont autorisées à séjourner en France que dans la limite de 90 jours. Passé ce délai, elles doivent détenir un titre de séjour français pour rester en France.

Pour les personnes résidant déjà en France, certaines ont déjà un autre titre de séjour, d’autres sont sans papiers. Ces dernières peuvent solliciter leur régularisation et la délivrance d’un titre de séjour « étudiant » dans certaines conditions très restrictives. Dans tous les cas, les étudiantes et les étudiants déjà présents sur le territoire ont le droit de suivre des études même s’ils ne sont pas titulaires d’un titre de séjour portant la mention « étudiant », et s’ils ne sont titulaires d’aucun titre de séjour.

Ce guide passe en revue les règles s’appliquant d’une part aux étudiantes et étudiants internationaux (partie I) et, d’autre part, aux exilé·es (partie II). Il décrit les différents dispositifs d’aides sociales et de santé auxquels les étudiantes et les étudiants étrangers peuvent avoir accès en fonction de leur statut (partie III). Ce guide présente les différentes formes de mobilisation qui peuvent être déployées à l’université pour soutenir l’accès aux études des personnes étrangères et exilées : créer un comité de soutien, lancer un dispositif de reprise d’études ou s’investir dans un « DU Passerelle » existant (partie IV). Enfin, il expose diverses situations d’étudiants et d’étudiantes et analyse leurs droits, en fonction de leur situation (partie V).

Des fiches techniques sont disponibles en ligne sur le site : www.guide-etudiants-etrangers.org/

2 – I. Les étudiantes et étudiants internationaux

3 – II. Les étudiantes et étudiants exilés

4 – III. L’accès aux droits sociaux et à la santé

5 – IV. Se mobiliser

6 – V. Étude de cas

7 – Annexes

Catégories
Actu Solidaires 78 antifascisme Éducation

Interview de Grégory Chambat, auteur de “Quand l’extrême droite rêve de faire école”

Notre camarade de SUD éducation – Solidaires 78 a accordé un entretien au collectif antifasciste La Horde que nous reproduisons ici.

Grégory Chambat, enseignant et militant syndical, s’intéresse depuis plusieurs années à la pénétration des idées d’extrême droite en matière d’éducation. Il vient de publier un petit ouvrage qui propose un rapide historique de l’imaginaire réactionnaire de l’institution scolaire, un argumentaire pour répondre aux idées racistes et sexistes des nationalistes de droite, et une présentation des politiques éducative de différents gouvernements d’extrême droite dans le monde. On lui a posé quelques questions pour en savoir plus sur l’extrême droite et l’école : voici ses réponses.

Ton dernier livre fait moitié moins de pages que L’École des Reac-publicains. Pourquoi publier un livre d’un format compact dans le contexte actuel ?
À première vue, les deux ouvrages peuvent sembler proches dans leur thématique, mais ils répondent en réalité à deux objectifs différents et s’adressent aussi peut-être à deux publics qui ne se recoupent pas forcément.
Publié en 2016, L’École des réacs-publicains entendait questionner l’émergence, dans les débats sur l’école, d’une rhétorique que j’ai qualifiée de « réac-publicaine » et qui apparaît au milieu des années quatre-vingt à travers un puissant courant « anti-pédagogiste », courant qui se développe au moment où la gauche de gouvernement renonce à toute ambition sociale, égalitaire et émancipatrice et où l’extrême droite marque ses premiers points dans sa bataille pour l’hégémonie culturelle. Et c’est justement sur cette question de l’éducation que des « républicains » des « deux rives » vont se retrouver et confirmer l’analyse de Jacques Rancière qui écrivait dans La haine de la démocratie : « C’est, de fait, autour de la question de l’éducation que le sens de quelques mots – république, démocratie, égalité, société, a basculé. » À la sortie du livre, j’ai été taxé de tout mélanger. À l’époque, les Onfray, Brighelli, Michéa, Polony ou Julliard apparaissaient encore comme des « souverainistes de gauche ». Aujourd’hui, leur inscription dans la galaxie réactionnaire ne fait plus de doute, et c’est bien d’abord à travers leurs discours sur l’école qu’ils ont rallié « l’autre rive ».
Mais cette exploration de la nébuleuse réacpublicaine voulait aussi s’interroger sur une inquiétante impuissance du mouvement social concernant les enjeux scolaires, quand, là encore, pour résumer à grands traits, l’abandon d’un discours critique sur l’école faisait que la défense de l’école républicaine prenait l’ascendant sur la lutte pour une école démocratique et émancipatrice.
Avec Quand l’extrême droite rêve de faire école, il s’agit, hélas, d’acter la victoire idéologique de l’extrême droite dans le débat scolaire. Ses prétendus adversaires reprennent aujourd’hui sa rhétorique et son programme (« Les discours de M. Blanquer, déclarait Marine Le Pen dès 2017, sont […] pour nous une victoire idéologique mais même maintenant une victoire politique » ). L’heure n’est plus vraiment au décryptage, mais bien à la contre-offensive. En ce sens, j’ai imaginé ce nouvel ouvrage comme un texte de combat, et donc comme un écrit plus accessible, plus court (130 pages) et plus synthétique, répondant à cette lancinante rengaine « l’extrême droite ? on n’a jamais essayé… ». L’ouvrage est structuré autour de quatre entrées : un survol historique qui démontre l’obsession de l’extrême droite pour l’éducation, une analyse de sa rhétorique et de son programme, la présentation de l’action de l’extrême droite là où elle est déjà au pouvoir et « fait école » (mairies RN, mais aussi expériences à l’étranger – Brésil, États-Unis, Hongrie, Turquie) et enfin une partie qui se propose de construire la riposte. Il s’agit d’abord d’outiller, d’armer et de conscientiser celles et ceux qui veulent résister et lutter. Je crois que le livre trouvera surtout son public sur les tables de presse militantes, les stages syndicaux, les rencontres antifascistes, etc. où il a davantage sa place plutôt qu’en librairie (mais ce serait bien que je me trompe…).

L’offensive de l’extrême droite en matière d’éducation est essentiellement réactionnaire. Est-ce que tu peux expliquer pour quelles raisons ?
L’extrême droite nourrit depuis toujours une obsession pour les questions éducatives. Le livre retrace un certain nombre de ces épisodes, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours : Edouard Drumont, l’auteur de La France juive, contre le pédagogue libertaire Paul Robin, les ligues nationalistes anti-dreyfusardes dénonçant « l’école sans patrie », l’Action française contre Freinet, etc.

L’Éducateur prolétarien (revue de Freinet) n° 2, 15 octobre 1934

À chaque fois, il s’agit de lutter contre une promesse d’émancipation sociale en se mobilisant pour maintenir un système inégalitaire et autoritaire. Jean-Michel Barreau a une définition très pertinente du projet réactionnaire : « Conservateur en colère, écrit-il, le réactionnaire veut maintenir l’ordre “naturel” des choses et se donne les moyens autoritaires de le faire. [Il est aussi] assurément un réformateur, mais un réformateur qui réforme à reculons : en reculant dans l’histoire et en reculant dans le social, dans la justice et l’égalité. »
Cette rhétorique réactionnaire de l’extrême droite se construit en deux temps : distiller l’idée d’une décadence du système scolaire pour en appeler à un redressement – du corps, des esprits et de la nation. Dans cette perspective, l’idée d’égalité est tout simplement insupportable. L’école est ainsi présentée comme le symptôme d’un effondrement de la civilisation, d’un « Grand endoctrinement » qui fait écho au « Grand remplacement ». Elle est aussi vue comme le lieu d’un possible retour à l’ordre. Mais pour cela, il faut exclure : exclure les élèves issu·es de l’immigration, les enfants de pauvres, mais aussi exclure les personnels (les pédagogues, les syndicalistes, les wokistes et les islamo-gauchistes), exclure, enfin, toute pensée critique (historique, sociologiques, etc.).

Parmi les principaux ennemis de l’extrême droite en matière d’éducation, tu cites les pédagogues, alors que la pédagogie est littéralement la science de l’éducation. Est-ce que tu peux nous expliquer cet (apparent) paradoxe ?
Effectivement, les pédagogues figurent en tête des ennemis à éliminer du fait de leur volonté de transformer l’institution. Ils et elles sont accusé·es (avec les sociologues, les historien·nes critiques, etc.) d’être les responsables de la baisse du niveau et de la décadence du système éducatif. Mais derrière ces enjeux pédagogiques, il y a en réalité des choix politiques. En opposant un courant « républicain » à un courant qualifié de « pédagogiste », il s’agit de balayer d’un revers de main toute ambition de transformation sociale.
Les sciences de l’éducation sont d’ailleurs également remises en question au nom de la tradition – enseigner serait un métier qui ne s’apprend pas, Sarkozy avait ainsi supprimé toute formation initiale – et il s’agit uniquement d’appliquer les bonnes vieilles recettes d’antan (cours magistral, scolastique, etc.)
Il faudrait aussi évoquer la tendance à se référer continuellement aux neurosciences pour en faire « la » science de l’éducation. De Blanquer à Attal, on retrouve cette volonté d’uniformiser les pratiques pédagogiques et de transformer les enseignant·es en simple exécutant·es de process validés par la science.

Jean-Michel Blanquer

C’est aussi au nom de cette neuropédagogie que se développe aujourd’hui tout un tas d’écoles hors contrat. Pour accompagner la création de ces écoles, il y a un mouvement très structuré, la Fondation pour l’école, dont les liens avec les catholiques intégristes mais aussi les nostalgiques du colonialisme sont avérés.
De fait, comme tu le dis, on ne peut pas imaginer une école sans pédagogie. Mais celle-ci est toujours adossée à un projet politique et à une vision de la société. La nostalgie pour les méthodes d’hier renvoie à une conception hiérarchique et autoritaire, celles justement que des pédagogues comme Robin, Ferrer, Freinet ou Freire, se référant au mouvement ouvrier, ont dénoncé. D’autres ont voulu « dépolitiser » les questions pédagogiques, je pense en particulier à Montessori, qui justifiait ainsi ses accointances avec le régime de Mussolini. Sans forcément que ces liens soient connus, la pédagogie Montessori jouit d’un prestige chez certain·es réactionnaires. Ainsi, dans la ville où j’enseigne (Mantes-la-Ville), l’ancien maire FN avait favorisé l’implantation d’une école Montessori.

Tu avances que l’extrême droite aurait gagné « la bataille des idées » en matière d’éducation. Est-ce qu’elle n’essaye pas surtout de le faire croire (comme c’est le cas dans bien des domaines) ? N’est-ce pas dans le champ éducatif justement que la résistance à ses idées semble la plus forte ?
Je crois – hélas – que l’extrême droite sort aujourd’hui victorieuse de cette bataille culturelle…. Le jour des annonces de Gabriel Attal, Roger Chudeau, le « monsieur éducation » du RN, déclarait « les mesures sont exactement celles du programme de Marine Le Pen ». Il y a là peut-être une part de stratégie politique, mais, assurément, en matière d’éducation, l’extrême droite a su imposer son discours, son agenda et ses « solutions ».

Elle y est d’autant mieux parvenue que c’est un sujet où l’on a sous-estimé son action alors même que le mouvement social a abandonné l’idée d’une critique de l’école. Le débat scolaire s’est ainsi réduit à une opposition réactionnaires / gestionnaires (ou « républicains vs « pédagogistes »). Cette hégémonie idéologique de l’extrême droite en matière d’éducation fait qu’il est de plus en plus difficile de contrer son discours sur la restauration de l’autorité, les fondamentaux, etc. Le simplisme des mesures préconisées, comme par exemple le port de l’uniforme, n’empêche pas qu’elles recueillent une large adhésion, y compris chez certain·es collègues qui, tout en prétendant combattre l’extrême droite, nourrissent en réalité le terreau sur lequel elle prospère.
Mais il s’agit de distinguer le succès idéologique et médiatique des droites extrêmes de leur implantation dans les établissements scolaires. Quand Zemmour annonce l’élection de 3500 « parents vigilants » dans les instances, il faut rappeler que ce sont 300 000 représentant·es de parents d’élèves qui siègent à différents niveaux.

Quant au corps enseignant, le vote d’extrême droite y est bien moins puissant que dans d’autres profession (entre 10 et 20 % selon les élections) mais il progresse régulièrement pour des raisons que j’ai essayé de montrer dans mon livre. De fait, l’école demeure encore un lieu de résistance. Les organisations syndicales ont pris conscience du danger, elles organisent des stages et ont monté une structure intersyndicale « Toutes et tous ensemble contre l’extrême droite » qui rassemble la CGT, la FSU, SUD, la CFDT, l’Unsa. Ainsi à Béziers les conseils d’école ont jusque-là refusé la blouse que Robert Ménard veut imposer depuis des années. Si l’école prend conscience des dangers qui pèsent sur elle, si les personnels sortent de la résignation et prennent le chemin du collectif, on peut garder l’espoir que le monde éducatif soit un espace de résistance.
Mais on sait aussi que les choses peuvent évoluer très rapidement. Et qu’en cas de trop forte opposition, les gouvernements autoritaires n’hésitent pas non plus à réprimer. En Hongrie, au Brésil ou encore en Turquie, les enseignant·es trop revendicatif·ves ont été mis·es sous surveillance et déchu·es d’un certain nombre de leurs droits (liberté d’expression, liberté pédagogique, droit de grève, etc.).

On le sait, le système scolaire est déjà une machine à produire de l’inégalité. De quelle manière les propositions scolaires de l’extrême droite pourrait davantage accentuer cet état de fait ?
Je commence la partie historique de mon livre en rappelant que l’institution scolaire est déjà en elle même très conservatrice et inégalitaire ce qui peut la rendre perméable à certains discours réactionnaires. L’école de Jules Ferry, c’est d’abord une organisation fondée sur la ségrégation sociale (l’école du peuple, gratuite et l’école de l’élite, le secondaire, publique mais payant jusqu’en 1932). C’est bien cette fonction de tri social que l’extrême droite entend restaurer à travers une série de mesures (fin des réseaux d’éducation prioritaire, des aides sociales pour les transports, la cantine, le péri-scolaire, limitation de l’accès aux bourses aux seul·es méritant·es, etc.).
« Faute de pouvoir combattre l’accroissement des inégalités, déclare Jacques Rancière, on les légitime en disqualifiant ceux qui en subissent les effets. … Le retournement de l’universalisme républicain en une pensée réactionnaire, stigmatisant les plus pauvres, relève de la même logique. » Une logique que le philosophe Ruwen Ogien avait pointé dans son ouvrage La Guerre aux pauvres commence à l’école, à propos de l’enseignement de la morale. D’abord, il faut distiller l’idée d’une décadence du système afin d’en appeler à un ou une « sauveur ». Et c’est en se tournant vers un passé mythifié (l’école de Ferry mais aussi le colonialisme), que l’extrême droite entend nous convaincre que « c’était mieux avant » (j’ai ajouté des guillemets), que les idées de progrès social et d’égalité, sont vouées à l’échec, qu’il faut remettre de l’ordre et mettre hors d’état de nuire les empêcheur·euses de régresser en toute tranquillité. L’objectif est de balayer les contestations, de bâillonner toute lutte au sein de l’institution et d’éliminer les ennemi·es intérieur·es.
L’extrême droite voue une haine farouche à l’égalité – rebaptisée « égalitarisme » – qui transpire dans l’ensemble de son programme. Elle lui oppose la méritocratie (Giorgia Meloni, sitôt élue, s’est empressée de renommer le ministère de l’éducation en ministère de l’Éducation et du mérite), l’ordre, la hiérarchie, l’obéissance et surtout « l’égalité des chances ». Une formule que l’on retrouve chez d’autres mais l’extrême droite peut à juste titre en revendiquer la paternité puisque c’est Pétain qui l’a mise au goût du jour dans un discours sans équivoques : « Le régime nouveau, affirmait-il, sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des “chances” données à tous les Français de prouver leur aptitude à “servir”. Seuls le travail et le talent deviendront le fondement de la hiérarchie française. […] Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire. »

Le maréchal Pétain en visite dans une école / Mémorial de Caen

Si les politiques éducatives de ces dernières années participent très largement au renforcement des inégalités, parfois à travers des copier-coller des mesures préconisées par la droite de la droite, l’arrivée de cette dernière au pouvoir marquerait une nouvelle étape et une accélération du processus. L’étude des mesures prises dans les mairies au main du RN en est une préfiguration. Sous prétexte de lutter contre « l’assistanat » et de « responsabiliser » les familles démunies, l’accès à la cantine, aux transports ou aux activités péri-scolaires est drastiquement limité ou est devenu payant, les dotations de fonctionnement ou les salaires des agent·es (par exemple les Atsem en maternelle) sont gelées, les enseignant·es sont violemment pris·es à partie…

L’extrême droite multiplie depuis plusieurs années les structures de formation pour ses militants (Academia Christiana, Iliade, Issep, etc.). Tu en parles peu dans ton livre. Qu’en penses-tu ?
C’est vrai, j’évoque seulement l’Issep, l’école fondée par Marion Marechal Le Pen qui en a fait un élément central de son combat politique (« avec ce projet entrepreneurial, je suis fidèle à ce que j’ai toujours défendu durant mon mandat : le combat culturel, métapolitique. Transmettre la culture, le savoir, nos valeurs civilisationnelles ne peut se faire uniquement par le biais électoral. »). J’évoque aussi la centralité de l’Action française dans la formation des cadres nationalistes. La multiplication de ces structures de formation participe bien de la bataille culturelle que mène l’extrême droite avec la volonté de faire émerger des intellectuel·les organiques, selon la théorie du penseur marxiste Gramsci. C’est un phénomène qu’il est important d’observer et qui participe à l’enracinement de ces mouvements. Je l’ai peu abordé car il me semblait en marge de la question scolaire mais il y aurait effectivement tout un travail à mener sur ces initiatives qui s’avèrent des lieux de socialisation, en particulier pour la jeunesse.

Tu avais publié il y a quelques années une carte des reac-publicains. A quand une mise à jour ?

La carte que tu évoques avait accompagné la sortie du livre L’École des réac-publicains. C’était un travail très stimulant, inspiré des cartos que vous réalisez pour le compte de La Horde. C’est une autre manière de déployer spatialement ses analyses et cela permet de mettre en lumière certaines convergences pas forcément évidentes à souligner à travers un texte linéaire. Par exemple, je pensais au départ structurer la carte autour de quatre pôles : national-républicain, identitaires, cathos intégristes et libéraux-créateurs d’écoles, puis j’ai réalisé que les deux derniers se superposaient parfaitement.
De fait une grosse mise à jour est nécessaire, la centralité du FN, devenu RN, est remise en question avec l’irruption de Reconquête, Florian Philippot a fondé depuis son propre parti, Les Patriotes, auquel s’est rallié le Collectif Racine issu du FN. Il faudrait aussi trouver comment intégrer un certain nombre de politiques non étiqueté·es à l’extrême droite mais dont les discours et les mesures sur l’école sont en adéquation avec les idées du RN (je pense à Jean-Michel Blanquer et Gabriel Attal, par exemple) tout en évitant les amalgames… Bref, ce n’est pas à La Horde que je vais expliquer que c’est un très gros chantier, délicat et qui nécessite de perpétuelles mises à jour. Donc le projet est bien dans les cartons mais il va nécessiter pas mal de temps…

Merci à toi !

Vous pouvez commander le livre Quand l’extrême droite rêve de faire école ici ou dans toutes les bonnes librairies.

RSS
Follow by Email