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Dans le privé et le public, un syndicalisme de lutte pour la transformation sociale

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En grève ! Les travailleur·euses n'ont pas de pays !

Cadix, plus de 20 000 métallurgistes en grève reconductible

Manifestations de plusieurs milliers de personnes, barricades pour couper l’accès aux zones industrielles et aux voies de communication, sit-in et occupations d’usines : à Cadix, les métallurgistes sont en grève reconductible depuis une semaine pour réclamer au patronat des augmentations de salaires indexées sur l’inflation.

Mardi 16 novembre, à l’aide de matériel industriel, les milliers de travailleurs en grève[1] ont occupé la zone industrielle de Puerto Real et ont installé des piquets de grève à l’entrée des usines pour interrompre la production et paralyser les usines de la baie industrielle de Cadix.

Les travailleurs ont voté la grève après que les négociations sur la convention provinciale entre le patronat et les deux syndicats majoritaires – Commissions Ouvrières (CCOO) et Union Générale des Travailleurs (UGT) – n’aient débouché sur aucuns accords.

Alors que les représentants syndicaux réclamaient des hausses de salaires, le patronat proposait une augmentation de 0,5% sans prise en compte de l’augmentation du coût de la vie. Il refuse en effet d’accorder un quelconque crédit aux revendications ouvrières arguant du fait que ces hausses de salaires sont « irréalisables[2] ».

Très vite, la revendication principale s’est étendue à une dénonciation de la précarité à laquelle est soumise la classe ouvrière. En effet, sur les 30.000 travailleurs que compte l’industrie métallurgique de la province, second secteur économique avec 16,20 % du PIB derrière les services, 22.000 sont embauchés dans les petites et moyennes entreprises de sous-traitance travaillant pour les grands groupes métallurgiques et aéronautiques comme Airbus, Cepsa ou Navantía.

Soumis aux contrats précaires – intérim principalement – mais aussi à l’absence de contrôle sur le paiement des heures supplémentaires, aux accidents du travail ainsi qu’au chômage galopant (27%), ce sont ces milliers de travailleurs précaires qui depuis une semaine ont entamé un bras de fer avec le patronat pour revendiquer de meilleures conditions de travail.

Décidés à ne rien céder, les grévistes tentent de paralyser l’activité des grands groupes qui voient dès lors leur activité menacée. Ainsi, jeudi dernier l’activité d’Airbus a été mise à l’arrêt faute d’intérimaires qui étaient en grève, paralysant la production de l’A320 et de l’A350.

Les grévistes font pression sur les grandes entreprises et sont soutenus par des syndicats comme la CGT qui ont débrayé à Airbus et dénoncent également la fermeture prévue de l’usine et la destruction des emplois que cela suppose. Dans le même temps, les travailleurs des usines pétrochimiques de la province ont aussi débrayé pour ensuite bloquer les principales autoroutes à l’aide de piquets de grève.

Si les deux syndicats majoritaires soutiennent le mouvement social, les déclarations de leurs dirigeants montrent qu’ils n’ont pas prévu une mobilisation d’une telle intensité et qu’ils craignent de se voir déborder par la « radicalité » de la classe ouvrière et de son répertoire d’action, en grande partie fondée sur  l’auto-organisation.

Ainsi, Francisco Grimaldi, secrétaire régional des CCOO a déclaré que « les gens sont extrêmement en colère; nous allons voir comment maitriser la situation[3] ».

La volonté de « maîtriser la situation » passe par la dénonciation d’une partie des ressources déployées par la classe ouvrière qui coupe le trafic autoroutier et ferme l’accès aux raffineries et aux centres industriels dans la Baie de Cadix pour empêcher la police antiémeute d’accéder aux usines.

Grimaldi se désolidarise de ces actions : « L’accès à la raffinerie a été coupé ce matin à 6h30. J’ai vu un incendie à Guadarranque et je l’ai signalé d’urgence, car je ne suis pas d’accord avec ce type d’action[4]. » Ces déclarations révèlent la crainte des directions syndicales confrontées une « radicalisation » de la mobilisation. Ils demandent aux travailleurs de cesser de bloquer les autoroutes et de centrer leurs actions sur les lieux de travail afin de « bien gérer ce conflit[5] ».

Ces propos mettent en avant une représentation spécifique de l’action syndicale et ouvrière, celle-ci devant être circonscrite à l’usine et ne pas empiéter sur l’espace public afin de ne pas « gêner » les citoyens et « préserver leur sympathie ».

Pour l’heure ces propos semblent inaudibles : non seulement la grève s’étend mais de nombreuses associations citoyennes, syndicats d’étudiants, etc. appellent à des manifestations et à des actions de soutien. Les grévistes comprennent que mettre fin à leurs actions signifierait un recul dans la construction du rapport de force face au patronat. D’autant plus que celui-ci est aidé par Madrid qui tente de réprimer la grève.

Dès mardi dernier en effet le gouvernement PSOE-UnidasPodemos a mobilisé la police anti-émeute dans le but de ramener l’ordre dans la province. Les images des blindés de la police nationale ont fait le tour des télévisions et constituent un symbole terrible pour la coalition de gauche qui n’a de cesse de se présenter comme « progressistes ».

Hier, le groupe parlementaire UP a présenté une « déclaration institutionnelle » devant le Congrès des Députés[6]. Ce texte réaffirme la légitimité de la grève et dénonce dans le même temps sa criminalisation. Dans le même temps Yolanda Díaz, ministre du travail (UP) et deuxième vice-présidente du gouvernement, a fait savoir aux membres socialistes du gouvernement son désaccord face aux méthodes policières employées.

Du côté du PSOE, Hector Gómez, porte-parole des socialistes au Congrès, a également réaffirmé son soutien aux travailleurs. Les deux formations politiques au pouvoir demandent ainsi aux syndicats et au patronat de parvenir à un accord dans les plus brefs délais. Pourtant, ces déclarations d’intention ne parviennent pas à cacher la réalité du dispositif mis en place par le ministère de l’intérieur. Celui-ci a déployé à Cadix l’Unité d’Intervention Policière (UIP) et ses deux blindés, achetés à l’armée de terre en 2019[7] et dont l’objectif est de déloger les travailleurs et de briser les piquets de grève.

Ces forces anti-émeutes sont soutenues par la Garde Civile qui utilise les bombes à gaz et les balles en caoutchouc pour réprimer la mobilisation.

Ce mardi, d’autres manifestations sont prévues à Cadix et dans les localités de la province comme à Algeciras. Dans le même temps les métallurgistes maintiennent leurs actions de blocages à l’aide des piquets de grève. Nul doute que ce conflit durera et que les travailleurs maintiendront le rapport de force tant que le patronat refusera de satisfaire leurs revendications.


Ce texte est extrait du blog Mediapart d’Arnaud Dolidier Historien / Enseignant d’histoire-géographie.


[1] Sur 26.000 ouvriers, 95% d’entre-deux sont en grève. Les syndicats dénoncent les tentatives d’intimidation de certaines entreprises qui ne respectent pas le droit de grève. Certains patrons menacent en effet  leurs employés de sanctions et de licenciements. « Los sindicatos advierten de que si no hay convenio en el metal, se irá a la huelga indefinida”, 8directo, 10 novembre 2021.

[2] Lo que hay detrás de las barricadas de los trabajadores del metal que han vuelto a encender Cádiz, Publico, 19 novembre 2021. [3]Los sindicatos convocantes de la huelga del metal piden a las plantillasque no corten las autovías del Campo de Gibraltar, El diario, 18 novembre 2021. 

[4]Ibid.

[5]Ibid.

[6]La huelga del metal en Cádiz salta al Congreso de los Diputados, Noticias, 22 novembre 2021. [7] El envío de un vehículo BMR de la Policía desata la polémica en la huelga del metal de Cádiz, vozpópuli, 22 novembre 2021

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