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Dans le privé et le public, un syndicalisme de lutte pour la transformation sociale

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Le sexisme fait sa rentrée

Après l’épisode des gendarmes qui demandent à des femmes de couvrir leurs seins nus à la plage ou celui d’une jeune femme qui s’est vue refuser l’entrée dans dans un musée à cause d’un décolleté jugé trop profond, le sexisme fait sa rentrée en grande pompe. Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer lui a déroulé le tapis rouge.

Lundi 14 septembre, des collégiennes et lycéennes se sont organisées et s’organisent encore pour lutter contre le sexisme dont elles sont victimes dans leurs établissements scolaires. En effet, dans de nombreux collèges et lycées, les élèves, majoritairement les filles, subissent des remarques sur leurs tenues. Les jupes sont trop courtes ou trop longues, les décolletés trop plongeants, les bandeaux trop larges, etc. En tant que personnel de l’Éducation nationale, nous avons été témoins à maintes reprises de ces commentaires voire de l’éviction de certaines élèves des établissements suite à l’ordre d’aller se changer.

Pour répondre à la mobilisation du lundi 14 septembre, le ministre évoque dans une allocution les excès de celles qui voudraient « se couvrir le visage » et de celles qui voudraient « avoir des tenues de tous ordres » en y opposant sa « position équilibrée » qui demande à ce que les élèves soient habillées « normalement ». Il conclut par “il suffit de s’habiller normalement et tout ira bien.”

M. Blanquer, pouvez-vous expliciter ce que signifie des « tenues normales » ? Oserez-vous expliquer aux femmes comment « s’habiller normalement » ? Quand une femme est-elle assez couverte, quand l’est-elle trop ? Les filles et les femmes comme les autres individus, doivent pouvoir choisir elles-mêmes leurs vêtements sans subir la sexualisation de leurs corps.

Cette manière d’enseigner les stéréotypes de genre et de pointer du doigt les tenues des filles et des femmes nourrit les inégalités de genre et les violences sexistes. Cela participe à la culture du viol. Rien d’étonnant dans un ministère dont l’inertie en matière de violences sexistes et sexuelles est effrayante. Les personnels comme les usagères attendent toujours l’application de la circulaire du 9 mars 2018 contre ces violences. Mais pour l’instant, les mesures de protection ne sont que trop rarement mises en place et les auteurs rarement sanctionnés.

De plus, comme les années précédentes le ministère fait usage d’images véhiculant des stéréotypes sexistes dans des exercices des évaluations nationales de CP. On voit ainsi, des garçons bricoler et scier du bois tandis que les filles se coiffent et s’endorment avec des petits nœuds dans les cheveux.

Aujourd’hui comme précédemment nous dénonçons ces exercices sexistes présents dans les évaluations mais aussi dans de trop nombreux manuels scolaires.

SUD éducation revendique une véritable éducation à l’égalité contre les stéréotypes racistes et sexistes.

SUD éducation soutient les élèves et les personnels dans leurs combats contre les injonctions vestimentaires sexistes.

SUD éducation revendique de véritable mesures contre les violences sexistes et sexuelles.

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Éducation Énergie Histoire locale

Madiba

C’est donc Nelson Mandela, « Madiba » dans sa langue tribale, que les Porchevillois-es ont choisi comme nom pour le tout nouveau groupe scolaire, à l’occasion de cette première consultation citoyenne proposée par la municipalité.

Quelle fierté  ! Quelle lucidité !

Mandela ! Figure historique, illustre défenseur des droits civiques, combattant contre la ségrégation raciale ayant passé 27 années de sa vie en prison.

Une personnalité qui entre en résonance avec l’actualité récente des mobilisations qui ont ébranlées le monde suite au meurtre de Georges Floyd aux USA.

Mais ce nom entre aussi en résonance avec la propre histoire de notre commune, aussi curieux que cela puisse paraître !

En effet le combat de Mandela et la lutte contre l’apartheid ont traversé l’histoire de la première centrale EDF de Porcheville qui fonctionnait au charbon.

Dans les années 80, pour dénoncer l’apartheid et pour exiger la libération de Mandela, une partie du personnel de la centrale se mobilise contre l’utilisation de charbon sud africain, qualifié de  charbon de la honte, et pour exiger l’utilisation de charbon français alors que les mines du pays sont menacées de fermeture.

C’est dans ce contexte qu’une opération d’envergure est organisée par la CGT avec des syndiqué-es de la centrale.

Tout d’abord, Loic Réaubourg, agent de manutention  dont le travail consiste à alimenter la centrale en charbon, effectue le chargement d’un camion benne entré subrepticement à la centrale avec la complicité du gardien. Ce camion est ensuite évacué vers un bâtiment officiel tenu secret afin d’y déverser sa cargaison pour une opération médiatique de condamnation de l’apartheid.

Les risques sont réels mais il en faut beaucoup plus pour refréner les ardeurs de Loic et de ses camarades.

Loic est le digne descendant d’une famille mantaise de militants. Son père Victor et son oncle Emile Réaubourg ont combattu dans les rangs de la résistance au sein des FTP (Francs- Tireurs et Partisans). Arrêté, Emile Réaubourg est fusillé en 1944 à l’âge de 25 ans, une rue de Mantes la Jolie porte son nom. Quant à Victor, il réussi à s’évader de la prison de Mantes échappant ainsi probablement au même sort. Ouvrier du bâtiment après la guerre il travaillera même à la construction de la centrale. Syndicaliste, il forge son fils au refus des injustices.

Suite à cette action Loic ainsi que le gardien éviteront de justesse le licenciement grâce à la solidarité collective et à l’action syndicale.

Parmi ce groupe déterminé on retrouve, entre autres, Eric Roulot l’actuel maire de Limay. Chaudronnier à l’époque et secrétaire du syndicat, Eric Roulot participe à la préparation et à la mise en œuvre de l’opération en lien avec l’Union départementale CGT.

Il y a aussi un Porchevillois, Serge Alexandre, également chaudronnier. Serge décède en 2005, à l’âge de 53 ans, empoisonné par l’amiante respiré à la centrale. Fin des années 80, je me rappelle également ce bel après midi ensoleillé, lorsque encore tout jeune, avec un groupe de quelques dizaines de militants-tes anti-apartheid nous partons à l’assaut de l’ambassade d’Afrique du Sud en plein Paris. La façade est bombardée de peinture et des pneus sont enflammés.

Puis nous sommes encerclés par la police qui nous raccompagne ensuite vers la bouche du métro… Et oui, impensable aujourd’hui. ! Une action similaire se terminerai sûrement sous les gaz, une pluie de coups de matraques et des gardes à vue.

Alors que les discriminations sont encore malheureusement trop nombreuses, espérons que la personnalité de Mandela et son combat inspirent nos enfants pour construire un monde meilleur fait de plus de tolérance de bienveillance et de solidarité !

P. M.

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Actu Solidaires 78 Éducation

Rentrée 2020 : “Méfiez-vous des syndicalistes !”

Tract de Sud éducation 78

« Méfiez-vous des syndicalistes ! »

Elles vous donnent des informations complètes sur vos droits ;
Ils organisent des heures d’info pour permettre aux équipes d’échanger à bâtons rompus ;
Elles vous soutiennent face aux discriminations, au racisme, au sexisme dans l’institution ;
Ils défendent le collectif et pas le chacun·e pour soi ;
Elles exposent et combattent les inégalités ;
Méfiez-vous des syndicalistes !
Ils perturbent les moments de communion partagés entre ceux qui ont le pouvoir et l’argent ;
Méfiez-vous des syndicalistes !
Elles luttent pour la défense et la reconnaissance des plus précaires ;
Ils prennent des coups pour défendre leurs idées et leurs collègues ;
Méfiez-vous des syndicalistes !
Elles sont des grains de sable dans la routine aliénante ;
Ils et elles rêvent et luttent pour une autre école et une autre société.

… Ne les rejoignez pas !

… et donc n’allez pas sur la page d’adhésion du syndicat !

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Actu Solidaires 78 Éducation

Pot de rentrée syndicale à la santé des luttes, à la santé du syndicat !

Le syndicat Sud éducation 78 vous invite à son pot de rentrée 2020.

Deux rendez-vous :

  • Saint-Quentin en Yvelines : jeudi 10 septembre à partir de 18 h au bar Le Bureau.
  • Mantois : mardi 15 septembre, local SNCF, 14, rue des 2 gares, Mantes, à partir de 18 h.

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Actu Solidaires 78 Éducation

Dans l’éducation aussi, maintenant, ça suffit !

Rassemblé.es à l’appel de l’Ag éducation du Mantois, des personnels de l’éducation et des parents se sont retrouvé.es pendant plus d’une heure devant la gare de Mantes-la-Jolie. L’occasion d’échanger avec la population sur les conditions dans lesquelles s’est déroulé le confinement et le déconfinement pour les élèves, les familles et les personnels du bassin.

Un document “Paroles brutes” composé de témoignages a été très largement distribué…

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Actu Solidaires 78 Éducation Luttes féministes Santé-Social

Avec Sud éducation 78, l’école se mobilise aussi le 16 juin avec les soignant·es

Dans l’éducation aussi, tous et toutes en grève

De l’éducation…

On peut faire un constat accablant sur notre métier de personnel de l’éducation, que ce soit avant, pendant, ou après la crise sanitaire : réduction du nombre de classes et de postes, conditions de travail sans cesse dégradées, taylo­ri­sa­tion des gestes professionnels, mépris de la hiérarchie et surdité de l’État devant des mobilisations d’ampleur. La continuité pédagogique, imposée dans une improvisation totale, puis la réouverture des établissements scolaires dans des conditions sanitaires scandaleuses ont constitué le paroxysme du mépris de l’institution envers les personnels et les élèves.
Les soignant·es, de leur côté, ont fait un constat plus que similaire. Remplacez « classes » par « lits », « continuité pédagogique » par « état d’urgence sanitaire », « établissements scolaires » par « hôpitaux » et « élèves » par « patient·es »… Sans parler de tous les autres travailleurs et travailleuses en première ligne…

… à la solidarité interprofessionnelle

Une chose est sûre : ce n’est pas en restant isolé·es que nous arriverons à nous faire entendre et à enfin gagner ce que nous revendiquons depuis des années. Les constats que nous faisons dans chaque secteur professionnel ne sont que la conséquence logique d’une gestion capitaliste où les intérêts financiers priment sur tout autre intérêt : pédagogique, de santé publique, de dignité des salarié·es, voire tout simplement humain et solidaire.
La mobilisation contre la réforme des retraites a remis en lumière la puissance et la joie des luttes interprofessionnelles, regroupant des individus de tous milieux, de toutes professions, unis par la même envie de construire une société plus juste et plus égalitaire, contre le règne et les méfaits du capitalisme et de l’individualisme.
Si le confinement a freiné ces élans, en tout cas sur le terrain, il ne nous a pas empêché·es de faire vivre la solidarité : on l’a vu avec les cortèges de fenêtres ou encore avec la lutte victorieuse de Solidaires contre Amazon, qui mettait sciemment ses salarié·es en danger en pleine pandémie…
Nous avons lutté ensemble, nous avons applaudi les personnels en première ligne pendant le confinement, nous avons pris conscience des conditions de travail impi­toyables des hospitalièr·es.
Le déconfinement sonnera-t-il la fin de cette solidarité ?
Assurément, NON !

Des applaudissements au rassemblement, il n’y a qu’un pas : rejoignons les personnels de l’hôpital le mardi 16 juin pour une journée de grève et pour montrer que, après ces deux mois confinés, nous sommes toujours là, toutes et tous solidaires, pour gagner, pour l’hôpital et pour tous·tes les travailleur·ses.

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Éducation Idées, débats, cultures Lecture Luttes féministes

« Prendre la parole, bousculer les dominations »

Entretien avec Laélia Véron

Les Utopiques : Tu travailles sur la langue et un des champs de tes réflexions concerne la domination qui s’exerce au travers du langage. Peux-tu nous dire en quoi il est important de s’y intéresser ?

Maria Candea et Laélia Véron (à droite)

Laélia Véron : Quand on travaille sur le langage, on va parler de symbolisme, de domination symbolique, de ce que Bourdieu appelle aussi le pouvoir symbolique. Et la question qu’on peut toujours se poser c’est à quel point c’est important, à quel point on ne va pas perdre de vue les combats matériels en faisant ça.

Il peut y avoir la tentation de se dire que « les mots ça n’est pas important », qu’il faut agir plus que parler. Typiquement, quand on va parler d’écriture inclusive, on va nous dire, « battez-vous plutôt pour l’égalité salariale, contre les violences conjugales », etc. Bien sûr qu’il faut se battre là-dessus, mais ça n’est pas contradictoire de le faire tout en réfléchissant par exemple à l’écriture inclusive. Mais je pense qu’il faut travailler sur le langage tout en faisant attention à ce que ça ne devienne pas quelque chose de marketing. On a un gouvernement qui est tout à fait capable de tout féminiser et de continuer à précariser les travailleuses, les femmes, à fermer les centres d’accueil pour femmes battues, à fermer les plannings familiaux.

La question qui se pose pour nous, c’est de montrer comment le langage peut nous permettre de faire le lien entre le symbolique et le matériel, peut nous permettre de prendre conscience de certains éléments des combats, des luttes, dont on n’avait pas forcément pris conscience.

Typiquement, si on revient sur la Ligue du LOL : qu’est-ce que ça nous montre ? Ça nous montre des mécanismes de solidarité masculine qui vont exclure les femmes, souvent avec beaucoup de violence et en même temps de manière indirecte, en se cachant sous l’humour. Ce qui fait que c’est une domination encore plus pernicieuse. La ligue du LOL nous montre que ces questions de violences langagières ne sont pas détachées des aspects matériels et économiques. Beaucoup des femmes victimes de la ligue du LOL ont raconté qu’elles étaient d’autant plus démunies qu’elles étaient en situation de précarité. Les méfaits de la ligue du LOL sont notamment passés par de faux entretiens d’embauche : il s’agissait de jouer justement sur la précarité (et l’espoir d’obtenir un travail) des personnes victimes. Quand ces personnes avaient envie d’intégrer des rédactions, elles se retrouvaient exclues par des hommes qui voulaient les empêcher, à la fois de prendre parole sur des sujets qui leur tenaient à cœur et de prendre une place dans ces espaces journalistiques. On voit avec la ligue du LOL comment l’enjeu de la prise de parole s’articule avec un enjeu matériel. Parce que prendre parole, quand on est journaliste c’est tout simplement exercer son travail. Mais c’est aussi un enjeu de pouvoir.

Ça n’est pas un hasard si les personnes qui étaient visées par la ligue du LOL étaient souvent des personnes dominées dans l’espace politique et dans l’espace de la parole publique : les femmes, les homosexuel·les, les personnes racisé·es. On voulait les empêcher d’inclure ces espaces, on voulait les empêcher de prendre la parole.

On peut d’ailleurs remarquer que ces personnes de la ligue du LOL, dont on parle tout le temps comme des personnes très brillantes, n’étaient pas si brillantes en réalité. Souvent, elles se confrontaient à des féministes, par exemple, qui essayaient d’argumenter, et les membres de la ligue du LOL ne répondaient pas des arguments, mais des insultes. Ça nous montre l’impuissance de ces gens de la ligue du LOL à se battre sur le plan de l’argumentation politique : sous prétexte d’humour et de trait d’esprit, très rapidement on basculait dans l’insulte pure et dure avec des termes comme « la grosse », « la pute ». Je n’appelle pas vraiment ça des traits d’esprit, ni même de l’humour. Ce sont juste des insultes.

Dans ce que tu dis à propos de la Ligue du LOL, on comprend aussi que pour ces hommes, finalement, leur système de domination est « naturel ».

Oui, c’est le phénomène des Boy’s club : des groupes d’hommes, de solidarité masculine, qui cherchent à exclure les femmes, et en général les personnes dominées. On le retrouve partout, tout le temps. En tant que militante féministe et en tout simplement en tant que personne, j’ai été très choquée de cette violence. Et ça m’a fait repenser à certaines choses que j’avais vécues, que j’avais vues et que je n’avais pas interprété forcément comme des Ligues du LOL, comme des Boy’s club, alors que c’est exactement la même chose !

Par exemple, dans les grandes écoles, il y avait, même si ça restait « privé », des listes mail entre garçons qui voulaient absolument discuter entre hommes, et qui visaient toujours les mêmes cibles. Dans certains milieux il est impressionnant de voir à quel point certains hommes regrettent le temps de la non-mixité. Nous, les filles, nous sommes tout le temps confrontées à ça, par exemple à l’idée que le métier se dévaloriserait quand les femmes l’intègrent. Par exemple, pour l’enseignement, on se souvient des propos d’Antoine Compagnon1… On voit bien que certains milieux de pouvoir – la politique, la justice, les grandes écoles – sont encore dirigés par des hommes qui regrettent le temps de la non-mixité, qui ne supportent pas que les filles arrivent.

Les réponses des agresseurs ont été intéressantes. Toute leur stratégie a été de s’excuser. Plusieurs membres de la Ligue du LOL ont été licenciés, pas tous. Par contre, ce qu’on ne sait pas, et c’est un angle mort, c’est qui les a remplacés ? On parle de lier symbolique et matériel, alors il y a un enjeu : si on arrive à dévoiler les solidarités masculines, à montrer que ces hommes s’organisent et agissent de concert, qu’ils défendent leurs privilèges de dominants… alors on peut passer à la question des réparations concrètes et matérielles.

Tout à fait. Typiquement on a fait des gorges chaudes sur le fait qu’ils soient pour certains licenciés, mais on ne sait pas qui les a remplacés. Si c’est pour reproduire la même chose, ce n’est pas très intéressant. Il y a des femmes d’ailleurs qui leur ont dit « rendez l’argent » !

Autre chose : il y a eu des enquêtes aux Inrockuptibles qui ont montré que ce phénomène de Ligue du LOL, de pseudo-esprit potache, allait de pair avec une politique managériale extrêmement violente, avec une intrusion permanente dans le travail, voir dans la vie privée des gens qui travaillaient là-bas. Ce qui donnait ça faisait une atmosphère qu’on pourrait qualifier de « terreur managériale ». Encore une fois, le passage de la violence symbolique à la violence au travail, qui peut être bien plus concrète, est rapidement franchi. Ça s’articule complètement. C’est une manière d’instaurer une violence au travail, vis-à-vis des subordonné·es.

Si on glisse sur le sujet, c’est transposable. On est parti des questions de genre notamment, mais si on bascule sur les questions de classe, on a le même phénomène de disqualification autour du mouvement des Gilets jaunes. Avec des affirmations dans les médias du type « C’est comme ça qu’il faut parler », « c’est comme ça qu’il faut agir », « vous ne pouvez pas bloquer des rond-points », « vous n’êtes pas légitimes » …

Oui, dans une émission sur Arrêt sur images2, on avait d’ailleurs lié les deux sujets. Ce qui me semble être le point commun, c’est que dans les deux cas il y a des personnes qui maîtrisent les lieux de paroles, les canaux de diffusion, et qui ne veulent absolument pas les laisser à d’autres.

La Ligue du LOL, c’est des journalistes, des hommes blancs, dominants, qui ne veulent pas laisser la parole à d’autres. Et les Gilets jaunes, c’est l’affolement d’une classe politique et d’une certaine partie de la classe médiatique, notamment les éditorialistes, qui sont habitués à avoir la parole, à l’exprimer, à parler d’une certaine manière et à avoir un certain discours et qui ne supportent pas que d’autres prennent la parole pour dire autre chose et d’une autre manière.

Il y a comme une double injonction contradictoire vis-à-vis des Gilets Jaunes. On a d’abord le cliché sur la manière dont le Gilet jaune doit parler : c’est forcément un « abruti », « beauf », qui ne sait pas parler, qui n’a aucun discours politique. Ce cliché met les Gilets jaunes dans une situation dont ils ne peuvent pas sortir, parce que soit ils parlent effectivement comme ça, ils se rapprochent de ce cliché caricatural, et du coup on disqualifie leurs discours politique (« ils parlent mal », « c’est la théorie du complot », etc. alors que la théorie du complot on l’a aussi au gouvernement, au passage), soit ils ne se rapprochent pas de ce cliché, s’ils ont un discours politique construit, on leur dit « vous n’êtes pas un vrai Gilet jaune ». C’est ce qu’avait dit Bruno Jeudy sur BFM-TV, « vous n’êtes pas un vrai Gilet jaune, vous êtes un militant ». Et pourquoi d’abord on ne pourrait pas être Gilet jaune et militant ? Qu’est-ce que c’est que cette différence-là ?

En fait Jeudy avait en face de lui un discours construit, politique, qui détruisait ses affirmations. Et c’est pareil quand Nicolas Mathieu avait parlé au nom des Gilets jaunes, en disant « moi ces gens-là, je les connais, ce sont les miens. Je connais leurs conditions de travail, vous ne les connaissez pas », on lui avait rétorqué « vous êtes un très bon comédien », encore une fois « vous jouez le rôle de », vous n’êtes pas un « vrai ».

Même chose avec Macron et Dettinger. Quand Dettinger fait sa vidéo, la réaction de Macron (« c’est pas les mots d’un boxeur gitan »), est hallucinante de mépris de classe et de racisme. J’aimerais bien qu’on m’explique comment un boxeur gitan doit parler d’ailleurs ! Parce que je ne sais pas à quoi ça correspond concrètement. Encore une fois, Dettinger avait un langage qui ne correspondait pas aux clichés dominants sur la manière dont les dominé-es parlent, et sa faculté de langage lui était niée : il était forcément conseillé, disait Macron, par des « avocats d’extrême gauche » ou par la Russie (et on retrouve là le fantasme complotiste). Encore une fois, pour les Gilets Jaunes, soit on disqualifie leur parole, soit on leur enlève leur parole.

Dans ces stratégies de disqualification, il y avait aussi les fautes de langage, et notamment les fautes d’orthographe. D’abord, ne nous mentons pas, tout le monde fait des fautes d’orthographe, même si ce n’est pas à la même fréquence. Si on fait faire certaines dictées, n’importe qui, sauf peut-être Bernard Pivot, tout le monde va faire des fautes. Quand on a une orthographe française avec par exemple trente pages d’exceptions sur l’accord du participe passé, ce n’est pas possible de ne pas faire de fautes. Ensuite, ce qu’on a pointé comme des fautes de la part des Gilets Jaunes, ce ne sont pas toujours des fautes ! Ce sont des manières de parler vues comme telles par un petit milieu, une caste parisienne qui est habituée à parler d’une certaine manière, avec un certain accent, et qui ne se rend pas compte que le français est riche, que le français est varié. Et ils ont l’habitude de faire de leur parler LA norme. Sans se rendre compte que tout le monde ne parle pas comme ça. Un des exemples de ce cas de figure c’est un monsieur Gilet jaune qui, dans une émission de télévision, avait dit « j’ai parti » au lieu de « je suis parti ». Et il y a eu des réactions extrêmement violentes sur twitter avec ce type de commentaires : « vu comme il parle, il devrait déjà être content d’avoir le SMIC » et des blagues à n’en plus finir, alors que la variation sur les auxiliaires être ou avoir sur certains verbes est extrêmement commune dans certaines régions, elle est extrêmement commune dans l’espace francophone, notamment au Québec. Ce qui est drôle, c’est que pendant longtemps, pour beaucoup de grammaires, ça a été considéré comme une richesse justement de faire cette variation, de ne pas juste dire « je suis parti ». Ça permettait de montrer une variation dans ce qu’on appelle l’aspect, c’est à dire dans la manière de saisir le processus exprimé par le verbe : est-ce qu’il est bref, est-ce qu’il est court. On le voit dans certaines chansons. Par exemple « J’ai descendu dans mon jardin », c’est bien « j’ai descendu », ce n’est pas « je suis descendu », ça veut dire que c’est une action brève. C’est bien du français, ça fait partie de la manière dont la langue française fonctionne. Simplement c’est ce qu’on appelle les variations. Et cette variation être/avoir est plus présente dans certaines régions que d’autres. Elle n’est pas très présente dans le petit milieu de l’Île-de-France et donc du coup ça y devient une « faute ». C’est contestable et ça montre à quel point c’est un prétexte pour disqualifier la parole. Parce qu’en réalité, quand ce Gilet Jaune dit « j’ai parti là-bas », on comprend très bien ce qu’il dit. Les erreurs orthographiques ou de conjugaison posent un problème quand elles ne permettent pas de comprendre le fond, quand elles créent des confusions. Mais là elles n’affectent pas le sens.

Autre exemple, il y avait une petite fille en Gilet jaune qui avait en manifestation une phrase au dos de son gilet : « je suis en CM2, l’année prochaine je serais en sixième république », avec donc un « s » à la fin de « serais ». Il y aurait donc une faute d’orthographe, puisqu’au futur c’est « serai ». Même si là encore on pourrait en discuter parce que le conditionnel est acceptable dans ce contexte, ça peut aussi être un futur hypothétique, sachant qu’on est dans l’imagination… je ne crois pas qu’elle pense qu’elle va être en sixième république l’an prochain. Mais au-delà de ça, il y a une petite fille qui a un message politique et il y a une élue parisienne qui n’a rien trouvé de mieux à faire que de twitter « Elle est en CM2 et ne sait pas conjuguer le verbe « être » au futur, il y a de grandes chances que l’année prochaine elle soit encore au CM2… ». Au-delà du débat « est-ce que c’est une faute, est-ce que ce n’est pas une faute », on voit comme l’orthographe devient un prétexte pour se moquer, et avec violence envers une enfant, esquiver de répondre sur le fond. Il s’agit là encore de disqualifier le droit à la parole.

Lorsqu’on parle de niveau de langue et d’expression, dès qu’il s’agit des Gilets jaunes on va leur tomber dessus. Alors qu’il y a des personnes « haut placées » qui ne parlent vraiment pas mieux ! Quand Macron dit « Il y en a qui déconnent », pourquoi on ne lui tombe pas dessus en lui disant qu’il n’a pas droit à la parole politique ? Quand Berléand passe à la télévision et ne fait qu’insulter les Gilets jaunes, en étant complètement contradictoire qui plus est, puisqu’il disait qu’au départ il les soutenait, puis qu’ils « le font chier depuis le début », ce monsieur dit des gros mots pendant cinq minutes pleines et dans les médias ça devient un « coup de gueule ». Alors que si c’était un Gilet jaune qui avait été injurieux pendant cinq minutes à la télévision, on l’aurait traité de « beauf imbécile », en disant que « vraiment on ne peut pas donner la parole à ces gens-là ».

Il y a vraiment un deux poids-deux mesures.

Cette disqualification de la légitimité à parler est en réalité au service d’une domination extrêmement violente. Il y a ce que Macron peut dire, et il y a ce que son pouvoir fait.

Oui. Quand on voit ce qu’il a osé dire à propos de Geneviève Legeay3 ! Dire d’une femme de plus de 70 ans qui a été victime de violences policières, qui est grièvement blessée parce qu’elle revendiquait le droit de manifester, « qu’il faut qu’elle retrouve la sagesse » … mais quel paternalisme, quelle arrogance !

Macron le dit clairement : pour lui, tout le monde n’a pas le même droit à la parole. Il l’a dit en invoquant le fait que les Gilets jaunes n’aient pas été élus. Mais il y a plein de gens qui n’ont pas été élus et qui ont largement le droit à la parole. Jean-Michel Apathie n’a jamais été élu par qui que ce soit à ce que je sache. Yves Calvi, qui dit qu’il faut mettre les gens dans des stades, non plus. C’est d’une violence ! Et là aussi il y a un deux poids-deux mesures entre la violence des dominé·es et celle des dominants.

Quand Gabriel Attal dit que Jean-Luc Mélenchon souhaite de toute façon qu’il se passe « quelque chose de grave » dans le mouvement des Gilets jaunes… parce qu’il ne s’est rien passé de grave ?

Une femme a été tuée, plusieurs personnes sont grièvement blessées, certaines ont des membres arrachés, d’autres sont éborgnées. Par exemple, Jérôme Rodrigues, blessé à l’œil, était sur un plateau de télévision. Et qu’est ce qu’on lui dit : « vous avez dit qu’il fallait marcher sur l’Elysée ! Vous rendez-vous compte comme c’est violent ! ». Ce sont des propos totalement indécents. On aussi eu des heures et des heures de glose sur la destruction de la devanture du Fouquet’s, alors qu’on relativise les blessures des Gilets jaunes.

La violence des dominé·es sera toujours dénoncée à haut cris, tandis que celle des dominants, dans les mots et dans les faits, est systématiquement relativisée.

Tout ce qu’on vient de se dire, sur la Ligue du LOL, sur les Gilets jaunes, nous incite, nous, partisan-es de l’émancipation, à réfléchir aux stratégies à mettre en œuvre pour déjouer ces mécanismes de domination. Tu viens d’écrire un livre avec Maria Candea, Le Français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, aux éditions La Découverte, comment peut-il nous être utile ?

Il y a plusieurs points, d’abord le rapport aux institutions et aux experts auto-proclamés. Par exemple, même si le livre n’est pas centré là-dessus, on nous a beaucoup sollicitées sur la féminisation et l’écriture inclusive, pour nous demander de nous positionner par rapport à l’Académie française. Et nous les linguistes, ça nous énerve qu’on nous parle tout le temps de l’Académie française, parce que ce sont des incompétents. Il n’y a aucun linguiste parmi eux. Ce sont des gens absentéistes, qui ne font rien et qui nous coûtent cher. Il y a Valéry Giscard d’Estaing, des théologiens, des biologistes… Ce sont des gens qui n’ont aucune compétence sur la langue mais qu’a priori on considère comme « experts ». Mais qu’on leur fasse confiance, c’est assez révélateur de notre rapport aux institutions et aux pseudo-experts. Moi aussi j’ai cru que ces gens avaient une légitimité. Alors que quand on réfléchit, on voit que c’est une institution monarchique, aux finances très opaques en plus. C’est une véritable arnaque. Il ne faut pas les accepter juste parce qu’ils sont là ! Et non, le français n’est pas eux, la norme n’est pas eux, le français est à nous justement ! Les questions de langue nous regardent. Pour être meilleur que l’Académie française en langue, il suffit d’avoir un peu de curiosité, ce n’est pas très compliqué. Et c’est la même chose dans pleins de domaines : comme pour les pseudo-experts économiques, comme pour les éditorialistes, qui se trompent en permanence dans leurs prédictions et qui ont pourtant pignon sur rue et représentent une pseudo « parole légitime ». Se rendre compte que ces personnes sont contestables, comme le sont bon nombre de nos institutions, c’est un pas sur le chemin d’une émancipation qui peut être générale.

D’autre part dans le livre, ce qu’on essaye de montrer, et ce à quoi je crois, c’est que la langue, on la manie tous les jours, c’est notre manière de saisir le monde, de dire le monde. De le changer aussi. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a que la langue. Tout ne passe pas par la langue bien sûr, mais ça passe aussi par la langue. Il faut s’interroger sur ce qu’on va mettre derrière les mots. Typiquement le mot « réussite » : est-ce que ça va être incarné pour nous par un jeune type en rolex ou est-ce que ça va être autre chose, un monde social plus égalitaire par exemple ? Les définitions qu’on met derrière les mots sont importantes. Pour forger nos imaginaires, pour forger nos horizons de lutte. C’est intéressant pour forger le monde qu’on voudrait construire comme pour comprendre le monde tel qu’il est. Un exemple type en politique c’est le choix qui est fait quand on parle de « cotisations sociales » ou de « charges sociales ». Est-ce qu’on présente ça comme un mouvement de solidarité collectif, nécessaire, positif, donc des « cotisations ». Ou est-ce qu’on présente ça comme un boulet dont il faut se débarrasser, ce qui est connoté par le mot « charge ».

Ce qui est intéressant, c’est que les grandes luttes ont toujours eu ce double aspect, matériel et symbolique, par le langage. Si on prend la révolution française de 1789 : le mot qui symbolise la révolution c’est quand même « sans-culotte ». Mais au départ c’est une appellation moqueuse, injurieuse, pour rire de celui qui n’est pas aristocrate, qui n’en a pas l’habit. Et typiquement il y a un moment de retournement du stigmate. Comme dit la chanson : « c’était sujet de honte, j’en ferai ma fierté ». On se revendique « sans-culotte » parce que c’est devenu l’image même de la révolution française. Les révolutionnaires ont beaucoup réfléchi sur les mots, alors qu’on aurait pu penser qu’ils avaient autre chose à faire ! Dans ce travail sur les mots, il y avait le fait de se renommer, de dire « citoyen », « citoyenne ». De ne plus dire « Monsieur » qui dérive de « Mon Sieur », « Monseigneur », mais d’avoir une appellation d’égalité. C’était très important d’un point de vue symbolique au moment du procès du roi de ne plus l’appeler le roi mais le « citoyen Louis Capet ». Plus généralement c’est une manière de se poser en tant que sujet dans le monde par le langage. Réfléchir à comment on se définit, c’est extrêmement important. Nous sommes dans un monde de plus en plus menacé par le langage managérial, il ne faut pas céder là-dessus. Très récemment, quand Castaner parlait des Chefs d’établissement des collèges et lycées comme de « patrons », ce n’est pas un hasard. Ça va avec la logique de libéralisation de l’Éducation nationale, avec la logique de vouloir instaurer un imaginaire de l’entreprise et du profit partout. C’est une manière de distiller cette idéologie-là et de chercher à l’imposer comme seule manière de voir le monde. Il faut absolument qu’on lutte contre ça, notamment en refusant ce choix des mots et en en revendiquant d’autres. Prendre la parole pour bousculer les dominations en somme.


1 Dans une interview au Figaro en 2014, Antoine Compagnon, professeur au Collège de France et écrivain, estimait entre autres que le déclassement du métier d’enseignant s’expliquait par sa « féminisation massive ».

2 Laélia Véron tient désormais une chronique, « Avec style », dans l’émission en ligne Arrêt sur images : arretsurimages.net/chroniques/avec-style

3 Geneviève Legeay, militante d’Attac, a été gravement blessée lors d’une charge policière à Nice le samedi 23 mars dernier.

Théo Roumier

Théo RoumierMilitant de SUD Éducation et co-animateur de l’Union interprofessionnelle Solidaires Loiret

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Actu Solidaires 78 Éducation

Le pari très risqué et irresponsable du gouvernement au mépris de nos vies …


Un programme de maths ou d’histoire ça se rattrape… mais un disparu ne peut pas se remplacer. Mais que valent des vies d’enfants et de salarié.es quand il s’agit de relancer la guerre économique, la course aux profits,la fuite en avant consumériste et le gavage des actionnaires. Salarié. es, syndicalistes de l’éducation,de la Santé, de l’industrie, du commerce, des services publics, des transports, etc. mais aussi parents et citoyen.nes ( habitant.es ici ou ailleurs), il est de notre devoir de dénoncer publiquement l’irresponsabilité de celles et ceux qui entendent ouvrir dès le 11 mai les établissements scolaires au mépris des préconisations – du Conseil scientifique – de l’INSERM – de la Fédération des Médecins de France – de l’Ordre des Médecins – du Conseil d’Etat mais aussi d’une très large partie des élu.es, responsables de communes, de conseils départementaux ou régionaux et surtout des professionnel.les directement concerné.es ainsi que des parents d’élèves. L’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, le Japon, la province du Québec et l’Etat de New York ont acté une fermeture jusqu’en septembre.  Les risques sanitaires pour les personnels, les enfants et leurs familles, les conditions d’accueil qui après 8 semaines de confinement ressembleront à un grand enfermement, l’hypocrisie de la lutte contre « les inégalités sociales », l’absurdité pédagogique… tout cela, nous dit la presse, pour sauver l’honneur et la face d’un ministre et d’un président ! Dans notre département, qui a enregistré ce 28 avril la seconde plus forte hausse du nombre de malades, aucun établissement ne doit ouvrir… Les écoles ne sont pas une garderie du Medef ! Nos vies valent plus que leurs profits !

Union syndicale Solidaires 78

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La reprise ne doit pas se faire au prix de la santé !

Lettre ouverte CGT, FO, FSU et SOLIDAIRES YVELINES

Le 6 mai 2020

A la Préfecture des Yvelines

A l’ARS

A l’inspection académique

A la Direccte

Au Conseil Départemental

Dans le département des Yvelines, qui n’est pas sorti de la crise sanitaire, la perspective d’une réouverture des écoles en lien avec la reprise économique à compter du 11 mai 2020 n’est ni souhaitable, ni responsable.

Nos organisations estiment que l’activité pédagogique dans les établissements scolaires doit reprendre, mais certainement pas au prix de la santé et de la sécurité des usagers et des personnels. Nous dénonçons l’obstination du gouvernement, qui, après avoir érigé le confinement comme seule solution possible, cherche désormais à imposer des conditions de reprise qui ne répondent pas à des préoccupations sanitaires ou sociales, mais bien aux pressions des organisations patronales ou à des impératifs soi-disant économiques.

Cette décision politique, contre l’avis du Conseil scientifique, suscite en effet de nombreuses réactions, notamment de la part des élus des collectivités à qui le Premier ministre demande d’assurer les conditions d’accueil dans les établissements scolaires. Respecter le protocole sanitaire implique d’avoir le matériel adéquat, mais aussi le personnel en nombre suffisant pour effectuer une mission essentielle pour la santé de tous. Cela ne s’improvise pas, et cette annonce de réouverture largement prématurée accentue les inégalités entre les territoires, fragilisant ainsi le cadre national de l’École de la République.

Une reprise progressive pour quelques semaines, à un rythme indéterminé mais au mieux sur une moitié du temps scolaire n’a guère de sens pour les professionnels de l’éducation. Elle en aura encore moins pour les parents qui vont devoir reprendre le travail en s’adaptant à l’emploi du temps de leurs enfants. Comment comprendre le retour à l’école selon le volontariat des parents lorsque les possibilités d’arrêt de travail pour chômage partiel pour les parents sont supprimées dans le privé ou au bon vouloir de l’employeur dans le public, et que le montant de l’indemnisation sera fortement diminué à compter du 1er juin ? Cette situation met à mal le prétendu volontariat, alors que de nombreux employeurs n’ont pas hésité à profiter de la possibilité d’imposer plusieurs jours de congés et/ou de RTT.

Même si le confinement pèse, c’est avec inquiétude que de nombreux salariés ont repris le travail sur site ou le feront dans les prochaines semaines. Beaucoup n’ont d’autre choix pour se déplacer que d’emprunter les transports en commun, où tous les usager.es des heures de pointe savent bien que celles-ci s’étalent déjà sur plusieurs heures matin et soir. Et on imagine bien la densité, même en admettant une réduction du nombre d’usager.es, puisque l’offre ne sera pas à 100% et que le gouvernement préconise de condamner un siège sur deux ! Le port du masque sera obligatoire dans les transports en commun, alors que rien n’est annoncé pour une mise à disposition gratuite de masques chirurgicaux et en quantité suffisante. De plus, il y a nécessité d’installer des distributeurs de SHA (Savon Hydro-Alcoolique) dans l’ensemble des transports en commun et de pratiquer un dépistage systématique avec mise en quarantaine. La gratuité des moyens de protection est essentielle dans toute politique de prévention digne de ce nom ! La santé de toutes et tous n’est pas un coût, mais une exigence sanitaire et démocratique.

Dans l’une des Académies les plus touchée par le Covid-19, le protocole sanitaire communiqué par le Ministère de l’Éducation nationale est tout à la fois insuffisant et impraticable en l’état. Insuffisant, car il ne reprend pas l’ensemble des préconisations de l’OMS, notamment la possibilité de tester massivement les élèves comme les professeurs, ainsi que le port du masque pour tous. Impraticable, car outre ces insuffisances, il prévoit de faire porter la responsabilité aux enseignants le respect d’une impossible distanciation sociale, notamment dans les classes des plus jeunes élèves. Nous demandons que la faisabilité de ce protocole sanitaire soit discutée par l’ensemble des acteurs de terrain (personnels de santé, enseignants et intervenants en milieu scolaire, personnel de nettoyage, fonctionnaires territoriaux, organisations syndicales, représentants des parents d’élèves et des élèves…) avant d’être validé par les CHS d’établissement, et/ou les conseils d’administration, les conseils d’école. La visite préalable à la reprise doit être réalisée en présence des membres du conseil d’école et des salarié.es qui interviennent qu’ils soient fonctionnaires, associatifs ou employé.es par des entreprises sous-traitantes.

Cela est pour nous un préalable à toutes réouvertures d’écoles ou d’entreprises, afin de permettre l’éradication de ce virus.

Nous constatons que le confinement a renforcé les inégalités déjà existantes entre les élèves et l’on voit mal où est la lutte contre les inégalités et la précarité. Nous savons qu’un retour à la normale ne pourra pas se faire avant qu’un traitement et/ou un vaccin ait été trouvé. Mais nous demandons avant tout que l’État prenne ses responsabilités. Il convient donc de donner plus de moyens humains et matériels, de revaloriser tous les métiers liés à l’éducation, rapidement et durablement : cela commence par l’annulation de toutes les suppressions de postes et de classe prévues à la rentrée 2020. Les mêmes exigences concernent le milieu hospitalier, du social et du médico-social, sans oublier les salariés du particulier employeur, durement éprouvé ces dernières semaines par la lutte contre l’épidémie : création de tous les postes et de tous les lits nécessaires. Alors que les Yvelines sont un département durement touché, particulièrement dans les EHPAD. Nous devons tout faire pour éviter une seconde vague, comme le redoute l’Institut Pasteur.

Les interventions du premier ministre n’ont en rien répondu à nos interrogations et aux revendications des personnels. C’est pourquoi nos organisations demandent des réponses et des garanties avant que soit envisagée la généralisation de la réouverture des lieux de travail et le retour des personnels et du public dans les établissements scolaires.

Nous citons en annexe quelques-unes des nombreuses questions qui restent en suspens.

Tant que ces garanties sanitaires ne sont pas remplies, les risques encourus par les élèves, le personnel et la population doivent conduire à différer l’ouverture des écoles et des lieux de travail prévue à partir du 11 mai et à maintenir et améliorer les dispositions garantissant un maintien de ressources (notamment au niveau du chômage partiel et de l’indemnisation chômage).

Annexe : questions en suspens liées à la réouverture des établissements scolaires :

– Comment organiser les salles de classe et des sens de circulation dans des structures parfois trop petites ?

– Comment gérer les moments de récréations, les passages aux toilettes notamment pour les élèves les plus jeunes ?

– Quelles garanties d’approvisionnement en savon, en essuie-mains jetables, en gel hydroalcoolique, en masques ?

– Comment respecter les distanciations physiques pour les AESH et les ATSEM, dans les bus scolaires, à la cantine (nous espérons, puisqu’il est question de lutte contre les inégalités, que la restauration scolaire fonctionnera) ?

– Quelles procédures de désinfection et de nettoyage des locaux alors qu’il faudrait en même temps étaler les arrivées et départs, non seulement pour l’école mais le cas échéant pour les activités périscolaires ? Quelles protections pour les agents chargés de ces tâches, qui sont parfois salariés de sociétés de nettoyage privées, lesquelles fournissent peut d’équipements de protection et d’information à leur personnel ?

– Dans le cadre des activités périscolaires et des cantines pour les écoles primaires, c’est encore un flou, charge aux collectivités locales de gérer, ce qui renforce d’autant plus les inégalités territoriales en fonction de la richesse ou non des communes. Cela créera aussi des problèmes pour les parents-salariés, et notamment ceux résidant dans une commune avec des écoles qui n’ont pas la capacité d’accueillir le périscolaire … D’autant plus qu’avec 15 enfants par classe, ceux-ci auront probablement cours un à deux jours par semaine seulement.

– Quelle procédure est envisagée si un élève, un agent est infecté ?

– Quid du dépistage ?

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