Mardi 23 septembre a débuté un cycle de travail sur l’autogestion dans le cadre de l’accueil syndical de Solidaires 78 à Limay.
Cette première séance avait pour but de déterminer des questionnements communs et des axes de réflexion pour l’année à venir.
Un débat… à l’écrit !
Pour cela, les participantEs se sont appuyéEs sur une pratique d’éducation populaire de débat : les nappes tournantes.
Chaque personne a eu une feuille sur laquelle écrire. Dans un 1er temps, nous avons chacunE noté ce que le mot « autogestion » évoquait, ce que nous savions dessus, les questions que cela nous posait, les critiques et limites que nous voulions formuler, etc.
Il était possible d’écrire des phrases, des mots, de dessiner. Pas de normes imposées.
Au bout de 3-4 minutes, nous avons tourné : chacunE a récupéré la feuille de la voisine ou du voisin pour la lire, y réagir, commenter ou ajouter des éléments.
Nous avons tourné ainsi plusieurs fois afin d’avoir la réaction de tout le groupe sur chacune des nappes tournantes. C’est à partir de ces écrits à plusieurs mains que nous avons pu faire émerger des questionnements et des envies collectives autour de l’autogestion.
Ici, pas de prise de parole interminables de quelques-uns, pas de participation dominante avec toujours les mêmes qui s’imposent par leurs expériences, leurs habitudes militantes, leur « aura ». Chacune et chacun a pu prendre le temps de mûrir sa réflexion, de se confronter à celles des autres, d’y prêter attention, de voir comment ça fait bouger – ou non – ses propres représentations.
C’est une pratique qui permet de se décentrer un peu de soi, de se rendre compte des questionnements et des besoins qui émergent du collectif sur un thème donné.
Nous avons également pu évoquer comment chacunE a rencontré la problématique de l’autogestion, dans le cadre du travail ou du militantisme, par exemple.
Quels questionnements communs ?Quelles orientations pour un travail syndical sur l’autogestion ?
– est-ce que ça marche ? Quelles expériences d’autogestion ? Plusieurs films ont été évoqués, avec l’idée d’organiser des projections.
– quels sont outils de l’autogestion ?
– c’est quoi un mandat ? quels sont les types de mandats ? Faut-il les contrôler ? Si oui, comment les contrôler ?
– autogestion, anti-hiérarchie : comment tenir sur le long terme face au conditionnement social et politique à vouloir se donner ou être des chef-fes ?
– l’autogestion, c’est pas facile ! Quelles sont les difficultés ? Comment y faire face ?
– travailler sur l’histoire de l’autogestion : d’où ça vient, comment ça s’est traduit dans les mouvements de lutte, dans les entreprises, dans la vie de tous les jours ?
– peut-on tout autogérer ?
– la part individuelle et la part collective dans l’autogestion ; quelle part de responsabilité des individus et du collectif ?
– comment aborder la question du partage des tâches dans l’autogestion ?
– comment mettre en avant la joie et l’enthousiasme qui peuvent naître de l’autogestion ?
Prochaine séance le 4 novembre : on s’y retrouve ?
Pour gagner la bataille contre le budget, il est important de pouvoir pousser à l’auto-organisation et au développement du mouvement. Cela passe par la multiplication d’assemblée générales.
L’objectif d’une “AG” est de réunir le plus possible de personnes sur son lieu de travail pour discuter de la situation qui a menée à se mettre en grève et pour décider collectivement des suites de la mobilisation (quelles sont nos revendications ? faut-il reconduire la grève ? faut-il faire des blocages ? faut-il reprendre le travail).
Les “AG” sont un moment important dans un mouvement… si elles sont démocratiques.
L’Union syndicale Solidaires pense que ce sont aux personnes qui luttent, qui sont en grève, de décider de la façon de mener leur mobilisation. Les AG sont, de ce fait, un moment important pour que chacune et chacun puisse donner son avis, décider de ce qu’il faut faire, mais aussi pour s’organiser sur des tâches précises (faire des tournées d’informations, préparer des actions de visibilisation de la lutte, organiser des caisses de solidarité, si besoin désigner des porte-paroles, organiser des débrayages, faire circuler l’information vers les autres grévistes, sur les réseaux sociaux…).
Mais une AG ne s’improvise pas totalement :
En fonction des professions, il faut réfléchir son périmètre (le site de travail ? la ville ? le département ?) et diffuser un rendez-vous clair à l’avance.
Il faut proposer des modalités de prises de paroles (temps de parole minuté, personnes qui n’ont pas parlé qui sont prioritaires) qui facilite la participation du plus grand nombre.
Les syndicats ont bien sûr toute légitimité à y participer, mais en toute transparence. Et surtout en évitant de faire chacun l’AG de ses adhérent.es dans son coin. Les AG unitaires renforcent la mobilisation et les chances de gagner.
Pour organiser une mobilisation, il peut y avoir des AG à différentes échelles (le site de travail, puis l’ensemble d’un territoire donné). Il peut aussi y avoir des “AG interprofessionnelles” qui regroupent des délégué.es ou l’ensemble des personnes sur un territoire donné (principalement par ville) pour faciliter la coordination et l’action à cette échelle. Attention toutefois à ne pas faire des AG qui remplacent, se substituent, à la mobilisation sur les secteurs.
Une assemblée est souveraine, c’est-à-dire qu’au moment où elle se réunit, elle peut décider sur tous les sujets qu’elle juge nécessaire.
Une assemblée ne doit pas durer trop longtemps pour ne pas épuiser les participant.es et pour éviter qu’il ne reste que peu de personnes au moment de la prise de décision.
Combattrele racismesur nos lieux de travail une responsabilitécollective
Des discriminations massives
Dans les entreprises, dans les administrations, danslesservicespublicsetmêmedanslesassociations, lesdiscriminationsracistesnesontpasdesexceptions.
Celles et ceux qui ont une apparence, une origine, une religion ou un nom associés à des groupes stigmatisés sont moins embauché·es, moins payé·es, moins promu·es, plus contrôlé·es, plus sanctionné·es. Sur leur lieu de travail, le quotidien des personnes qui subissent le racisme est souvent oppressif, fait de brimades, d’humiliations et d’insultes. C’est même parfois insupportable.
Une responsabilité collective
Face aux inégalités et à l’oppression raciste, nous avons toutes et tous le devoir d’agir !
En premier lieu, les employeurs ont des obligations qu’il faut souvent leur rappeler… et leur imposer de respecter. Il y a donc une responsabilité collective des personnels. Leurs représentant·es et les organisations syndicales doivent être des soutiens pour cette action. Face à l’injustice, il y a toujours quelque chose à faire, une action collective à entreprendre. Plus encore, au jour le jour, chacun, chacune d’entre nous a un rôle à jouer dans la lutte contre le racisme au travail et partout ailleurs.
Le racisme opprime ceux qui le subissent et divise les salarié·es, agissons ensemble pour l’égalité !
La loi interdit et sanctionne certaines expressions du racisme
attitudes (propos, injures, menaces…) fondées sur des opinions, des croyances, articulées à des stéréotypes et des préjugés.
comportements discriminatoires qui s’expriment à travers des pratiques sociales allant de l’évitement à la persécution, sous des formes organisées ou non (traitement défavorable de personnes, se trouvant dans une situation comparable, dans le domaine de l’emploi, de l’éducation, d’accès à la location…).
violences physiques.
fonctionnements qui institutionnalisent l’exclusion, la ségrégation, la discrimination.
discours idéologiques, théoriques, voire doctrinaires, constitués de récits visant à justifier la domination de certains groupes humains par d’autres.
Au travail, des délits racistes définis par le code pénal peuvent être lourdement sanctionnés
Pour faire respecter le droit sur nos lieux de travail il existe des outils et des recours juridiques: les représentant·es du personnel, l’inspection du travail, le Défenseur des droits, des associations spécialisées, des instances, des tribunaux, des avocat·es…
Mais notre meilleure arme est la solidarité et l’action collective, contre le racisme comme pour défendre l’ensemble des droits des travailleurs et travailleuses. Dans tous les cas, les syndicats membres de Solidaires sont là pour vous accompagner et vous défendre.
Ne restez pas seul·es ! N’acceptons pas l’injustice !
Refusons la banalisation du racisme
Le combat contre le racisme au travail ne peut pas se limiter à faire respecter la loi.
Parce que beaucoup de comportements racistes ne peuvent pas donner lieu à des poursuites légales. Parce que la loi est mal appliquée. Et parce que toute une partie des décisions politiques s’inscrivent dans une vision raciste du monde.
Il faut donc mener à la fois un combat quotidien contre les manifestations du racisme et une lutte collective contre les politiques et l’organisation de la société qui reposent sur le racisme, et qui en amplifient les effets.
Les discours racistes envahissent l’espace médiatique et politique. Les politiques racistes ont le vent en poupe et accompagnent la progression du fascisme. Il faut d’urgence un sursaut général pour refuser la banalisation du racisme.
Combattre l’extrême droite
L’extrême droite est l’ennemie des travailleurs et travailleuses, le racisme est un de ses principaux piliers.
Solidaires est une organisation syndicale indépendante des partis politiques. A Solidaires, défendre nos valeurs et les intérêts des travailleurs/ses nous impose de combattre l’extrême droite. Derrière les discours de l’extrême droite sur l’identité ou la sécurité se cache une obsession raciste : faire des personnes immigrées, musulmanes, noires, arabes, maghrébines, juives ou roms les boucs émissaires des problèmes de la société. La préférence nationale, élément programmatique central, hier du FN et aujourd’hui du RN, ne sert qu’à diviser les travailleurs et travailleuses et affaiblir nos luttes sociales. Le programme de l’extrême droite, avec des milliardaires qui sont derrière, c’est l’inégalité des droits, la casse des conquis sociaux des salarié-e-s, la fermeture des frontières, la répression des quartiers populaires, l’attaque contre les solidarités, les libertés publiques et les droits syndicaux.
et toutes les idées racistes
Mais les idées racistes ne sont pas portées uniquement par l’extrême droite.
Elles traversent toute la société et servent directement les intérêts des capitalistes. Une partie croissante du champ politique, médiatique et patronal reprend les thématiques de l’extrême droite, voire ses propositions. Les discours sur «-l’assistanat-», la remise en cause du droit du sol, la criminalisation des solidarités, la suspicion généralisée envers les musulman·es ou les sans-papiers sont devenus monnaie courante, jusqu’au sommet de l’État. Répandre ces idées dans le débat public et dans les politiques gouvernementales contribue à légitimer l’extrême droite et à préparer le terrain à sa prise de pouvoir.
Un combat quotidien
Refuser le racisme, c’est aussi le combattre dans ses formes les plus banalisées, au quotidien : remarques déplacées, soupçons systématiques, moqueries, surveillance excessive, humiliations… Ces micro-agressions, souvent minimisées, souvent présentées comme des plaisanteries, ne sont pas anodines.
Elles marquent les corps, brisent les parcours, rongent l’estime de soi et sont des rappels permanents du statut d’infériorité de certain·es et une façon de les délégitimer.
En les laissant passer, on participe à leur normalisation, on rend le racisme tolérable, on ouvre la voie à des violences plus massives — médiatiques, policières, institutionnelles, physiques.
Refuser, dénoncer, visibiliser ces agressions, c’est refuser la banalisation du racisme, et défendre concrètement l’égalité et la dignité pour toutes et tous.
Victime ou témoin d’un comportement raciste? Victime : Conservez les preuves, écrivez et datez les faits ; cherchez des alliés, sur votre lieu de travail ou en dehors ; contactez Solidaires, le syndicat vous accompagnera selon vos attentes. et respectera strictement à chaque étape vos choix. il est important de «rassurer» les victimes et faire savoir que ce sont elles qui maîtrisent leurs réactions. Témoin : Ne laissez pas la victime isolée, même si elle-même ne réagit pas. Faiteslui savoir que ce qui s’est passé n’est pas normal, que vous êtes disposé à l’écouter et à l’accompagner. Respectez toujours ses choix de réactions.
Le complotisme, cheval de Troie de l’extrême droite et du racisme
Face au rouleau compresseur du capitalisme et aux désordres du monde, on peut être tenté·e par une vision des choses qui attribue à des groupes stigmatisés la responsabilité de ce qui va mal. Les théories complotistes sont souvent lancées par l’extrême droite. Les groupes qu’elles accusent de tirer les ficelles sont toujours, quand on creuse un peu, des catégories ciblées par le racisme.
L’antisémitisme et l’islamophobie ont en commun d’être deux formes complotistes de racisme. Dans beaucoup de médias et au plus haut sommet de l’État, l’islam fait l’objet d’une lecture conspirationniste qui entraîne des violences et un harcèlement administratif. Les musulman·es sont présenté·es comme un corps étranger, une menace manipulant des institutions, imposant une « islamisation » fantasmée. Comme si tou·tes les musulman·es avaient un projet commun, même à leur insu ― alors qu’il y a une grande diversité de pratiques, de positionnements politiques, de modes de vie. L’antisémitisme porte l’idée que les Juifs et Juives formeraient un groupe tout-puissant, agissant dans l’ombre pour contrôler le monde, la finance et les médias. C’est évidemment faux. Les personnes juives ne forment pas un groupe qui aurait plus de pouvoir que le reste de la population.
Cette approche dangereuse mène à une impasse. Le complotisme nie les réalités sociales et masque les vrais rapports de pouvoir. Ce qui dirige le monde, c’est le système capitaliste et la bourgeoisie qui en tire profit.
Pour construire l’unité, lutter contre les inégalités
Cela saute aux yeux : il y a une division raciste du travail.
Les salarié·es appartenant à des groupes stigmatisés sont sur-représenté·es dans les emplois les plus précaires, mal payés, pénibles ou surexposés (nettoyage, sécurité, livraison, sous-traitance, soins des personnes dépendantes…). Les discriminations à l’embauche, dans l’accès au logement, à la formation ou aux soins renforcent ces inégalités. Construire l’unité des travailleurs et des travailleuses est indispensable si on veut changer les rapports de force. Mais cette unité se fera à condition de reconnaître les inégalités existantes et en les combattant. Dans nos revendications comme dans nos pratiques, il faut tenir compte des différentes oppressions.
Par exemple, revendiquer des hausses de salaire en pourcentage peut laisser intactes, voire renforcer, les inégalités liées au racisme et au sexisme. C’est pourquoi il faut exiger la suppression des écarts de salaire en même temps que des augmentations générales.
Face au racisme et aux inégalités, l’Union syndicale Solidaires se bat :
Pour l’égalité réelle des droits, quelle que soit l’origine, la nationalité ou la religion
Contre les discriminations au travail, à l’école, à l’embauche, au logement, dans les services publics et partout dans la société
Pour la régularisation de toutes les personnes privées de droits administratifs, l’accueil digne des exilé·es, la liberté de circulation et d’installation
Contre les lois et pratiques racistes du patronat et de l’État comme le harcèlement policier et les contrôles au faciès
Pour la justice pour toutes les victimes de violences policières
Au travail et partout ailleurs, détruisons le système raciste !
Le gouvernement persiste dans sa politique autoritaire, répressive, raciste et xénophobe avec sa loi immigration et sa circulaire Retailleau. Alors que les actes et violences racistes se multiplient sur le territoire et au travail, il reprend encore aujourd’hui les idées et les discours de l’extrême droite !
L’Union syndicale Solidaires continuera à lutter avec celles et ceux qui subissent les oppressions racistes au travail, dans nos quartiers et dans la société. Nous continuerons à nous battre pour la justice, pour l’égalité des droits, contre le racisme, pour la régularisation des travailleurs-ses sans papiers, la liberté de circulation et une société juste et libre d’oppressions !
1 million de personnes sont victimes de racisme chaque année (enquêtes de victimation INSEE-ONDRP),
96% d’entre elles ne portent pas plainte (enquêtes de victimation INSEE-ONDRP),
55% des affaires à caractère raciste étaient classées sans suite en 2022 (Ministère de la Justice, 2022),
En 2023, la France compte 68 millions d’habitant·es. 5,6 millions de résidents de nationalité étrangère vivent en France. La loi immigration du 19 décembre 2023 s’attaque ainsi à 8,2 % de la population (INSEE, 2024),
91% de personnes noires, en France métropolitaine, affirment être victimes de discrimination raciale dans leur vie de tous les jours, d’après le dernier baromètre du Cran (Conseil représentatif des associations noires).
Quelles sont ces violences ?
La société française est profondément structurée par le racisme, un système de domination et d’exploitation qui hiérarchise les vies et les droits en fonction de leur origine, leur provenance, leur religion réelle ou supposée, leur couleur de peau . Ce racisme (racisme antiarabe, islamophobie, négrophobie, antitziganisme, antisémitisme…) est largement hérité du colonialisme. Il a déjà des effets concrets : oppressions, discriminations, violences.
La loi interdit et sanctionne le racisme lorsqu’il s’exprime sous forme :
d’attitudes (propos, injures, menaces…) fondées sur des opinions, des croyances, articulées à des stéréotypes et des préjugés ;
de comportements discriminatoires qui s’expriment à travers des pratiques sociales allant de l’évitement à la persécution, sous des formes organisées ou non (traitement défavorable de personnes, se trouvant dans une situation comparable, dans le domaine de l’emploi, de l’éducation, d’accès à la location…) ;
de violences physiques ;
de mode de fonctionnement qui institutionnalisent l’exclusion, la ségrégation, la discrimination ;
de discours idéologiques, théoriques, voire doctrinaires, constitués de récits visant à justifier la domination de certains groupes humains par d’autres, et se référant souvent à la science à cette fin.
Campagne Intersyndicale – Racisme, antisémitisme, xénophobie au travail : c’est non !
Publié le 21 mars 2025
Les derniers chiffres du défenseur des droits nous indiquent qu’année après année, les statistiques sur les discriminations en raison de l’origine réelle ou supposée restent très élevées. Dans son baromètre il indique que plus de la moitié des saisines reçues par l’institution en matière de discriminations liées à l’origine se sont déroulées dans la sphère professionnelle. Les analyses de l’INSEE montrent que la discrimination raciale à l’embauche est massive en particulier contre les candidats issus de l’immigration. Face à l’ampleur du phénomène, l’ensemble des organisations syndicales, dans une déclaration commune le 11 juillet 2024, ont décidé de mener une campagne contre les discriminations, contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie au travail.
Cette campagne a été lancé officiellement le 21 mars 2025 avec une table ronde intersyndicale suivi d’une conférence de presse.
Pour l’émission Cash Investigation du 10 avril 2025 intitulée “L’Intelligence artificielle a-t-elle déjà pris le contrôle sur notre quotidien ?“, les journalistes de France 2 se sont intéressés à l’utilisation de l’intelligence artificielle à la DGFiP. Ils se sont appuyés sur le travail de Solidaires Finances Publiques, que vous retrouvez ci-dessous. Face aux caméras, l’administration a plus de mal à esquiver les questions, ce qu’elle fait pourtant régulièrement dans les instances de dialogue social…
L’entreprise bien sûr, quelle qu’en soit la forme. C’est là que se situe la confrontation de classe, guidée par le lien de subordination censé lié l’employé⸳e à l’employeur, le travailleur et la travailleuse aux patrons. C’est le lieu de l’action directe du syndicat.
A travers ce numéro, nous avons voulu évoquer d’autres endroits. Car notre syndicalisme interprofessionnel, internationaliste, intergénérationnel, féministe, antiraciste, solidaire, de transformation sociale, se doit d’embrasser bien d’autres espaces.
A partir de l’exemple de quatre départements, Murielle Guilbert évoque la bataille pour gagner des locaux interprofessionnels et leur utilité pour l’activité syndicale.
Les Bourses du travail sont (devraient être ?) des outils indispensables à bien des égards. L’équipe de l’Union locale Solidaires Aubervilliers raconte la lutte pour obtenir un local ; une histoire que prolonge des militantes et militants de Solidaires Seine-Saint-Denis à travers les liens entre les Bourses du travail de ce département, ainsi que celle de Paris, avec le mouvement ouvrier.
Pour compléter ce chapitre sur les locaux syndicaux, Didier Fontaine et Gourguechon reviennent sur l’histoire du siège de l’Union syndicale Solidaires, tandis que Maryse Dumas narre la naissance de la Bourse nationale du travail CGT, à Montreuil.
Si l’entreprise est le lieu du syndicalisme par excellence, des pans entiers de notre classe sociale n’y a pourtant pas ou plus accès : chômeurs et chômeuses, personnes en retraite, en télétravail, etc. Gérard Gourguechon nous en parle, à partir de la situation des retraité⸳es qui, comme les autres catégories citées, ne renoncent pas pour autant à la défense de leurs intérêts et à la construction d’un outil permettant une rupture sociale avec le système capitaliste.
La question des Unions locales est primordiales. Nous avons déjà traité dans Les utopiques des UL Solidaires et des UL CGT[1] ; cette fois, Renaud Bécot revient sur la CFDT et ses Unions interprofessionnelles de base.
La radio comme lieu de syndicalisme ? En tous cas, les radios-libres de la fin des années 1970, dont Lorraine Cœur d’Acier ! Nous reprenons une interview de Michel Olmi, alors secrétaire de l’Union locale CGT de Longwy, publiée dans un coffret CD/DVD consacrée à cette expérience extrêmement enrichissante.
Les lieux de notre syndicalisme n’ont pas de frontière. Nara Cladera et Béto Pianelli nous parlent du syndicalisme argentin, de son rôle social important, y compris pour les loisirs ; Céline Moreau s’entretient avec David Lannoy à propos de la place du syndicalisme belge dans la lutte pour l’emploi et la défense des chômeurs et chômeuses ; enfin, Alexandra Taran et Gabriela Wilczynska, militantes du syndicat polonais Inicjatywa Pracownicza illustrent la place des femmes dans le syndicalisme, à partir de luttes menées par les étudiantes et étudiants de ce syndicat.
Pour clore ce dossier, Gabriel Bonnard nous fait découvrir La maison du peuple, un roman de Louis Guilloux, tandis que Mylène Colombani interroge : « Le syndicalisme peut-il être un lieu de l’art ? »
Hors dossier, deux articles mettent une nouvelle fois en lumière les Lip et Charles Piaget : Théo Roumier met en perspective une interview de l’animateur de la lutte autogestionnaire bisontine, parue en 1978, dans La Gueule ouverte ; il y évoque « le nœud coulant du chômage ». Georges Ubbiali présente un manuscrit original, à travers lequel Charles Piaget, alors investi dans le mouvement Agir ensemble contre le chômage ! (AC !), donne son avis sur la CFDT à l’orée du 21ème siècle.
Michel Blin, arrêté lors du coup d’état de Pinochet au Chili, en 1973, explique sa victoire judiciaire … 51 ans après. Enfin, Odile Merckling met en débat : « Revenu de base ou revenu garanti ? »
Ce numéro marque les dix ans des Utopiques. Christian Mahieux y revient en introduction, dans la suite de la soirée organisée à cette occasion, et un peu en avance, le 5 février. A cette occasion, nous publions la liste des contributeurs et contributrices qui ont fait ces 28 numéros des Utopiques.
[1] Guy Lesniewski et Fabrice Obaton, De l’histoire de la construction des Unions interprofessionnelles locales dans le Pas-de-Calais, Les utopiques n°4, février 2017 ; Simon Duteil, Développement et place des UL : l’exemple de Saint-Denis, Les utopiques n°4, février 2017 ; Michel Tommasini, Les Unions locales à la CGT, Les utopiques n°24, hiver 2023.
Dans le cadre de ses accueils syndicaux, l’Union syndicale Solidaires 78 propose un arpentage* antifasciste le mardi 25 mars à partir de 17 heures.
D’ici cette date, nos lettres hebdos seront l’occasion de proposer des supports de réflexion pour alimenter cette rencontre
Dossier VISA – L’extrême droite et l’imposture rurale
Les votes en faveur de l’extrême droite dans les campagnes et les zones périurbaines ne cessent d’augmenter depuis plusieurs scrutins. VISA (Vigilance initiatives syndicales antifascistes) livre un état des lieux de cette évolution et propose une piste pour tenter d’enrayer ce cercle vicieux.
Les discours du FN / RN sur la ruralité et l’agriculture sont complètement creux, ils ne portent que sur la dénonciation de quelques vrais et surtout de faux problèmes, sans apporter la moindre solution. Pourtant, en surfant sur les inquiétudes réelles, et en créant des peurs irréelles, l’extrême droite continue de séduire.
Parallèlement, la crise agricole met en avant la coordination rurale, un syndicat historiquement dirigé par des militants d’extrême droite. Le patron du syndicat dans le Lot-et-Garonne, Serge Bousquet-Cassagne, se vante d’être passé 18 fois en procès en 30 ans.
Au lendemain de l’accueil chahuté du président Macron à l’ouverture du salon de l’agriculture en 2024, notamment par des « bonnets jaunes » de la Coordination Rurale, Jordan Bardella tête de liste du RN arpentait les allées du salon.
Dans un reportage France Info du dimanche 25/02/24 Jean-Philippe Yon, président de la Coordination rurale de la Manche indiquait : « Moi, en tant qu’agriculteur, je suis très content de le voir là ». Son accueil dans les travées était particulièrement euphorique avec des « Bardella, Président » scandés et de nombreux selfies… Sur le plateau de la chaîne d’info publique, la vice-présidente du syndicat, Sophie Lenaerts, se défendait de « faire de la politique ». Mais en évoquant le président du RN, elle lâchait un « Jordan » amical avant de se reprendre en le nommant M. Bardella…
Rappelons que courant 2023, lors d’un déplacement à Marmande, la Secrétaire nationale des Verts, Marine Tondelier, avait été, elle, bloquée et largement insultée par des membres de la Coordination rurale. Elle avait porté plainte pour entraves concertées à la liberté de réunion et à la liberté de parole et avait qualifié la Coordination rurale de « syndicat d’extrême droite ».
Heureusement, la Confédération Paysanne et le MODEF font entendre d’autres voix en proposant un modèle agricole intégré dans les territoires, à la fois soucieux de l’environnement et de la qualité des produits. De plus, ils s’opposent fermement aux idées et aux impostures de l’extrême droite dans le monde rural.
Enfin, ce nouveau dossier de VISA reproduit la tribune unitaire publiée dans Libération le 1er février 2024, pendant le mouvement des agriculteurs, et signée par Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, Laurence Marandola, porte- parole de la Confédération Paysanne, Murielle Guilbert et Simon Duteil, co- porte-paroles de Solidaires, Benoît Teste, secrétaire général de la FSU et Pierre Thomas, président du Modef.
Pour une présentation de la lecture en arpentage, un audio d’introduction
Technique de lecture collective créée à la fin des années 1990, le but de l’arpentage est d’offrir une entrée ludique à des ouvrages théoriques parfois complexes. Avec
Maxime Boitieux, Coordinateur de l’association Peuple et culture
Théorisé à la fin des années 1990, l’arpentage est un outil d’éducation populaire promu notamment par l’association Peuple et Culture. Son principe est simple : proposer à plusieurs personnes de lire individuellement un passage d’un livre et de le restituer ensuite aux autres membres du groupe. S’ensuit un temps de discussion où le propos de l’ouvrage est décortiqué, sa théorie déroulée, et où chacun participe à la construction collective d’une réflexion et d’une analyse. Un mode de lecture qui plaît de plus en plus, particulièrement dans les milieux militants, mais pas uniquement : sa pratique s’étend aussi dans les librairies, dans les écoles, les bibliothèques… Car cette technique est idéale pour créer une réflexion commune à partir d’ouvrages parfois complexes, comme l’explique Maxime Boitieux :
“L’objectif derrière l’arpentage, c’est vraiment de pouvoir avoir un espace pour reformuler des hypothèses, reformuler des idées. Mais on n’est pas là pour faire une analyse de texte et de l’auteur, mais plutôt de partir du texte et ensuite d’arriver sur l’expérience de chacun, de rentrer dans un espace de discussion et de complexité. (…) C’est quelque chose qui se fait depuis le Moyen Âge parce que tout le monde à l’époque ne savait pas lire et que les livres étaient chers. L’arpentage vient donc de cette culture de la lecture collective.”
Une soirée jeu – Moi, c’est madame ! – organisée par l’Union syndicale Solidaires 78 le vendredi 21 mars à partir de 19 h à la librairie La Nouvelle Réserve à Limay, suivie d’un apéro partagé (chacun·e apporte de quoi manger et boire)
Le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, faisons la grève féministe ! Faisons la grève au travail :beaucoup de métiers du soin, du lien, du commerce, du nettoyage, de la culture sont majoritairement féminisés et travaillent le samedi ! Faisons la grève dans nos foyers (des tâches ménagères, des courses, de la consommation…): parce que sans les femmes et leur travail “reproductif” (qui permet aux siens de reprendre des forces, de s’éduquer, de gagner leur vie dans un travail dit productif) tout s’arrête! Interrompons toute activité productive et reproductive, formelle et informelle, rétribuée et gratuite. Participons activement partout aux actions et manifestations. Réapproprions-nous tous les espaces publics !
Dix raisons (et pas limitatives…) de faire la grève féministe le 8 mars :
Les inégalités salariales persistent et les inégalités au travail restent légions : temps partiels, congés parentaux essentiellement pris par les femmes, carrières moindres, métiers féminisés dévalorisés avec les salaires les plus bas…et ce n’est pas l’Index égalité qui peut changer les choses !
Les inégalités à la retraite s’aggravent au fil des réformes régressives… la retraite à 64 ans pénalise particulièrement les femmes.Le gouvernement veut maintenant “négocier” sur les droits familiaux et conjugaux, rappelons qu’il a déjà envisagé de mettre fin aux mesures compensatoires et aux pensions de réversion en 2023 !
Les discours de l’extrême droite, réactionnaires et des conservateurs gagnent du terrain : discours de haine qui pointent les étrangers comme boucs émissaires des violences faites aux femmes, retour des femmes au foyer, multiplications des attaques LGBTQI+phobes. Partout dans le monde quand l’extrême droite accède au pouvoir les femmes, les minorités de genre, les migrant·es en sont les premières cibles, à l’image de Trump aux Etats-Unis, ou de Méloni en Italie… .
Pour l’éducation, pour les enfants, l’Éducation à la Vie Affective Relationnelle et Sexuelle pour toutes et tous maintenant ! Des groupes réactionnaires stigmatisent toutes les tentatives d’éducation non sexiste et/ou à la sexualité, seule manière de combattre le patriarcat à la base
Pour le droit de choisir d’avoir un enfant ou pas : l’avortement est menacé de par le monde. En France l’inscription dans la constitution de l’IVG ne doit pas masquer les obstacles liés au manque de moyens du service public de la santé pour recourir à l’IVG. Et dans le même temps Macron continue de nous parler de « réarmement démographique »… Au lieu de politique nataliste au relent vichyste, le gouvernement devrait prendre à bras le corps la question des inégalités femmes/hommes, et des manques de crèches !
Stop aux injonctions contradictoires sur les corps des femmes ! Trop couvertes ou pas assez, trop minces, grosses, grandes, etc., c’est le contrôle permanent !
Au quotidien, les femmes et minorités de genre subissent les violences sexistes et sexuelles en plus des violences économiques. Nous continuons à compter nos mortes car il n’y a aucune volonté politique de lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Le procès des 51 violeurs de Gisèle Pélicot a rappelé que les violeurs sont des hommes “ordinaires”, et que la culture du viol persiste dans les différentes strates de la société. La nomination de Darmanin mis en cause pour des violences sexistes et sexuelles comme garde des sceaux est une véritable provocation…
Malgré la ratification par la France de la convention 190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement au travail, il n’y a toujours pas de droits supplémentaires accordés aux femmes victimes de violences
Les femmes sans papiers sont confrontées à la surexploitation et aux discriminations, épuisées par les conditions de travail dans lesquelles elles exercent leurs métiers et la loi immigration et la circulaire Retailleau ont considérablement aggravé leur situation.
Les femmes handicapées subissent d’autant plus toutes ces violences et inégalités.
En solidarité avec toutes celles qui encore aujourd’hui dans le monde sont emmurées, exécutées, qui font face à des bombardements massifs, au génocide, à l’exode, sont victimes de viols de guerre, peinent à nourrir leur famille et elles-mêmes, de toutes celles qui se défendent farouchement pour recouvrer ou obtenir leur liberté et leurs droits, qui sont confrontées aux conflits armés, aux régimes fascisants, réactionnaires, théocratiques et colonialistes.
Solidaires revendique !
Une augmentation immédiate des salaires privés et dans le public et particulièrement la revalorisation dans tous les métiers féminisés : éducation, santé, soins, commerce, nettoyage, etc., des moyens et des sanctions réelles pour les entreprises et administrations qui ne réduisent pas ces inégalités !
Un partage du congé parental mais qui soit mieux rémunéré et d’une durée suffisante plutôt qu’un congé de naissance !
La suppression des dernières réformes des retraites, particulièrement régressives pour les femmes et un retour à la retraite à 60 ans et 37,5 annuités.
Le droit à disposer de nos corps et de faire des enfants ou pas !
de vrais moyens pour accéder à l’IVG sur l’ensemble du territoire et sans culpabilisation des personnes qui avortent.
Un vrai service public de la petite enfance et de prises en charge de la dépendance !
Le droit d’être libres de nos choix vestimentaires, de nos corps, à vivre nos identités de genre et nos sexualités
3 milliards pour se donner les moyens d’une vraie lutte contre les harcèlements sexuels, les féminicides, et toutes les autres violences faites aux femmes au travail et partout et la mise en place d’une loi-cadre intégrale !
L’abrogation de la loi immigration et de la circulaire Retailleau !
D’intégrer le prisme du genre, comme celui du handicap à toutes les politiques publiques.
De nouveaux droits : d’avoir des traitements et une recherche médicale propre aux femmes, des droits nouveaux en termes de congés hormonaux.
Une éducation non sexiste et qui pointe les discriminations de toute nature !
Pour Solidaires, seule la grève féministe peut construire et amplifier le rapport de force indispensable pour changer de cap ! Pour le droit des femmes et l’égalité !
l’indemnisation du congé maladie, c’est toujours non.
Cette soirée, accueillie par la librairie La Nouvelle Réserve et animée par Solidaires 78, en présence des auteurs de l’enquête ouvrière “Avant de faire le tour du monde, faire le tour de l’atelier”, a été une réussite, en ce qu’elle a permis de mettre en lumière la centralité de la condition ouvrière et la pertinence de son combat pour la transformation sociale. Des profils variés de travailleurs, chômeurs, retraités y ont assisté : ouvriers, enseignants, énergéticiens, AESH, soignants… sous le constat partagé d’une situation commune, celle du travail exploité et de la nécessité de la lutte.
Présentation de la démarche d’enquête
La Mouette Enragée est un collectif anarchiste-communiste de Boulogne-sur-Mer qui se définit comme mouvementiste : ils partent de leur participation aux luttes pour construire leur analyse, et interviennent dans ces luttes en tant qu’égaux.
Les premières enquêtes ouvrières ont été faites par la bourgeoisie, dans une volonté de coercition, car le passage forcé de la condition de paysans à celle d’ouvriers provoquait des remous et faisait des prolétaires nouvellement formés une classe dangereuse.
F. Engels puis K. Marx ont ensuite élaboré des enquêtes sur la vie des ouvriers, au travail ou en dehors, pour dresser un portrait de la classe ouvrière, tourné vers l’action. Celui de Marx était un questionnaire sous forme de 101 questions.
Dans les années qui suivent Mai 68, les opéraïstes italiens, Socialisme ou Barbarie et les Cahiers de Mai reprennent leur héritage en France. Enfin, plus récemment, des groupes comme Angry Workers au Royaume-Uni élaborent des enquêtes dans les lieux où ils travaillent, avec la participation des travailleurs. C’est de démarches de ce style que La Mouette Enragée s’inspire.
L’enquête
L’enquête menée par La Mouette Enragée n’est pas une enquête universitaire ni sociologique. Elle n’a pas de prétention scientifique, et elle est bénévole. Elle se fait dans une perspective de lutte de classe, au même niveau que les enquêtés, sans vision surplombante.
Elle cherche à remettre la classe ouvrière sur le devant de la scène, à l’heure où celle-ci se voit invisibilisée y compris par ceux qui se prétendent la défendre. La classe ouvrière est la classe qui produit de la plus value par le travail salarié exploité. L’enquête s’attache donc essentiellement aux travailleurs du privé. Cela ne veut pas dire que les travailleurs des services publics ne sont pas exploités, ou que la privatisation qui les affecte est négligeable. Il s’agit simplement d’un choix de méthode. Un autre choix relève des questions : elles concernent la production et non la reproduction, ce qui ne veut pas dire que les questions de logement, consommation, etc., ne sont pas intéressantes.
Le questionnaire se découpe en différentes parties (le poste, les nuisances, le temps de travail, le salaire, la hiérarchie, les collègues, les luttes…). Les témoignages étaient recueillis de différentes manières, avec des efficacités variables. Le papier et les QR codes n’ont pas été des réussites, alors que la distribution avec discussion de la main à la main ont bien mieux fonctionné. C’est à l’occasion de luttes que la collecte était le plus facile : les gens ont le temps de répondre quand le travail s’arrête.
Les territoires enquêtés sont le Boulonnais, la région lilloise et la Bretagne, dans des secteurs comme la santé, les centres d’appel, l’agro-alimentaire, la logistique, la construction navale, les coursiers à vélo. Des contacts syndicaux ont permis d’approcher certains secteurs, certains se sont montrés plus réticents (livraison à vélo, notamment à cause de la barrière de la langue), mais les luttes rendaient la parole sur le travail bien plus libre.
Les résultats
Quelques constats ressortent de cette enquête :
il faut en finir avec l’image de l’ouvrier d’usine, car la condition ouvrière est aujourd’hui largement partagée au delà, notamment dans le tertiaire
la transnationalisation et la financiarisation ont éloigné les capitalistes des travailleurs : on connaît de moins en moins son patron
l’exploitation s’est accrue rapidement ces dernières décennies, en même temps qu’une rigueur salariale redoutable. La mécanisation a accru le rythme du travail, même si les machines sont peu entretenues. L’exploitation est renforcée notamment dans les secteurs où la croissance des profits est plus difficile à obtenir
un recours accru à l’intérim, notamment en périodes tendues, mais parallèlement des tentatives de fidélisation de la main d’œuvre en CDI (logistique par exemple), car le coût est important, et les salariés démissionneront tant les conditions sont dures
le management a un poids important sur les salariés, et les collectifs de travail sont souvent brisés
pourtant, sur de nombreux lieux de travail, il existe toujours des réflexes de solidarité
Quelques perspectives
Depuis les années 70, la situation a beaucoup changé pour le prolétariat français : c’est la fin des grandes concentrations ouvrières, la main d’œuvre est atomisée dans des unités de production plus petites, la syndicalisation s’est effondrée, comme le nombre de jours de grève. La catégorie ouvriers de l’INSEE a reculé, alors que les professions intermédiaires et les cadres ont augmenté. Ces chiffres peuvent être trompeurs, car de nombreux travailleurs du tertiaire peuvent être considérés comme des ouvriers.
La thématique de la “souffrance au travail” est parallèlement devenue incontournable, alors que la dureté de la condition d’exploité n’a rien de nouveau : c’est qu’elle se généralise à des couches du salariat qui s’imaginaient jusque là épargnée. Certains, notamment dans les centres d’appel, la santé, disent “on est devenus une usine”.
La fin de la figure centrale de la classe ouvrière s’est accompagnée de la fin du programme politique de la classe ouvrière, représenté par ses partis et syndicats de masse, ainsi que du recul du sentiment d’appartenance de classe, de la solidarité et des socialités associées, au profit d’identités de consommation, communautaires, etc.
Pourtant, la disparition de la classe ouvrière est un fantasme, comme celui des usines sans ouvriers d’E. Musk. Le capitalisme est un rapport social : pour qu’il y ait du capital, il faut du travail, et vice-versa. Le salariat présuppose le patronat.
Toutefois, il n’y aura pas de retour en arrière, la réindustrialisation de la France est un mythe. Au niveau actuel de productivité et à l’heure d’une mondialisation jamais vue, la bourgeoisie française ne relancera pas les aciéries du Nord-Pas-de-Calais.
La Mouette Enragée propose donc l’enquête ouvrière comme un outil qui part de la centralité de la classe ouvrière, d’un point de vue ouvrier, pour faire une critique actualisée du travail et du capital, avec la classe ouvrière d’aujourd’hui.
La critique du travail a muté, aujourd’hui, les salariés semblent mettre à distance le travail, de façon individuelle : les salariés de call centers disent que leur travail ne sert à rien, ni à eux ni à la société, à Amazon, on admet être remplaçable, on lutte contre la déqualification, on recourt à l’absentéisme, à la grève pour justifier un retard, on ne vient même pas sur le piquet lors de grèves tellement on haït le lieu de travail… Une enquête sociologique de la bourgeoisie montre que moins de 2 salariés sur 10 se sentent engagés dans leur travail.
Échanges avec la salle
Des personnes ont regretté l’absence de questions spécifiques sur la condition des femmes, alors même qu’elles sont très représentées dans les réponses au questionnaire, voire largement majoritaires dans certains secteurs. Le questionnaire étant relativement ouvert et libre, les femmes étaient libres d’y répondre dans ce sens, et la discussion n’était pas cadrée. Certains passages du livre mentionnent le sexisme latent, comme à Vertbaudet pendant la grève. Le fait que les enquêtés étaient des hommes a toutefois certainement été un obstacle. Une autre explication est l’absence de conscience féministe chez beaucoup de travailleuses.
De même, la question de l’immigration n’a pas été abordée de manière plus dédiée, même si une question sur les différences de salaires dans boîte permettait d’aborder cette discrimination. Le secteur d’enquête est toutefois un lieu de relativement faible présence de travailleurs issus de l’immigration.
La méthode de constitution de la somme que constitue le livre, et de la durée du travail militant (2017-2023) a été posée. Le livre est majoritairement constitué du regroupement de travaux publiés dans le journal local de La Mouette Enragée, dans différents numéros.
Les contacts ont été obtenus par le biais de camarades locaux, l’implantation du groupe politique de La Mouette étant un atout. L’enquête ouvrière apparaît comme un formidable outil pour entrer dans la lutte avec les personnes concernées, pour faire du mouvementisme. La parole s’ouvre et le résultat est concret.
Le retour auprès des salariés à propos de l’enquête est en discussion, rien de spécifique n’ayant pour l’instant été organisé. Les enquêtés ont reçu le livre. Beaucoup ont changé de boulot, déménagés… à l’image du salariat éclaté d’aujourd’hui. Le contact est maintenu, mais la question de savoir quoi faire après le livre se pose.
Pour conclure, disons comme l’a souligné un membre du public : “on devrait tous êtres des enquêteurs !”.