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Dans le privé et le public, un syndicalisme de lutte pour la transformation sociale

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(re)Penser notre syndicalisme antifascisme

Syndicalistes – Nos tâches immédiates face à l’extrême droite

Dans le cadre de notre rubrique “(re)penser le syndicalisme” nous proposons cette contribution qui n’émane pas de Solidaires mais qui peut contribuer à alimenter le débat syndical.

Article publié le mercredi 12 juin 2024 sur le site Syndicalistes !

Quelques semaines avant des élections législatives où l’extrême-droite plus forte que jamais pourrait bien accéder au gouvernement, que peut faire le syndicalisme ? Quelle action des militant·es de base pour être la hauteur de l’urgence politique, sans céder à un électoralisme naïf qui laisserait penser que tout se jouerait lors des deux tours du scrutin ? Pistes de réflexion… et d’action.

Des élections où il y a beaucoup à perdre

Pourquoi intervenir dans le jeu électoral, malgré la longue tradition de mise à distance des enjeux politiciens par le syndicalisme français ? Parce qu’il en va ni plus ni moins que de l’arrivée d’un parti ouvertement d’extrême-droite au gouvernement, mettant en jeu la survie même du mouvement syndical (parmi beaucoup d’autres choses). Que l’on pense à l’impressionnant appareil répressif bâti patiemment ces dernières années, et à l’usage qui en serait fait s’il venait à tomber entre les mains du Rassemblement national…

Nul besoin de tourner en boucle sur les entraves à la démocratie, la politique raciste, la répression tous azimuts, les attaques généralisées contre le salariat menées par Macron ces dernières années : nous avons été en première ligne pour les combattre, et sommes donc assez bien au courant de leur ampleur. Mais on parle ici d’un potentiel saut qualitatif dans la vitesse, la généralisation et la violence de l’offensive réactionnaire si l’extrême-droite venait à gagner ces élections. Sans parler de l’effet libératoire qu’elle aurait pour les violences policières ainsi que pour toutes les forces fascistes extra-parlementaires violentes, ou encore pour le patronat qui aurait une garantie d’impunité complète face à nos organisations syndicales, etc.

Il y a donc un vrai enjeu à freiner autant que possible l’extrême-droite lors de ces élections. Non pas que cela résoudrait la situation politique. Mais ce serait a minima un gain de temps, un répit avant les prochaines échéances électorales, et surtout l’occasion de retrouver une dynamique de victoire et un certain enthousiasme dans le mouvement syndical. Cela étant dit, comment contribuer à cette victoire depuis nos syndicats ?

D’abord, et c’est ce qui a déjà bien commencé, mettre une pression suffisante sur les forces de gauche pour qu’elles acceptent l’unité lors de ce scrutin. C’est non seulement une condition pour espérer un score acceptable, mais aussi pour envisager une mobilisation dans les syndicats, sans entre-déchirements entre militant·es appartenant à différents partis politiques. Il s’agit aussi d’impulser une dynamique, de permettre à tou·tes les militant·es sous le choc ou abattu·es par le climat politique de ces dernières années, de reprendre confiance, de relever la tête et de se jeter dans le combat.

Ensuite, faire un travail de conviction partout où nous sommes, auprès des salarié·es susceptibles de voter pour l’extrême-droite, en démontant le mirage social du Rassemblement national, et défendant pied à pied un antiracisme combatif. Mais aussi en allant chercher les salarié·es qui ne votent pas, en leur fournissant un appui technique au remplissage d’une procuration, en impulsant une dynamique de front populaire sur les lieux de travail, qui doit aller bien au-delà de ce que proposent les partis qui en sont actuellement à l’initiative.

Notre rôle est essentiel ici : de part son maillage, son implantation, son ancrage dans le salariat, le mouvement syndical de lutte, aussi diminué soit-il et malgré des porosités locales avec l’extrême-droite que, bien qu’exceptionnelles, il ne faut pas nier, demeure la première force antifasciste organisée. Il reste aussi le seul à même d’organiser le mouvement social nécessaire, après les élections, à la complétion d’une véritable dynamique de front populaire.

Ne pas s’enfermer dans le court terme

Mais il ne faut pas se faire d’illusions : quelle que soit l’issue de cette élection législative, nous aurons besoin d’un syndicalisme fort ensuite. Que la gauche l’emporte, et il faudra un mouvement social puissant pour imposer de vraies réformes et la pousser à aller au-delà d’un agenda très timoré (faut-il rappeler que les conquêtes de juin 36 l’ont largement été contre le gouvernement, par un mouvement ouvrier réveillé et revigoré par la victoire électorale de l’alliance des gauches ?). Que le parti présidentiel conserve sa majorité, alors seul un mouvement social encore plus massif que celui de l’année 2023 pourra stopper son glissement autoritaire et sa volonté d’en finir avec tous les droits salariaux. Enfin, que l’extrême-droite gagne, et elle aura un boulevard pour déployer ses politiques racistes et ultra-capitalistes : il faudra alors un syndicalisme solide pour tenir le coup. Et quoi qu’il en soit, une défaite électorale de l’extrême-droite ne solderait pas sa fin : ses partis sont désormais solidement ancrés localement, comptent des militants nombreux et formés, et se prépareraient à mieux revenir en 2027.

Ne faisons pas de fausses promesses, donc : tout ne va pas se jouer lors de cette élection. Nous ne sommes pas là pour faire croire que seul le jeu électoraliste en vaut la peine. Il faut traiter le moment à la hauteur de ses enjeux réels, sans les exagérer ni les minimiser : oui, nous devons diminuer autant que possible le nombre de sièges qui reviendront à l’extrême droite à l’Assemblée, et y envoyer le maximum de député·es de gauche (aussi molle soit-elle) que possible. Mais sans en faire la seule carte à jouer : la dynamique de ces prochaines semaines doit permettre de lancer un travail dans la durée, seule voie possible pour renverser le cours des choses.

Travail dans la durée pour se préparer au pire : que l’extrême-droite gagne les prochaines élections ou non, elle ne restera pas loin du pouvoir, et il faut dès aujourd’hui anticiper ce que deviendraient nos organisations sous un régime autoritaire assumé, comment continuer nos activités militantes, comment faire face à une répression démultipliée, etc.

Mais travail dans la durée aussi pour préparer le meilleur : pour porter l’ambition syndicale de transformation sociale radicale, autour d’une extension de la Sécurité sociale et de la rupture écologique. Parce que c’est l’objectif qu’on poursuit, et parce que pour défaire la vision sociale raciste de l’extrême-droite, il faut y opposer d’autres aspirations et d’autres projets susceptibles de soulever l’enthousiasme.

Ces deux faces doivent être tenues ensemble, et abandonner l’une des deux serait se condamner à l’impuissance. Toutes deux, très concrètement, demandent un effort massif de syndicalisation, un mouvement déterminé et volontariste en direction des salarié·es non syndiqué·es, un travail d’organisation redoublé, une mobilisation généralisée des équipes militantes.

Tout cela demande de ne pas dilapider son énergie. Les rassemblements symboliques entre convaincu·es peuvent être utiles pour peser sur l’union des forces de gauche, mais ils ne convaincront pas les électeur·ices, et ne permettent que rarement d’organiser de futur·es militant·es. Si nous y participons, ce doit être en cherchant à y discuter pour « prendre la température » des présent·es, et pour montrer que nos syndicats sont un débouché concret aux volontés de mobilisation. Mais l’efficacité de notre action dans ces prochaines semaines sera d’abord fonction du temps passé avec celles et ceux qu’on ne voit pas d’habitude : les syndiqué·es et syndicats qui se trouvent hors de la vie de l’organisation et qu’il s’agit de remobiliser, mais aussi les salarié·es non syndiqué·es, les déserts syndicaux – typiquement dans les secteurs féminisés – où aucune voix de gauche ne va jamais porter.

Une responsabilité syndicale

Un risque serait que les forces syndicales ne viennent qu’en appui de la dynamique lancée par les partis politiques, en leur délégant un rôle d’impulsion et de production des mots d’ordre. Ce serait tomber dans l’illusion d’une autosuffisance des élections. Encore une fois, on ne stoppe pas l’extrême-droite en un jour. La montée du fascisme est aussi le produit de l’affaiblissement du mouvement syndical, de son incapacité à adapter ses structures pour organiser le salariat actuel et de proposer une perspective émancipatrice rassembleuse et crédible.

Il est tard… mais attendre n’y changera rien. Ne serait-ce pas le moment, dans l’urgence, de s’atteler enfin à la refondation syndicale nécessaire pour nous doter d’une organisation de classe capable de gagner contre l’extrême-droite ? En remisant les esprits de chapelle de tous côtés pour travailler à une unification du pôle combatif du syndicalisme, qui devra être l’occasion d’une remise à plat des structures avec un seul objectif en tête : impulser une dynamique d’organisation capable de syndiquer massivement et de multiplier les luttes sur la durée, dès les prochains mois. Par exemple en (re)lançant en urgence des Unions locales (intersyndicales si possible) dans les territoires où il n’y a plus aucune présence de gauche, en y dédiant des moyens humains et financiers importants, pour refaire exister une autre voix politique dès maintenant là où l’extrême droite a le champ libre. 

Les syndicats, par leur incapacité à se réformer pour se renforcer et faire face aux évolutions récentes du capitalisme, ont leur responsabilité dans la situation politique actuelle. Il s’agit donc de ne pas se dédouanner de ce qu’il adviendra ces prochaines semaines en se disant que la balle est désormais dans le camp de la gauche unie, mais de prendre pleinement notre part au combat antifasciste et de nous atteler à la reconstruction à la base de forces organisées capables de résister à l’extrême-droite.

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Construire une section syndicale

La section syndicale est la structure de base et d’action du syndicat dans l’entreprise. Elle regroupe les adhérent·es et parmi elles et eux les militant·es, dont les représentant·es du personnel.

C’est le lieu où se traitent les problèmes des salarié·es de l’entreprise et de l’établissement.

La section syndicale a en charge le lien avec les salarié·es, l’animation, la coordination des actions, la collecte des cotisations et de la syndicalisation, l’élaboration des revendi- cations en cohérence avec les aspirations des salarié·es et la politique définie par le syn- dicat, la présence dans les institutions représentatives du personnel, les informations aux salarié·es, la communication interne, les relations avec les autres structures syndicales (en particulier avec le syndicat et l’union interprofessionnelle locale).

Disponible sur le site dans l’espace formateur·trices et en version papier en passant commande au Cefi

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Que peut une UD Solidaires en Seine-Saint-Denis ?

Les émeutes de juillet 2023 l’ont rappelé – sans qu’il y en ait besoin pourtant : les quartiers populaires sont en très grandes souffrances. En tant que syndicalistes, cela doit nous inquiéter. Or nous sommes toujours en peine d’une stratégie qui permettent de syndiquer de façon significative les habitant·es (travailleurs et travailleuses, chômeuses et chômeurs, étudiants et étudiantes, au minima sociaux, au foyer) mais aussi celles et ceux qui travaillent dans ces quartiers. Solidaires 93 a, à ce titre, un travail particulier à faire.

Si tous les quartiers populaires du pays ont des traits communs, qui recoupent aussi parfois des problèmes des territoires ruraux, la Seine-Saint-Denis a la particularité d’être le département de métropole qui connaît tous les problèmes sociaux et territoriaux dans une concentration sans équivalent ! Or non seulement l’État n’y fait rien, mais on peut même affirmer qu’il y a largement contribué. La Seine-Saint-Denis représente 40 villes (de 10 000 à 130 000 habitant·es), soit plus d’un million et demi de personnes, sans compter des centaines de milliers de personnes qui y travaillent. Les habitant·es et les travailleur·ses ne sont pas, pour une large partie, les mêmes personnes. Du point de vue de la structuration syndicale, ces données compliquent la donne. Elles sont le résultat de l’histoire de la constitution du département, en lien avec le centre de Paris. Une histoire souvent méconnue, qui se double d’une méprise et d’un mépris sur l’histoire sociale de ce territoire. Comme si rien n’avait jamais existé…

L’histoire de Solidaires, syndicat qui a toujours été ouvert sur les luttes sociales et sociétales constitue un point d’appui pour construire un syndicalisme ancré dans le territoire. La complexité de la Seine-Saint-Denis vient cependant du fait qu’en sus d’un discours et d’une histoire imposée par le centre, Solidaires se heurte aussi à ce qui a été construit dans le département par le « monde communiste », relayé dans l’espace syndical par la CGT. Cette deuxième histoire est aussi écrasée par l’histoire du centre. C’est donc un tissage complexe pour Solidaires que de frayer sa route tout en intégrant des pans d’histoire sociale du département.

Éléments de socio-histoire du 93

Quand on parle du 93 pour pouvoir essayer de s’organiser, tout détonne. En 2020, une enquête de l’INSEE amenait le Parisien à qualifier le département de « département de tous les records ». En effet, concernant les habitant·es, le taux de chômage y est autour de 10 % des actifs et actives, le nombre de personnes au RSA, autour de 80 000, soit près de 12 % des actifs et actives. Le département polarise ses emplois entre une augmentation des professions de cadres promises à une population peu issue du territoire et des professions d’employé·es et d’ouvrier·es souvent mal payé·es. Parmi les éléments les plus frappants, il y a ceux liés à la répartition emplois/habitant·es. En 2010, « Moins d’un actif résident sur deux (46 %) travaille en Seine-Saint-Denis » [1]. Pas sûr que ça ait beaucoup changé. Par ailleurs, « plus de 70 % de ces emplois hautement qualifiés sont occupés par des non-résidents, soit le plus fort taux de France métropolitaine. »

Ainsi du point de vue du travail, l’organisation de la Seine-Saint-Denis est un vrai casse-tête. On y nomme les néo-fonctionnaires, souvent averti·es qu’ils et elles arrivent dans une jungle, on laisse les habitant·es du département à des postes « bas », et on pousse les plus diplômé·es à partir, le plus souvent sous prétexte d’éviter toute forme de « favoritisme ». Ces distinctions recoupent aussi les origines des travailleurs et travailleuses ainsi que leur couleur de peau. Cela pousse les habitant·es qui veulent monter dans la hiérarchie à partir, et même à haïr le département où ils/elles ont grandi. Cette organisation économique n’est pas qu’un enjeu géographique, elle touche à la possibilité même d’une conscience de groupe, et évidemment d’une conscience de classe. Elle permet à l’État de construire un 93 contre le 93 en excluant les habitant·es des processus sociaux, politiques et économiques du département. L’État fait ainsi ce qu’il veut du territoire, sans possibilité pour les « locaux » de résister. Par ailleurs, il existe un réel syndrome du 93, notamment chez les militant·es syndicaux et politiques qui arrivent. Si ceux-ci et celles-ci peuvent être attiré·es par le caractère explosif du département, ils/elles se trouvent vite confronter à une violence sociale qu’ils/elles ne peuvent supporter. Cela entraîne deux attitudes. Une première attitude prend la forme d’un mépris contre le département, ce qui fait des militant·es dont l’objectif principal est de partir. Ils et elles se désintéressent de la lutte sur le territoire, pour se concentrer sur des intérêts corporatistes. D’autres se transforment au contraire en « sauveur ». Le 93 est notamment touché par un phénomène de militant·es qui ne cherche pas à connaître l’histoire des lieux, et agissent aussi inconsciemment avec l’idée d’« aider » charitablement un département – et ses pauvres cosmopolites – délaissé. Beaucoup de départs font suite à des dépressions et un immense sentiment d’impuissance. L’État consomme ceux et celles qui luttent ici et il y faut beaucoup d’énergie et de piliers sur lesquels s’appuyer pour tenir.

Il y a un vrai enjeu syndical pour tenir sur les revendications d’égalité de droits, souvent tellement basiques qu’on ne les met plus en avant. Solidaires 93 et les syndicats qui en font partie ont ainsi, à plusieurs reprises, tenté d’impulser des campagnes sur des thématiques de base :

  • Des milliards pour le service public.
  • Des médecins dans les écoles.
  • Des investissements dans les hôpitaux.
  • Une vraie couverture du territoire de l’inspection du travail.
  • Des transports décents (certaines zones d’un département parmi les plus urbanisés de France ne sont desservis par aucun transport).

On ne le rappelle pas assez mais ce dont nous avons besoin c’est d’une égalité de droits, pas d’une charité militante. Cela passe par une reconnaissance comme territoires de luttes, pas par des cours sur comment on doit lutter ! À ce titre, il est important de rappeler qu’à sa création, en 1968, le département a dû lutter pour récupérer l’essentiel des prérogatives détenues par Paris. Il a fallu arracher des hôpitaux, arracher des lycées, arracher le transfert de la gestion des logements sociaux par les municipalités et le département, arracher la création de vrais tribunaux. Tout cela a été obtenu par des luttes des habitant·es et des travailleur·ses (notamment du monde communiste). Chaque station de métro sortie de terre, chaque nouvelle ligne de tramway a 30 ans de luttes derrière elle.

La Seine-Saint-Denis a une histoire de luttes…

Sans doute faut-il ajouter… « mais une histoire CGTiste ». L’implantation de Solidaires 93, autour de 1999, s’est faite à un période charnière pour le mouvement social français. Solidaires débarquait dans un département encore emprunt de son histoire communiste mais déjà grignoté par la fin des sociabilités politiques forgées durant le XXe siècle. Terre rouge parmi les terres rouges, et ce dès la fin du XIXe siècle, les villes qui composent la Seine-Saint-Denis ont été maltraitées, discriminées, reléguées, exploitées et oppressées. Face à cela, c’est plus d’un siècle de luttes qui fait l’histoire de ces villes, regroupées dans le département du 93, à la suite de la réforme territoriale de 1964. L’identité du 93 a ensuite été forgé par le Parti communiste, via des figures comme George Valbon, qui fut le premier président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, mais aussi le maire de Bobigny, la préfecture du nouveau département. À cette identité communiste se sont ajoutées des identités liées aux nombreuses catégories qui y furent reléguées : Algériens et pieds noirs arrivés dans la foulée de 1962, Antillais pris au pays pour faire tourner les services publics régionaux, « jeunes des cités »… jusqu’aux identités politiques contemporaines contre les violences policières, les luttes pour l’éducation prioritaire… Longtemps, tout se faisait en fonction du PCF et de la CGT, sans compter toutes les associations amies ou affiliées. En pour ou en contre, mais en fonction de… Cela était un problème du point de vue de la pluralité politique et syndicale, mais c’était aussi une protection. Une identité forte permettait de forger des solidarités d’ampleur dans les villes, et entre villes, du département.

Le département reste très marqué par cette empreinte communiste et cégétiste. Les locaux confédéraux de la CGT sont d’ailleurs installés à Montreuil. La CGT continue à être présente dans tous les secteurs d’activité et elle progresse dans de nouveaux secteurs comme l’enseignement. Elle est ainsi une composante historique et actuelle majeure du département. La Seine-Saint-Denis s’est forgée au fil des luttes autour de 1936 déjà, puis 1968, sans compter l’après-guerre, mais aussi les luttes d’usines de métallurgie ou d’automobile comme celle des Mécano de La Courneuve en 1976, Alsthom à Saint-Ouen en 1979… Ou enfin les luttes pour les services publics, en particulier le service public d’éducation comme lors de la grande grève de 1998. Le département s’est aussi construit au fil des luttes internationales en soutien aux Espagnol·es, aux Algérien·nes, aux Vietnamien·nes, aux Chilien·nes [2], aux Sud-Africain·nes [3], aux Palestinien·ens… autant d’éléments dont il porte les traces. Sans compter les plus de 190 langues qui y sont parlées.

Bien entendu, cette identité forte en a effacé d’autres, plus marginales, plus fragiles, mais tout aussi importantes. Ce sont les luttes pour l’égalité des droits des immigrés, notamment dans les foyers de travailleurs étrangers (1975-1979). Ce sont les luttes des locataires des grands ensembles (Les Courtillières en 1969, les 4000 en 1980, etc.), ou aujourd’hui les luttes contre les violences policières, qui prennent de l’ampleur depuis 2005 et l’assassinat de Zyed et Bouna, deux jeunes garçons de Clichy-sous-Bois. Ce sont aussi les luttes écologistes pour faire émerger des parcs (dans un territoire qui était encore une immense plaine agricole à la fin du XIXe siècle). La défense des jardins ouvriers ne date pas de la lutte contre les Jeux olympiques de 2024, elle commence dès l’après Seconde Guerre mondiale.

En tant que syndicat plus récent – même si déjà âgé de presque 25 ans – se pose pour nous la question d’assimiler ces histoires, pour les faire nôtres et s’appuyer sur elles pour construire les luttes d’aujourd’hui. Position d’autant plus difficile que nous avons été les témoins et les « victimes » des velléités hégémoniques de la CGT. Nous sommes aussi les témoins de la volonté des autres syndicats de nous ostraciser. Contre cela, les réactions ont souvent été dures. Solidaires a même récupéré des sections CGT, au demeurant pas toujours très propres. Mais sur un territoire victime d’une colonisation permanente et d’un effacement autoritaire, faire avec, c’est aussi accepter d’intégrer l’histoire des autres, de ceux et celles qui ont précédé, qui ont lutté avant et pour nous. Si nous voulons stopper la violence sociale qui s’exerce sur le département, il est nécessaire de ne pas faire comme l’État, en niant l’existence d’un tissu social existant. Nous devons intégrer ce tissu social. Dans des territoires qui sont à ce point écrasés par l’État, nous nous devons d’être exemplaires en matière d’unité à tous les niveaux. À ce titre, le travail en interprofessionnel est une réponse sans commune mesure !

L’interprofessionnel comme territoire

On a parfois le sentiment que le mot d’interprofessionnel recouvre un grand vide, beaucoup estimant qu’il y a « leur secteur » et l’interprofessionnel. Dans un même mouvement, les difficultés actuelles du syndicalisme sur le lieu de travail tendent à attirer les militant·es vers l’interprofessionnel, mais l’interprofessionnel est faible sans les syndicats. Il semble pourtant certain que l’interprofessionnel – entendu comme une rencontre de plusieurs secteurs égaux entre eux et qui souhaitent débattre ensemble – est l’une des pistes majeures pour aborder le territoire dans sa complexité et son ensemble. Le syndicat interprofessionnel est tout simplement un lieu magique pour appréhender la complexité d’un monde et d’un territoire. De façon simple, l’interprofessionnel est le meilleur lieu de rencontre d’un territoire et de confrontation des situations. Les différences de composition des syndicats permettent de faire se rencontrer des catégories sociales très différentes les unes des autres, de se croiser entre personnes aux origines différentes. Un jeune enseignant arrivé d’une ville moyenne, lointaine et plutôt blanche, pourra ainsi rencontrer une hospitalière ayant fait toute sa carrière dans un hôpital du coin ou un trentenaire maintenu catégorie C dans une collectivité territoriale. Ce sont aussi des rencontres entre des agents sociaux et des chômeurs (que Solidaires 93 peut syndiquer directement). Un travailleur de la culture pourra se confronter au fait que sa profession sert à gentrifier telle ou telle quartier… L’interprofessionnel doit pouvoir transcender les groupes et les barrières. C’est un espace qui peut à la fois servir de lieu d’accueil, de lieu de superposition des histoires (celles qui nous précèdent et celles qui nous font aujourd’hui). Le syndicat doit pouvoir se constituer comme une protection mais aussi une entrée dans le territoire.

Se structurer de façon départementale !

Tous ces éléments un peu théoriques en tête, reste à savoir comment organiser l’interprofessionnel, qui plus est sur l’ensemble du département. Le 93 a l’avantage et le désavantage de ne pas avoir de centre. Cela évite de se polariser autour d’une ville ou d’un secteur, mais cela rend aussi plus difficile le fait de se voir.

L’outil Union locale. Les UL sont une réponse à cette situation mais aussi une réponse à la complexité sociale et historique du territoire. Les Unions locales dépendent toutes de l’Union départementale, qui en valident l’existence puis les laissent fonctionner. Chaque UL développe ainsi son propre fonctionnement en lien avec son territoire. Certaines couvrent une ville, d’autres un ensemble de villes. Ces UL naissent et meurent d’ailleurs régulièrement en lien avec les militant·es qui les font vivre. C’est avec le mouvement de 2016 que nous avons connu une apogée des UL avec six existantes : Montreuil-Bagnolet, Saint-Denis et alentours, Aubervilliers-Pantin, Aulnay-Sevran-Tremblay, Bondy et Bobigny-Drancy. Aujourd’hui trois UL sont stabilisées :

  • Une UL Montreuil, la plus ancienne, qui fait beaucoup d’accompagnements juridiques, et a transmis son savoir-faire en la matière vers Aubervilliers, et désormais Saint-Denis.
  • Une UL Saint-Denis, la plus diverse et la plus dynamique sur les luttes sociales.
  • Une UL Aubervilliers-Pantin-La Courneuve.
    Une nouvelle UL est en construction à Bagnolet – Les Lilas – Romainville, à la suite du mouvement contre la retraite à 64 ans. Quant aux ex-UL Bobigny, Noisy-le-Grand et Aulnay, elles permettent de maintenir de petits réseaux sur les lieux en question, mais elles n’ont plus de réalité. L’UL Bondy a de son côté une trajectoire particulière. C’est une ancienne UL CGT, qui s’est avérée une véritable épine dans le pied de l’UD. Elle a fini par être dissoute en 2017 par suite de pratiques douteuses. Elle rappelle les difficultés à s’implanter des petites villes du département où la politique est souvent réduite à une expression clientéliste.

Malgré toutes ces difficultés, ces UL constituent une UD vivante. Elles sont une véritable force. Notamment par une capacité de réaction assez forte dans les villes où elles existent. Mais aussi par le fait que les UL peuvent – plus que l’UD – de bousculer les syndicats. Occupant une place de choix sur le terrain, elles permettent souvent une confrontation fructueuse sur les questions démocratiques. Ainsi l’UL Saint-Denis est très active sur les questions de violences sexistes et sexuelles. Elle est un lieu d’accueil pour les militantes, qui n’ont pas nécessairement l’oreille attentive de leur syndicat. Les UL peuvent aussi se retrouver à prendre en charge des situations juridiques, mal gérée par une équipe syndicale, qui serait, par exemple, trop proche d’une direction ou travailler à accompagner une équipe dans une boite. Ces UL renforcent donc notre implantation tout en permettant une forme d’unité des syndicats Solidaires. Elles offrent aussi une meilleure présence des syndicats. Ainsi les camarades du Rail – et plus largement les camarades des transports – concentrés le long des lignes (deux réseaux ferrés traversent le département) se connectent plus facilement à leur UL qu’à une UD souvent lointaine. Les camarades étudiant ?es sont aussi plus enclins à suivre les UL que l’UD. L’UL Saint-Denis a longtemps accompagné une section isolée dans le commerce… Dans les syndicats présents sur tout le territoire, cela permet à des camarades qui n’ont pas de mandats départementaux de s’investir dans l’interprofessionnel au quotidien. Les forces sont ainsi multipliées au moment d’organiser des formations, des manifestations, etc. Ces UL permettent enfin de prendre en charge les nombreuses situations de précarité du département. Elles peuvent suivre à la fois les questions de logement, de papiers ou encore les différends avec Pôle emploi.

Mais si les UL s’adaptent au territoire, l’UD doit en être la coordination. Il s’agit précisément de faire vivre tout un territoire, et non de remorceler, voir de développer des concurrences. Nous restons ainsi attentifs et attentives à ce que tout le monde reste le plus possible en dialogue. C’est pour le coup le rôle du secrétariat de créer du lien entre des militant·es d’UL et de syndicats différents pour qu’ils et elles avancent ensemble, s’entraident, etc. Un planning permanent de toutes les actions est d’ailleurs disponible sur notre site. Il est issu d’un outil similaire que nous animions durant la grève et reprenait, ville par ville, secteur par secteur, chaque action, rassemblement, discussion, AG.

Vers une organisation sans centre. Du fait du développement des UL, l’UD apprend aussi à se décentraliser. Longtemps polarisée sur Saint-Denis, en lien avec la composition du bureau de l’UD mais aussi de l’existence d’une très belle Bourse du travail, l’UD a entamé un travail de rééquilibrage du territoire. Désormais, les réunions se font à tour de rôle sur les quatre pôles importants de notre activité du département : Saint-Denis, Montreuil, Aubervilliers et Bobigny [4]. Et nous restons ouvert·es à un élargissement en lien avec les évolutions à venir. L’autre élément est le renforcement d’une mise en lien entre syndicats qui a toujours peiné à se faire. En 2016, nous avions lancé une grande campagne « 4 milliards pour les services publics », qui avait constitué un premier élément de rencontre entre des syndicats qui ne se parlaient pas. Si la campagne n’a pas eu un grand succès, elle a permis de vraies rencontres entre des secteurs de la fonction publique qui ne se connaissaient pas. Par la suite, des rassemblements devant les hôpitaux ont ramené des camarades des autres secteurs. En 2019, était décidé la constitution d’une liste d’échanges de tout le département. En 2021, la brochure sur les JO 2024 a été diffusé par tous les secteurs et dans toutes les villes. En 2022, la campagne en soutien à une comédienne licenciée par un théâtre local de la ville de Stains a été co-portée par l’UD et SUD Culture, avec l’idée de mêler questions du travail et discriminations territoriales. SUD collectivités territoriales Stains apporta d’ailleurs son soutien, y compris en s’attaquant à la non-réaction de la mairie vis-à-vis d’une structure massivement subventionnée. Par ailleurs, depuis 2021, Solidaires 93 organise ses propres formations, à côté de celles proposées par le CEFI-Solidaires d’Île-de-France. Cela permet de réfléchir à des formations spécifiques, qui partent des problèmes particuliers rencontrés par les équipes syndicales ou les UL.

Un autre élément important est le retour à la mise en place de manifestations, AG, etc. sur les villes. Depuis 2016, notre UD soutient, impulse et visibilise les actions dans toutes les villes. En 2019, les militant·es ont réussi à mettre en place de nombreuses AG interprofessionnelles, qui ont structuré un mouvement contre la réforme de la retraite à points. Plusieurs manifestations départementales ont aussi été organisées, malgré les réticences, au départ, de la CGT. Le mouvement de 2023 a, de nouveau, été l’occasion de mettre en place des manifestations sur tout le département. Ainsi, près de 30 villes sur 40 ont vu passer une manifestation ou marche aux flambeaux. Ces frémissements sont très clairement le début d’un travail d’une reconquête du territoire qui se fait. La mémoire des anciens et anciennes rappelle qu’en 1936 comme en 1968, ce sont les lieux de travail dans les villes mêmes qui étaient occupés, cela a permis l’explosion des luttes ensuite sur le logement, la santé, etc. via des réseaux formés pendant les occupations. Il est évident que les choses évoluent et qu’une nouvelle occupation territoriale est en train de se mettre en place. Il y a la naissance – pour la première une fois – d’une intersyndicale regroupant tout le monde lors des grèves de 2023 ; mais aussi un travail CGT-FSU-Solidaires renforcé, avec aussi la volonté commune de se lier avec des associations à l’occasion de la marche du 23 septembre et par la suite, la proposition de faire des temps féministes communs autour du 25 novembre et du 8 mars, le tout dans des villes différentes. Tout ceci montre un vrai dynamisme. Sans compter que Solidaires 93 développe ses propres rencontres, comme cela a été le cas pour préparer la grève contre la réforme des retraites en 2023.

Il reste du travail, mais l’une des principales qualités des habitant·es du département, c’est leur patience… alors rien ne sert de courir… il faut construire à point. Et faire avec le terrain tel qu’il est. [5]


[1Insee IDF no 340, juillet 2010.

[2] Par exemple Salvador Allende « possède » à lui seul au moins deux cités HLM à Saint-Denis et Villetaneuse, une PMI à Villepinte, une maison de retraite à Stains, un centre de santé à La Courneuve, une place à Pierrefitte ou une avenue à Montreuil…

[3] Nelson Mandela a au moins un collège au Blanc Mesnil, des stades à Saint-Denis et La Courneuve, un espace culturel à Épinay et à Bondy, un centre de loisir au Pré Saint-Gervais ou encore un centre social à Romainville…

[4] Villes où les UL ou l’UD a obtenu des locaux dans les Bourses du travail.

[5] Ce texte a été rédigé pour la revue Les Utopiques (numéro 24, « syndicalisme et territoires », hiver 2024). Anouk Colombani est membre de SUD Culture Solidaires et de l’Union départementale Solidaires Seine-Saint-Denis (93) dont elle est co-secrétaire. Elle est également une des animatrices du site Rue de la Commune et des activités liées.

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Vers une démocratie autogérée ? Dans et hors de l’entreprise

Trop connotée, difficile à mettre en œuvre sur le plan pratique et contradictoire avec le système capitaliste, pour ses contempteurs, l’autogestion serait reléguée au rang des utopies passées de mode depuis les années 1970. Pourtant, la période montre qu’il est plus que jamais nécessaire de reposer la question de la démocratisation de l’économie et du travail qui concilierait (voire réconcilierait) le rôle de travailleur/travailleuse et citoyen/citoyenne.
La première partie de ce texte est initialement paru dans Cerises la coopérative n°47, mai 2023 (www.ceriseslacooperative.info)

Militante de Solidaires Finances publiques dont elle a été déléguée nationale adjointe, Ophélie Gath est membre du Secrétariat national de l’Union syndicale Solidaires. Elle a publié (avec Vincent Drezet) Argent public pour mieux vivre ensemble. Impôts, dépense publique, service public, protection sociale : et maintenant que fait-on ? Éditions L’Harmattan, 2021.

[DR]

Si pour les gouvernants, la crise démocratique n’existe pas au motif qu’ils ont été élus et qu’ils appliquent un programme dans le respect du cadre institutionnel, nous vivons en réalité la plus grave crise démocratique de ces 50 dernières années. On observer une fracture entre une grande partie de la population et celles et ceux qui exercent le pouvoir. Le président de la République a négligé depuis le début de son mandat les « corps intermédiaires » de toute sorte, et singulièrement les organisations syndicales (si tant est que ce soient des « corps intermédiaires). Malgré des alertes récentes comme la crise des Gilets jaunes, Emmanuel Macron et son gouvernement ont estimé que leur projet était le seul possible et qu’il ne souffrait d’aucune alternative. Dés lors, face au rejet massif du projet de contre-réforme, la seule issue possible pour le pouvoir était de l’imposer, « coûte que coûte » et de veiller à ne tenir aucunement compte de la position des organisations syndicales alors que celles-ci étaient jugées plus représentatives et légitimes que le gouvernement. Les artifices et arguments du pouvoir (l’utilisation de textes constitutionnels, l’absence de vote de l’Assemblée nationale, le 49-3, les déclarations provocatrices ou encore la répression policière ont largement contribué à aggraver la crise.

Ce qui est aujourd’hui rejeté est donc sa manière d’être, de se comporter, ses mesures et la façon dont fonctionnent les institutions, en quelque sorte une crise d’illégitimité de cet ensemble. A contrario, le conflit retraites et les enjeux liés au pouvoir d’achat dans un contexte inflationniste ont réhabilité le rôle et la légitimité des organisations syndicales et du mouvement social. Comment éviter qu’une nouvelle mesure illégitime soit imposée et comment faire vivre une vraie démocratie sociale, dans l’exercice du pouvoir et dans nos entreprises et administrations, sur nos lieux de travail ?  Répondre à ces questions est d’autant plus nécessaire que les enjeux économiques, sociaux et écologiques actuels sont immenses.

La question démocratique se pose à tous les niveaux

Dans le monde du travail, il est urgent d’associer les salarié·es aux décisions de l’entreprise, concerné·es au premier chef. Ceci suppose de donner un véritable rôle aux travailleur·ses et à leurs représentant·es, dans toutes les instances – y compris celles qui régissent les stratégies. La démocratie sur les lieux de travail ne saurait toutefois être réelle si elle reste guidée par les objectifs actuellement dominants. Ceci implique par conséquent de sortir du management actionnarial, avec la finance et les profits pour seule boussole, et préférer des formes de lieux de travail plus coopératifs et solidaires au sein desquels la démocratie sociale s’exprime réellement. Il s’agit aussi ici de refaire sens et de faire rimer conditions de travail et conditions de vie. « L’objet social » de l’entreprise en serait profondément réorienté et les services publics retrouveraient leur sens premier. La démocratie doit également pouvoir vivre et s’exprimer dans les choix concernant la population. De ce point de vue, l’exercice solitaire et de plus en plus intolérant est discrédité.

[Solidaires/Syllepse]

Il nous faut donc revoir le modèle social dominant et faire émerger un autre projet, celui auquel semble aspirer une part croissante de la société au regard de l’érosion intrinsèque du modèle capitaliste qui au-delà de creuser les inégalités, aliène les travailleurs∙ses et pourrit la planète. Cette transformation sociale passe par une forme d’autogestion, laquelle reste cependant à définir et construire collectivement, et qui ne peut être déconnectée des enjeux écologiques.  Dans cette approche, et sans aller dans le détail, la population doit se sentir représentée légitimement avec des consultations des organisations du mouvement social, mais aussi des consultations directes de la population et globalement à réussir le défi de construire une société des égalités, avec le respect des minorités.

La démocratie ne résulte pas en un vote périodique, lequel exclut au passage les personnes qui vivent et travaillent dans notre société, les étranger·es sont privé·es d’un droit fondamental qu’est celui de l’expression, et de participer à une vie collective. Sur la base de règles claires connues et reconnues, la démocratie : c’est partout et tout le temps. Un nouveau contrat social, en somme !

Face à la crise du « travail », quelle voie pour l’autogestion sociale et écologique ?

Le débat sur le travail que la contre-réforme des retraites a, de facto, alimenté le démontre aisément : parler de la place et du rôle du travail, mais aussi de son organisation et de son sens profond est l’affaire de chacun∙e. Dès lors, on ne peut ignorer les enjeux et l’approche d’une organisation dans laquelle les travailleuses et travailleurs auraient une place centrale dans les décisions et qui remettrait en cause le management, l’individualisation et, finalement, l’objectif surdéterminant consistant à dégager un profit capté pour l’essentiel par une minorité d’agents économiques. La question est d’autant plus sensible que, fidèle à sa capacité d’appropriation des concepts pouvant le gêner, le capitalisme porte une approche très individualisée de l’autogestion. Face à celle-ci, qui ferait de l’autogestion un outil au service de la seule rentabilité, il nous faut donc penser une organisation qui place les travailleuses et travailleurs au centre des décisions dans la gestion de la production et la répartition de la richesse créée.

« L’autogestion » à la sauce capitaliste

La flexibilité, la performance ou encore l’évolution du mode de travail redessinerait-elle l’autogestion ? C’est ce que pourrait laisser croire le discours managérial selon lequel il faudrait que la coordination du travail, certains arbitrages ou encore des choix techniques et fonctionnels soient décidés par les travailleurs et travailleuses. A titre d’exemple, dans le secteur privé comme dans le secteur public, les réunions visant à les « associer » pour porter des propositions de simplifications, de revue et d’amélioration des process ou tout simplement pour l’organisation matérielle des open-spaces évoluant vers des flex-offices ont tendance à se multiplier. Il en va de même pour l’organisation du télétravail, de plus en plus répandu. La participation de toutes et tous étant au cœur de ces échanges, cette évolution du travail est par conséquent présentée comme procédant d’une meilleure collaboration et le fruit d’une intelligence collective de l’ensemble des personnels. Ces transformations redéfiniraient le rôle du manager, lequel serait incité à mieux gérer l’humain grâce à des techniques de coaching, de communication et de gestion du stress. Tout cela relèverait donc d’une autogestion positive, car tournée vers la performance et le développement des compétences.

Seulement voilà, outre que ce qu’il faut bien appeler « mode de gouvernance et de management » n’associe pas les citoyen∙nes à l’orientation que doit prendre le travail par exemple, l’objectif reste d’améliorer la productivité pour, in fine, améliorer la rentabilité de l’entreprise et, dans le secteur public comme dans le secteur privé, de réduire les coûts. Évidemment, la propriété de l’entreprise relève ici toujours des actionnaires qui veillent jalousement à leurs intérêts ; en témoignent les versements records de dividendes de ces deux dernières années. Ces dividendes nourrissent non seulement des patrimoines économiques et personnels de plus en plus importants, mais aussi un système de domination, au sein duquel le pouvoir est concentré dans un nombre réduit de personnes et de (très grandes) sociétés, qui pèse sur l’organisation de la vie en société. Cette captation de la valeur apparaît d’autant moins soutenable et supportable que nos sociétés font face à des défis écologiques et sociaux majeurs. Permettre à chacun et chacune de vivre dignement implique d’améliorer la rémunération du plus grand nombre de d’augmenter la part des salaires dans la valeur ajoutée. En outre, financer la transition climatique et réduire les inégalités suppose ainsi des rentrées fiscales, mises à mal par des décennies de politiques fiscales injustes marquées d’une part, par des baisses d’impôt dont les grandes entreprises et les plus riches sont les grands bénéficiaires et d’autre part, par un évitement colossal de l’impôt. Ces politiques ont accru les injustices et nourri une crise démocratique qui est apparue au grand jour au premier semestre 2023.

Lier « travail » et « démocratie » ne saurait donc s’inscrire dans une approche qui fait du capitalisme un système indépassable face auquel il n’y aurait pas d’alternative.

Quelle approche de l’autogestion de demain ?

L’autogestion consiste à penser un travail (ou une activité) dirigé directement par les travailleurs/travailleuses, qui en définissent et suivent collectivement et directement les règles, les normes et les institutions. Il ne s’agit plus ici d’obéir à des consignes décidées en amont. Le refus d’une hiérarchie verticale et d’une division entre « gouvernant∙es » et « gouverné∙es », autrement dit entre patrons ou actionnaires et salarié∙es (direct∙es ou sous-traitants) accompagne cette organisation. Enfin, dans un tel cadre, les citoyen∙nes sont également associé∙es aux objectifs et sont informé∙es de l’évolution du travail d’une entreprise. Toutes les parties prenantes (travailleurs, producteurs, utilisateurs, consommateurs, membres de soutiens divers, etc.) étant concernées, il est en effet légitime qu’elles aient leur place dans les prises de décisions et dans leur mise en œuvre.

Outil d’une véritable transformation sociale, qui doit également poursuivre un objectif écologique, l’autogestion demeure compatible avec des formes d’entreprises coopératives et ce qu’il est convenu de nommer « l’économie solidaire ». Basée sur une remise en cause du fonctionnement managérial et hiérarchique traditionnel, elle n’implique pas pour autant une absence de la division du travail ni par conséquent que tous les personnels fassent tout et n’importe quoi. Elle repose sur le principe fondateur selon lequel elle se concentre sur la participation aux décisions, leur mise en œuvre et sur l’organisation du travail.

Une telle organisation doit donc être structurée afin que les modalités de discussions, de décisions et de mise en œuvre soient claires, démocratiquement décidées ex ante et évaluées ex post. Ce faisant, elle favorise l’implication et l’émancipation de chacun.e. Au fond, si plusieurs modalités pratiques sont possibles (rotation de mandats, contrôle, etc), le principe est que la décision finale est toujours du ressort du groupe formé par les travailleuses et travailleurs. Les décisions et les orientations doivent par ailleurs associer les populations puisqu’elles peuvent directement être concernées sur les conséquences des choix de l’entreprise qu’il s’agisse des conséquences sociales (la politique de l’emploi dans un bassin économique donné) ou environnementales (pour faire face au risque de pollution) par exemple.

« Le patron a besoin de l’ouvrier. L’ouvrier n’a pas besoin du patron… » [DR]

Quelle forme pourrait prendre les entreprises autogérées ? On peut évoquer ici les actuelles Sociétés coopératives de production (SCOP), qui reposent sur une gouvernance démocratique. Les salarié∙es ayant le statut d’associé∙e sont en effet nécessairement associé∙es majoritaires de la société et possèdent donc au minimum, ensemble, 51 % du capital social. Aucun∙e associé∙e ne peut détenir plus de la moitié du capital et concentrer ainsi le pouvoir. Lors d’un départ d’un∙e salarié∙e ayant le statut d’associé∙e, le capital qu’il ou elle a investi lui est remboursé, Tous les salarié∙es d’une SCOP n’en sont pas associé∙es, mais ont vocation à le devenir. La forme associative, à but non lucratif, est également une forme d’organisation à prendre en compte. Cet existant constitue en quelque sorte un « point de départ » que rien n’empêcherait de faire évoluer. Dans une action complémentaire à celles des services publics, ces organisations nouvelles du travail pourraient également se décliner en Sociétés coopératives d’intérêt général. Celles-ci n’auraient pas vocation à dégager un profit. Organisées autour du principe « un associé = une voix », elles pourraient intervenir dans la prise en charge de certains travaux, par exemple en matière d’isolation thermique des bâtiments publics ou de transports publics de proximité. Là aussi, la population et ses représentant∙es seraient associé∙es aux décisions et à la gestion d’une structure poursuivant par définition un objectif d’intérêt général.

Pour nourrir la réflexion, il peut être utile d’analyser par exemple la façon dont plus d’une centaine de maisons médicales fonctionnent en Belgique. Celles-ci ont en effet remis en cause le fonctionnement hiérarchique traditionnel et offrent une large place aux travailleuses et travailleurs dans la gestion. Si la place centrale revient à l’usager∙e, toutes les parties prenantes travaille ensemble : médecins généralistes, infirmier∙es, travailleurs et travailleuses sociaux, etc. Du fait de leur proximité avec la population, elles occupent une place importante dans les quartiers où elles sont situées.

Si cette nouvelle autogestion peut se concevoir à l’échelle locale voire sur certains secteurs particuliers et dans des structures de taille réduite voire moyenne, rien n’empêche de réfléchir à un mode d’organisation inspiré des mêmes principes dans des structures de grande taille. Chaque salarié∙e peut en effet être associé∙e aux décisions de son unité de travail locale et mandater un ou une représentant∙, qui rendrait compte, pour le niveau que l’on qualifiera ici de plus « global ». Enfin, l’idéal serait qu’au plan national, cette organisation autogérée du travail soit portée dans une orientation politique et mise en œuvre dans le cadre d’une planification stratégique. Sans cela en effet, elle n’apparaîtra que comme un supplément d’âme dans un système inchangé alors qu’elle a vocation à s’inscrire dans une transformation profonde et globale.


Ophélie Gath

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(re)Penser notre syndicalisme Grève Histoire

Changer le regard sur la grève

Un article à lire sur le site Ballast pour (re)penser la grève et notre syndicalisme…

« La grève ne se décrète pas, elle se construit. » Souvent entendue dans les AG, parfois critiquée, la formule reste pourtant plus que jamais d’actualité — n’en déplaise à certaines organisations dont le fonds de commerce consiste à taper sur les organisations syndicales en lançant des appels à la grève générale malgré leur peu d’assise chez les travailleurs. Les mobilisations sociales de ces dernières années ont fait apparaître la difficulté à organiser des grèves massives de nature à faire plier le pouvoir. Pour retrouver« les outils nécessaires à la construction d’une grève générale », Loez, membre de notre rédaction, soutient dans cet article qu’une des pistes pourrait être de changer le regard sur cette forme de lutte, qui reste l’arme de prédilection des travailleurs dans la guerre sociale.

Lire la suite…

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Mardi 14 mai / Vendredi 31 mai : 2 rencontres sur les Bourses du travail à ne pas manquer !

MARDI 14 MAI 2024 de 17 H à 19 H

~ à la librairie La Nouvelle Réserve ~ 

5 rue du Maréchal Foch à Limay

L’Union syndicale Solidaires 78 et l’Université Populaire du Mantois

avec le partenariat de la librairie La Nouvelle Réserve

vous proposent

DES PREMIERS ÉCHANGES

AUTOUR DES BOURSES DU TRAVAIL

à partir du film documentaire de Patrice Spadoni. 59 mn.

Fernand Pelloutier, syndicaliste, poète, anarchiste, mort en 1901 à l’âge de 33 ans, fut l’un des principaux artisans d’une expérience hors du commun, celle des Bourses du Travail. Le film met en lumière la richesse de cette grande oeuvre collective, à travers la biographie d’un des acteurs majeurs du syndicalisme naissant.

VENDREDI 31 MAI 2024 à 19H 

~ à la Maison des Syndicats ~ 

19 rue de la Vaucouleurs à Mantes-la-Ville

L’Université Populaire du Mantois

en partenariat avec SUD Education 78 et La Maison des Syndicats

vous proposent

Une Histoire de la Bourse du Travail de Mantes la Jolie

présentée par Roger Colombier

Auguste Goust, maire de Mantes-la-Jolie, lors de l’inauguration de la Bourse du travail Place de Lorraine, affirmait qu’établie en ce lieu central de l’agglomération mantaise, elle offrait “aux travailleurs et à leurs syndicats tous les dégagements nécessaires et évitait de trop longs trajets pour s’y rendre”.

Puis le temps a passé … et les choses ont changé …

ENTRÉE LIBRE 

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(re)Penser notre syndicalisme Grève Podcast Solidarité !

Caisses de grève : une arme pour organiser la confrontation

Cet épisode d’Écoutes Émancipées est consacré à l’entretien de Gabriel Rosenman, doctorant à l’EHESS, par Antoine Chauvel, militant de l’école émancipée. Il revient sur l’histoire des caisses de grève et sa centralité actuelle.

C’est l’occasion de s’interroger sur les priorités financières des syndicats : faut-il réduire les dépenses courantes du syndicats (locaux, salaires des permanents) pour garder des moyens pour soutenir les grévistes ?

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(re)Penser notre syndicalisme Actu Solidaires 78 Histoire Idées, débats, cultures Le conseil lecture de la semaine Lecture

Les Utopiques n°25 – 25 ans de Solidaires

Ce numéro 25, consacré aux 25 ans de Solidaires, a été distribué en avant-première la semaine passée aux 400 congressistes de l’Union syndicale Solidaires, et sa diffusion est en cours pour les abonnements cette semaine.

Pour vous abonner : https://www.lesutopiques.org/boutique/

Les 25 ans de Solidaires sont le thème de ce numéro 25 de notre revue Les utopiques. La date retenue comme point de départ de ce quart de siècle est le congrès de décembre 1998 où fut décidé de mettre le mot « Solidaires » dans notre nom statutaire commun. Disons-le d’entrée : comme cela est signalé dans un des articles, « nous parlons des 25 ans de Solidaires, mais l’histoire ici contée [l’éclosion des SUD] date de 28 ans, celle de SUD PTT et de SUD Santé remonte à 36 ans,… 76 ans si on parle de Solidaires Finances publiques, héritier de 1948, 106 ans pour le Syndicat national des journalistes, fondé en 1918. »

La mémoire collective de notre organisation tient une place importante de ce numéro. Mais il ne s’agit pas d’une commémoration. Partager, apprendre, comprendre, discuter notre histoire permet de solidifier les liens d’aujourd’hui et de demain. « Réfléchir, lutter, gagner », nous disent Simon Duteil et Murielle Guilbert.

Notre Union syndicale a des origines diverses ; la revue n’étant pas une encyclopédie, il nous fallait faire des choix ; nous avons voulu qu’ils représentent les différentes facettes de l’histoire de Solidaires. Daniel Gentot nous parle du Syndicat national des journalistes (SNJ), Gérard Gourguechon du Syndicat national unifié des impôts (SNUI, aujourd’hui Solidaires Finances publiques) ; voilà pour nos syndicats ancêtres, toujours sur la brèche ! Les SUD historiques devaient trouver leur place ici : Annick Coupé raconte SUD PTT, Pascal Dias le CRC Santé-Sociaux, devenu SUD Santé-Sociaux. Après la grève de 1995, on vit « l’éclosion des SUD », ici évoquée par Christian Mahieux à travers l’exemple du secteur ferroviaire. Des responsables de SUD Industrie expliquent le cheminement amenant à passer de syndicats d’entreprise à des syndicats départementaux. Les Unions interprofessionnelles locales et départementales sont des pièces essentielles de notre syndicalisme. Mathilde Peyrache nous donne un aperçu de leurs réalités à travers son expérience en Loire-Atlantique.

Des thèmes sont transverses à notre activité militante. Gérard Gourguechon indique comment nous sommes passé « du fonctionnement de fait aux règles statutaires » ; la recherche du consensus, le refus de se contenter de majorité/minorité qui freinent la construction commune, sont au cœur de notre « fonctionnement innovant inspiré d’autres pratiques », comme nous le rappelle Elisabeth Gigant Claude. Dans ce qui sera son dernier article, Gérard Coste, décédé en mars 2024, revient sur l’histoire, la pratique et les débats liés à la formation syndicale. Annick Coupé, Cécile Gondard-Lalanne, Murielle Guilbert et Julie Ferrua traitent de « l’évolution des questions féministes dans Solidaires ».

Trois moments font l’objet d’articles spécifiques. Les Marches européennes contre le chômage, la précarité et les exclusions de la fin des années 1990, sont l’occasion pour Patrice Spadoni de revenir sur l’expérience, toujours vivante, de Canal Marches. Anouk Colombani traite du mouvement contre la LEC-CPE en 2006. Christian Mahieux resitue le contexte de la manifestation nationale organisée par Solidaires en mars 2012.

Sophie Béroud et Martin Thibault d’une part, Jean-Michel Denis d’autre part, nous offrent leurs regards de sociologues sur une organisation qu’ils et elle suivent depuis au moins 25 ans. « 1989, 1996, 2003 : SUD, Solidaires, vu d’ailleurs », le long entretien croisé entre Annick Coupé, Maryse Dumas, Gérard Aschiéri, Christian Mahieux, Claude Debons et Patrice Perret entre en résonnance avec la volonté d’ouvrir Les utopiques aux autres courants syndicaux, aux contributions de militantes et militants d’autres organisations, que nous remercions pour leurs contributions.

Sans doute fallait-il quelques repères chronologiques pour mieux situer cette aventure, ces aventures. Nara Cladera nous en propose vingt-cinq. Enfin, Judicaël Livet nous dit « Solidaires à 25 ans, moi aussi ». Quelle belle note pour clore ce numéro. Une ouverture vers la suite !


Ce 25ème anniversaire de notre organisation nous donne l’occasion de remercier deux personnes qui ont énormément œuvré à sa construction : Gérard Gourguechon, co-fondateur et porte-parole du Groupe des 10, premier porte-parole de l’Union syndicale Solidaires, de sa création à 2001, et Annick Coupé, porte-parole de 2001 à 2014. Leur engagement militant, leur intelligence politique, leur souci des personnes ont donné l’élan nécessaire aux structures du G10 et aux SUD nouvellement créés pour se connaître, se respecter et agir ensemble pour gagner des revendications, penser une société plus juste et plus humaine, organiser les salariés·es ! Leur relation égalitaire et confiante est remarquable et nous inspire encore aujourd’hui ! Et ne voyez surtout pas dans ces quelques mots un culte de la personnalité ou une idolâtrie ! Simplement, il s’agit de reconnaître l’apport essentiel de certaines personnes aux organisations collectives.

Un numéro particulier puisqu’il y a deux couvertures différentes et deux 4ème de couv. différentes. Vous avez donc soit Annick, soit Gérard en couverture et l’inverse en 4ème de couv.

De par son thème, ce numéro nous a amené à citer plus de noms, à mettre plus de photos de militantes et de militants qu’à l’accoutumée. Bien d’autres auraient pu, auraient dû, y figurer. Le nombre de pages, qu’il faut bien limiter, ne le permet pas.

Mais l’outil commun, Solidaires, n’est propriété de personne, il nous appartient à tous et toutes, celles et ceux qui l’ont fait vivre, le faisons vivre, le ferons vivre ; vivre et évoluer en fonction d’une perspective, celle de l’émancipation sociale. Le syndicat est à chacune et chacun d’entre nous, mais n’existe et n’est utile que sous sa forme collective.

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Déclaration de l’Union syndicale Solidaires en congrès le 25 avril 2024

L’Union syndicale Solidaires a tenu son 9ème Congrès dans un contexte mondial délétère : guerres en cours ou qui menacent, nationalisme, montée de l’extrême droite, tandis que les trajectoires prises pour ralentir et stopper les changements climatiques sont plus qu’insuffisantes. Comme l’ensemble des populations, les travailleuses et travailleurs sont confronté·es directement aux conséquences de ces conflits comme de la crise écologique.


Voir aussi Congrès de Solidaires : la déclaration, les vidéos des plénières, les films “Plus belle la lutte” le journal d’autodérision et autogestionnaire du 9ème congrès


Sans surprise, loin d’amorcer un quelconque virage pour aller vers plus d’égalité, de justice et d’espoir, ce gouvernement mène tambour battant des politiques ultra-libérales qui démantèlent les conquis sociaux : attaques frontales de l’assurance chômage, discours sur la dette conduisant à raboter encore plus les politiques publiques et les moyens de services publics déjà exsangues, remise en cause du statut de la fonction publique et provocations comme le projet d’extension du licenciement dans la fonction publique, ou encore un énième projet de loi Travail qui remettra en cause les droits des travailleuses et travailleurs… pour mieux asseoir encore la réalité d’un gouvernement totalement au service du patronat et des ultra-riches.

Le gouvernement attaque quotidiennement nos libertés, couvre les violences policières et renforce les systèmes de dominations sexistes et racistes. Élu face à l’extrême-droite, ce pouvoir politique s’approprie ouvertement ses positions (loi immigration…), les installe dans la société, et nous fait glisser dans une société de plus en plus autoritaire, de répression et de sanctions particulièrement à l’encontre des militant-es.

Dresser ce constat lucide, n’est pas faire preuve de défaitisme : c’est une tonalité offensive qui se dégage de nos débats. Notre combat syndical est clairement orienté vers la justice sociale et environnementale, l’égalité, la défense des libertés publiques et individuelles et contre le système capitaliste.

Les débats de notre congrès pointent des éléments essentiels dans la perspective d’un changement profond de société qui se traduiront concrètement par des revendications et des actions claires :

  • une campagne sur les salaires et l’égalité des droits pour tous et toutes parce que la question de la répartition des richesses reste centrale pour une majorité des travailleurs et travailleuses,
  • la conquête de nouveaux droits :
      • – un nouveau statut du salarié·e (pour une continuité du salaire et des droits sociaux entre deux emplois), augmenté de droits notamment dans les phases de reconversion des entreprises polluantes, en associant pleinement les travailleurs et travailleuses à ces reconversions,
      • – une déclinaison de revendications, en particulier d’amélioration de la sécurité sociale :
        – une sécurité de l’accès à l’alimentation incluant les travailleurs-euses qui l’assurent, dans le respect de l’environnement
        -le droit au logement
  • les revendications d’un congé hormonal (dont menstruel), de 26 jours par an, sans justificatifs, inclusif, pour de meilleures conditions de travail de plus de la moitié de la population
  • une véritable politique du handicap offensive pour sortir de l’enclave ces travailleurs et travailleuses,
  • la déconstruction des discours sur l’IA et leurs impacts sur le travail et nos vies…

Solidaires s’engage à mettre toute son énergie pour démontrer que le syndicalisme est porteur d’un projet de transformation sociale pertinent, que l’unité intersyndicale, l’initiative et la maîtrise des luttes par les salarié·es sont une force et à l’échelle mondiale en renforçant le RISL.

Solidaires ouvre en son sein, un débat sur l’évolution du syndicalisme, et sur quel outil serait capable de répondre mieux qu’actuellement aux aspirations des travailleuses et travailleurs.

Nous avons confirmé l’importance d’un lien étroit avec le mouvement social, les collectifs et associations de lutte et la nécessité de développer l’Alliance écologique et sociale.

C’est en portant des perspectives d’amélioration de nos vies et emmenant des luttes gagnantes que nous ferons reculer l’extrême-droite dont le Rassemblement National qui n’est jamais à l’aise en période de fort mouvement social… parce que profondément vecteur d’un projet néolibéral, de divisions et de haine à l’opposé des aspirations d’émancipation, d’égalité et de justice sociale de notre syndicalisme. Une campagne, si possible unitaire, sera proposée et menée contre les idées d’extrême droite plus particulièrement à destination des travailleurs et travailleuses.

Force est de constater que pour relever ces défis, il nous faut également les moyens de gagner tandis que nous avons à faire face à un gouvernement allié du patronat, décomplexé, autoritaire et qui n’hésite pas à réprimer et criminaliser les organisations du mouvement social de plus en plus.

Face à cela, nous avons tiré les leçons du mouvement des retraites de 2023 qui a confirmé la capacité du syndicalisme à mobiliser très largement le monde du travail. Mais pour gagner le rapport de force, il faut plus de grèves, sans exclure les formes de blocages qui se sont multipliées dans leur diversité.

Pour plus de grèves, il faut plus de syndicats de terrain et de lutte, dans les entreprises les administrations, plus de syndiqué·es et la conviction de pouvoir gagner. Organiser massivement les travailleuses et les travailleurs, dans une structure qui défend notre classe sociale, qui cherche à développer une démocratie concrète et à lutter contre toutes les précarités, dominations et oppressions est indispensable pour Solidaires. C’est pour cette raison que le congrès fait de notre développement une priorité des trois prochaines années. Il faut en finir avec les déserts syndicaux qui ne profitent qu’au patronat.

Nous mènerons la réflexion à la base, sur les formes et les tactiques pour faire de la grève l’outil central et populaire de nos prochaines luttes et mobilisations sociales. Cela suppose aussi que l’ensemble des travailleurs, travailleuses dans toutes leurs composantes en soient acteurs et actrices.

Pour Solidaires, face à l’ensemble des attaques, un mouvement syndical fort, unitaire, offensif, indépendant, internationaliste, écologiste et féministe est d’autant plus nécessaire.

Travailleurs-ses en activité, au chômage, en formation, en retraite, avec ou sans-papiers, ont des intérêts communs à défendre. Le congrès confirme le syndicalisme et spécialement notre syndicalisme de terrain, alternatif, horizontal et de transformation sociale comme outil utile et efficace pour répondre aux multiples défis, sortir du renoncement et faire de chaque travailleuse et travailleur l’actrice et l’acteur de sa résistance et de ses luttes.

Au-delà, nous continuerons notre travail quotidien avec les collectifs et organisations du mouvement social, en France et à l’étranger, qui œuvrent chaque jour pour les alternatives qui s’inscrivent dans notre projet de transformation sociale.

La tenue des Jeux Olympiques et paralympiques en France servent de prétexte pour s’affranchir toujours plus du Code du travail, écraser les populations les plus précaires, et étendre le contrôle sécuritaire. L’Union syndicale Solidaires et ses organisations seront particulièrement vigilantes, mobilisées et actrices de toute lutte sociale initiée par les travailleuses et travailleurs à l’encontre de ces reculs.

L’Union syndicale Solidaires apporte son soutien plein et entier à ses syndicats et aux travailleurs et travailleuses actuellement engagé·es dans des mouvement de grève, notamment les luttes des sans-papiers qui continuent.

L’Union syndicale Solidaires proposera à l’ensemble des forces syndicales de discuter de la construction de la riposte face aux mauvais coups qui se préparent. Ni l’austérité, ni le rabotage du code du travail, ni les attaques contre la fonction publique ne sont acceptables.

L’Union syndicale Solidaires appelle d’ores et déjà à défiler en nombre le 1er mai contre l’austérité, pour nos salaires et pour la paix. L’union fait notre force !

Toulouse-Labège, le 25 avril 2024

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(re)Penser notre syndicalisme En grève ! Luttes féministes

Retour sur une lutte syndicale : la grève féministe en Euskadi

Sur le s

Sur le site syndicalistes.org, une traduction d’un article des camarades basque tirant le bilan de leur grève féministe du 23 novembre dernier, avec des réflexion intéressantes sur comment ancrer la grève dans les lieux de travail : https://www.syndicalistes.org/ela-fait-le-bilan-de-la-greve-generale-feministe-du-30-novembre-2023

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