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Dans le privé et le public, un syndicalisme de lutte pour la transformation sociale

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Communiqué SNJ – Bayard : n’en restons pas là !

Le Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession, a pris connaissance ce lundi, avec soulagement, du communiqué du directoire du groupe Bayard. Le SNJ fait partie de l’intersyndicale qui a appelé à la grève “afin de réclamer le retrait de Bayard de l’ESJ-Paris et de s’opposer à l’embauche d’Alban du Rostu comme directeur de la stratégie et du développement”

Nous saluons la mobilisation exemplaire des salariés du groupe qui a permis d’obtenir satisfaction sur ces deux revendications. La menace est écartée… mais pour combien de temps  ? Il faut au plus vite protéger l’indépendance des rédactions, et consolider le dispositif d’enseignement du journalisme en France. Le SNJ appelle à la mobilisation de la profession autour de la création de nouveaux droits pour les équipes rédactionnelles, ainsi qu’au renforcement du soutien aux formations reconnues par la profession. A l’heure où le ministère de la Culture prépare un projet de loi censé reprendre les préconisations des Etats généraux de l’information, le SNJ rappelle qu’une mesure urgente s’impose : doter les rédactions d’un statut juridique leur permettant de faire valoir un droit d’opposition collectif. Si les équipes de Bayard viennent d’obtenir gain de cause, la lutte entre les rédactions et les actionnaires est trop souvent inégale. Rétablir un juste équilibre est aujourd’hui une nécessité démocratique.  Concernant le retrait de Bayard du groupe d’investisseurs ayant récemment racheté l’Ecole Supérieure de Journalisme (ESJ) Paris, cette décision va dans le bon sens mais ne règle pas le problème de fond. Avec ou sans Bayard, plusieurs propriétaires d’importants groupes de presse viennent de mettre la main sur une école de journalisme. Le journalisme est une profession “ouverte”, qu’on peut exercer sans diplôme. Nul besoin d’être passé par l’une des 14* formations reconnues par la profession pour travailler dans une rédaction. D’ailleurs, les diplômés de ces 14 cursus sont aujourd’hui minoritaires parmi les détenteurs de la carte d’identité des journalistes professionnels (la “carte de presse”).Néanmoins, le journalisme… ça s’apprend. Cette conviction a poussé les syndicats professionnels, SNJ en tête, et les fédérations d’employeurs à intégrer dans la convention collective de travail des journalistes*, il y a près de cinquante ans, le principe de la “reconnaissance” par la profession. Pour obtenir cette “reconnaissance”, un cursus de formation au journalisme doit déposer un dossier auprès de la Commission Paritaire Nationale de l’Emploi des Journalistes (CPNEJ), composée pour moitié de syndicats de salariés, et pour moitié d’employeurs. Cette dernière s’assure que les critères fixés par la profession sont bien remplis et qu’un référentiel pédagogique est respecté. Les journalistes diplômés des établissements suivant ce “cahier des charges” bénéficient d’avantages conventionnels, de la possibilité de participer aux “concours et bourses” mis en place par les médias, et plus généralement d’une meilleure insertion dans le milieu professionnel du fait des liens entre leurs écoles et les entreprises.  Trop souvent, les écoles de journalisme sont visées par des accusations délirantes, voire complotistes, parfois directement venues de l’extrême droite. Sortons des fantasmes et des débats irrationnels : si le dispositif actuel est sans nul doute perfectible, il a permis de dispenser à des générations d’étudiants “l’enseignement technique et général” attendu par la profession, sans oublier les règles éthiques et les pratiques conformes à la déontologie. Et ces milliers de diplômés, qu’ils travaillent aujourd’hui à TF1, Mediapart, l’Humanité, Le Figaro, l’Opinion ou France Inter, participent au pluralisme de l’information dans notre pays.   En décidant d’investir massivement dans une formation non reconnue par la profession, plusieurs milliardaires font planer une grave menace sur la stabilité de ce dispositif. Quel enseignement au journalisme souhaitent messieurs Bolloré, Dassault ou Saadé ? Les portes de leurs nombreux médias seront-elles toujours ouvertes aux journalistes passés par des formations reconnues ?   Cette acquisition de l’ESJ Paris intervient au moment où les écoles de journalisme agréées par la profession font face à d’importantes difficultés pour préserver leur niveau d’exigence et la spécificité de leurs enseignements. La volonté de magnats de la presse de racheter des établissements, ou de créer, comme le groupe Ebra, leurs propres formations “sur mesure”, met en péril l’équilibre global de l’enseignement du journalisme. Par ailleurs, le travail de la CPNEJ (commission paritaire à l’origine de la “reconnaissance”) reste toujours lourdement pénalisé par l’absence totale de financement public spécifique.  Le Syndicat National des Journalistes, première organisation de la profession, réaffirme son attachement à l’ensemble des établissements et instances qui concourent depuis des années à l’enseignement agréé du journalisme en France, et demande aux  pouvoirs publics d’agir pour que cette filière conserve les moyens de remplir ses missions. Nous appelons l’ensemble des journalistes et des entreprises de presse à défendre une formation exigeante, co-construite avec la profession, et indépendante des pouvoirs industriels.   

* 1 Le CUEJ (Strasbourg), l’ESJ (Lille), l’IUT de Lannion, l’IJBA (Bordeaux), l’EJT (Toulouse), l’EJCAM (Marseille), l’IUT de Nice-Cannes, l’EdJG (Grenoble), l’EPJT (Tours), le CFJ (Paris), l’IFP (Paris), le CELSA (Paris-Neuilly), l’IPJ-Dauphine (Paris), et l’EdJ de Sciences-Po (Paris). 

* 2 Article 10 de la Convention Collective Nationale de Travail des Journalistes: “Les parties contractantes affirment tout l’intérêt qu’elles portent à la formation professionnelle des journalistes. Elles souhaitent que les débutants aient reçu un enseignement général et technique aussi complet que possible. (…) Pour être agréés, (…) ces organismes devront être paritairement contrôlés, apporter les garanties nécessaires en ce qui concerne les méthodes pédagogiques et associer la profession (employeurs et journalistes professionnels) au corps enseignant”. 

Paris Mardi 3 décembre 2024

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