En préparation de la rencontre organisée par Solidaires 78 sur les prisons, le mercredi 2 février, nous poursuivons la publication de lettres de prisonnier·es.
Nous vous invitons également à écouter cette émission de radio sur la pauvreté en prison.
Lettre de Libre Flot,
quartier d’isolement de Bois-d’Arcy, avril 2021
Pour moi qui ai vécu la majeure partie de ma vie de manière collective, j’avais pourtant récemment accepté les bienfaits de courtes périodes de solitude. En disant cela, j’ai comme un arrière-goût âpre dans la bouche tant mes semblables me manquent. Ce sentiment n’est pourtant pas justifié mais provient de l’amalgame dont, dans ce contexte, j’ai du mal à me séparer, entre solitude et régime d’isolement. Il m’est pourtant simple de constater que l’isolement est à la solitude ce que la lobotomie
est à la méditation. L’être humain étant un animal grégaire, le lien social est pour lui, elle, un besoin vital. L’isolement s’apparente donc à de la torture. Non pas une torture physique existant par un fait ou un acte, mais une torture plus pernicieuse, invisible, permanente, existant par cette absence continue. […]
Depuis presque trois mois, je ne parle plus, je n’ai personne à qui
parler. Du coup la pensée, ne se transformant pas en parole et donc ne recevant pas de retour, n’arrive pas à se moduler, à se matérialiser, elle devient insaisissable, comme un brouillard confus. C’est comme une grosse boîte de Lego renversée mais qu’on ne sache plus comment on emboîte deux pièces. J’ai l’impression d’être abêti, comme en état de choc, la capacité de penser m’aurait été retirée.Écrire ce texte me prend plus d’une semaine et de nombreux maux de tête. Non, le Covid n’a
pas la carrure pour cela, j’ai été testé négatif durant cette période, donc l’isolement en est bien la cause.
L’on dit que le propre de l’homme (et de la femme) est le rire. Mais seul·e, sans contact humain, le rire est impossible, l’isolement nous retire le droit à notre humanité. Pour garantir son humanité, devrait-on rire seul·e ? Serait-ce s’adapter à cette situation ? Mais rire seul·e, pour certaines personnes, cela s’apparente à la folie et la folie, pour d’autres, mérite l’enfermement. Devrait-on enfermer les gens pour les conséquences de leur enfermement ?
Libre Flot
Le livre « La peine de mort n’a jamais été abolie » est disponible !
L’État français aurait aboli la peine de mort le 9 octobre 1981. En réalité, la guillotine a été remplacée par des peines infinies qui tuent à petit feu. Des dizaines de personnes meurent chaque année derrière les murs. Violence des surveillants, manque de soin, désespoir…
Depuis 40 ans, des prisonniers prennent la parole et dénoncent la mascarade de l’abolition : « Nous, prisonniers qui vivons dans le ventre de la bête carcérale, nous adressons cette supplique à ceux qui, réunis, fêterons l’anniversaire. Les prisons actuelles sont des mouroirs… »
Joyeux anniversaire ?
Nous sommes fier.e.s de vous annoncer que le nouveau livre de l’équipe de L’Envolée a paru chez Les éditions du bout de la ville. Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir pour le quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort. Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.
Le livre est disponible dans toutes les bonnes librairies, et sur la boutique de la maison d’édition. Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches.
Lien vers la page du site de l’Envolée : https://lenvolee.net/le-livre-la-peine-de-mort-na-jamais-ete-abolie-est-disponible/