Les représentants du personnel de l’établissement Renault de Guyancourt étaient consultés ce matin sur « la mise en œuvre par décision unilatérale d’un dispositif d’Activité Partielle de Longue Durée (APLD) dans les Établissements d’Ile-de-France ».
Comité Social et Économique extraordinaire du 01/02/2021 : Information/Consultation sur le projet de mise en œuvre par décision unilatérale d’un dispositif d’APLD dans les Établissements d’Ile de France.
Déclaration SUD
Selon la direction, le recours au dispositif d’Activité Partielle de Longue Durée (APLD) serait inévitable dans nos établissements d’Ile de France. Dans le même temps, la mise en œuvre au plus vite du plan Renaulution entraîne des changements complexes d’organisation dans toutes les directions : ingénierie, qualité, design, supply chain, etc. Chacun est exhorté à se retrousser les manches pour exécuter sans discuter cette nouvelle stratégie. A un moment où la tâche est immense, où il serait nécessaire de recréer du lien dans les nouvelles organisations, il nous est imposé une mise en activité partielle. Cherchez l’erreur !
Le recours à l’APLD n’est pas fondé dans notre établissement.
La direction met en avant une « réduction naturelle de la charge en 2021, due à la réduction de la diversité et de la complexité des projets à développer et à une priorisation des activités ».
Mais la direction se garde bien, dans son diagnostic de la situation, de mentionner la réduction des effectifs, pas vraiment « naturelle » celle-là, de 1900 salariés dans le cadre d’une Rupture Conventionnelle Collective.
Car finalement, c’est bien une charge de travail accrue pour les salariés qui restent. D’autant que l’usage de l’activité partielle ne s’accompagne d’aucune révision des objectifs individuels, d’aucune remise en cause des jalons projets, si ce n’est, à l’inverse, pour fixer des objectifs toujours plus déconnectés de la réalité de raccourcir d’un an la durée de développement des véhicules.
Pour une journée de chômage partiel, ce sont quatre jours d’intense activité et d’horaires à rallonge, avec une dégradation manifeste de l’équilibre vie privée/vie professionnelle.
Dans le contexte de généralisation du télétravail et de neutralisation du portail MTT, il devient impossible de maîtriser et reconnaître le temps de travail effectif des ETAM, grands perdants de l’activité partielle.
Le recours à l’APLD, c’est « touche pas au grisbi » pour Renault et la double peine pour les salariés.
L’APLD est une mesure de soutien aux entreprises financée par l’Etat et l’Unedic. A ce titre, Renault reçoit une allocation égale à 60 % du salaire brut retenu dans la limite de 4,5 Smic. D’autre part, l’indemnité versée par l’employeur au salarié étant considérée comme un revenu de remplacement, elle est exclue de l’assiette de cotisations et contributions de Sécurité sociale.
Pour maintenir la rémunération nette des salariés à 100%, le Contrat de Solidarité et d’Avenir (CSA) – accord si mal nommé – réussit l’exploit de ne faire porter les efforts que sur les seules épaules des salariés. Au rythme d’un jour ponctionné toutes les 5 semaines, le compteur CTI ne suffira pas pour certains d’entre nous. Qu’à cela ne tienne, la direction puisera dans les congés principaux si nécessaire, congés si précieux pour permettre à tous de décompresser.
En résumé, quand Renault économise du cash grâce au chômage partiel, les salariés eux subissent la double peine : d’abord en perdant des jours de congés, ensuite en perdant aussi leur « salaire différé ». Les exonérations de cotisations de l’employeur sont autant d’argent en moins dans les caisses de retraite ou de la sécurité sociale. Elles sont le terreau des futures baisses des pensions de retraite, des remboursements médicaux ou des allocations chômage.
La justice sociale, c’est pour quand ?
L’accord de branche de la métallurgie (dit A.R.M.E.) stipule dans son article premier que l’employeur doit indiquer sa « décision d’appliquer, ou non, aux dirigeants salariés, aux mandataires sociaux et aux actionnaires des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant la durée de recours au dispositif d’activité réduite ».
La direction a décidé de ne pas suivre cette juste recommandation. Considérant que les cadres dirigeants pourraient voir leur part variable annuelle amputée dans le contexte économique actuel, elle annonce que « s’ils sont amenés à être placés en APLD, ils contribueront dans les mêmes proportions que les autres salariés ». La direction ignore manifestement la différence entre égalité et équité.
Plus cynique encore, l’annonce que « l’entreprise appliquera des principes de modération salariale pour ses cadres dirigeants ». Nos dirigeants savent parfaitement présenter des chiffres quand ils évoquent leurs objectifs de profitabilité, de génération de cash et de réduction d’effectifs. Mais quand cela touche à leur intérêt personnel, ce n’est que vague promesse…
Aucun engagement non plus de Renault de non-versement de dividendes aux actionnaires, sujet pourtant si symbolique !
Pourtant les pistes ne manquent pas, SUD suggère par exemple :
- le prélèvement à tous les cadres dirigeants d’un jour de CTI. Le montant correspondant serait versé dans le fonds de solidarité, toutes charges comprises.
- la mise en place d’une progressivité dans la ponction des congés, en fonction des revenus.
La direction a raté une belle occasion de s’attaquer aux inégalités salariales indécentes dans le Groupe, ignorant délibérément une demande largement partagée par les salariés de plus d’équité de traitement.
Toutes ces raisons conduisent les élus SUD à émettre un avis défavorable sur ce projet.