La crise sanitaire que nous vivons actuellement agit comme un révélateur
Comment ne pas s’indigner de la duplicité du discours gouvernemental ? Celui-ci feint de découvrir l’importance des services publics, alors qu’il en a réduit l’efficacité par ses politiques d’austérité. Il vante la solidarité en temps de crise, alors qu’il a volontairement affaibli notre système de protection sociale (financé par le travail) en allégeant les cotisations salariales.
Dans ce contexte, nous nous alarmons tout particulièrement de la situation dans la santé et le médico-social. Les hôpitaux en sont à lancer des appels aux dons pour avoir des masques, et de nombreuses structures (ambulanciers, maisons de retraite, centres d’hébergement, foyers liés à l’aide sociale à l’enfance) n’en ont pas, ou pas en nombre suffisant. Partout le personnel manque, alors que le nombre de malades augmente, y compris parmi les hospitalier.ières.
Le gouvernement favorise l’activité économique plutôt que la prévention des risques dans les entreprises. Nombre de salarié.es continuent à travailler dans les Yvelines sans qu’il n’y ait de mesure de confinement stricte suite à des contacts avec des cas avérés de contamination. Les instances représentatives du personnel, quand elles existent dans l’entreprise, ne sont pas systématiquement prévenues des contaminations de salarié.es et ne peuvent donc imposer à l’employeur son obligation de garantir la santé mentale et physique de son personnel. Dans le commerce de l’alimentation, notamment, les vendeurs.euses et caissiers.ières sont directement confronté.es à la propagation du virus. Sans matériel de protection personnelle (masque, gants, lunettes, gel…), les gestes barrières ne suffisent pas à se protéger efficacemment.
Nous dénonçons la logique du gouvernement qui préfère rassurer les actionnaires plutôt que de réduire l’activité aux seules professions vitales et nécessaires en temps de crise. La double injonction « restez chez vous » mais « allez travailler » est incompréhensible et intenable.
L’épidémie prend de l’ampleur, et nous appelons les salarié.e.s des secteurs non cruciaux à se mobiliser pour faire respecter leurs droits et leur santé, et donc exiger la fermeture des activités non essentielles. Comme en Italie, la cessation de la production doit permettre d’éviter une sur-contamination et un engorgement des hôpitaux. Les salarié.es ne doivent pas être doublement victimes de l’urgence sanitaire, et ils doivent obtenir la garantie d’un maintien total des salaires (primes comprises et autres participation et intéressement).
La loi d’urgence sanitaire est lourde de dangers pour les droits de tous les salariés. Nous dénonçons la possibilité d’agir par ordonnance pour le gouvernement, sans instances de contrôle, et l’opportunité offerte aux employeurs de déroger au droit applicable en matière de prise des congés payés, de temps de travail, de temps de repos…
Ces mesures toucheront en premier lieu les femmes et les précaires (caissières, aides à domicile, livreurs, personnel de santé ou du médico-social). C’est d’autant plus inacceptable que la société en temps de crise repose en grande partie sur leur dévouement et leur professionnalisme.
Nous demandons que les mandaté.e.s syndicaux.ales (notamment les élu.e.s CHSCT et CSE) puissent se déplacer (bien sûr dûment équipé.e par l’employeur de protections individuelles) dans tout le périmètre de leur mandat, pour échanger avec des salarié.e.s souvent inquièt.e.s et faire respecter le droit du travail ainsi que les conditions d’hygiène et de sécurité.
Nous nous inquiétons également des dérives en termes de libertés publiques. Nous alertons sur les mesures répressives visant uniquement la population, alors que nombre d’entreprises mettent la pression pour que les salariés retournent travailler sur site, notamment dans la métallurgie. Nous sommes dans une région où la crise du logement sévit depuis des décennies et conduit des dizaines de milliers de Francilien.nes à vivre dans des logements trop petits (et trop chers !) voire parfois insalubres. Parce que la solidarité ne s’arrête pas à la porte des lieux de travail, nous demandons au préfet la mise à l’abri sécurisée (y compris en termes de santé) de toutes personnes et familles en précarité (sans logement, migrants, habitants des bidonvilles…), en réquisitionnant si nécessaire, et en les dotant de bons d’alimentation.
Dans la Fonction Publique, nous constatons une situation administrative ubuesque qui pousse par exemple les enseignants à assurer une « prétendue continuité pédagogique » alors que les conditions ne sont manifestement pas réunies pour télétravail. L’accueil des enfants de soignant.e.s dans les établissements scolaires l’est encore trop souvent sans le respect des règles d’hygiène élémentaire : absence de désinfection régulière des locaux et du matériel, de mise à disposition de savon liquide, serviettes en papier à usage unique, gel hydroalcoolique. Nous rappelons que c’est l’impératif sanitaire qui doit primer sur tout et partout. Nous demandons par ailleurs que soit prise en considération la situation des CDD dans la FP qui risqueraient de perdre leurs droits du fait de la situation de confinement (pas de renouvellement de contrat), de même que pour les contrats précaires du privé.
Les suspensions de la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage, du projet de réforme des retraites, du jour de carence en cas d’arrêt maladie vont dans le bon sens, mais il convient d’aller plus loin en les retirant purement et simplement.
Trappes, le 26 mars 2020
*qui ont également demandé par courrier ce jour une téléconférence sous l’égide du Préfet associant La Direccte, les organisations syndicales et les organisations patronales.