Le 5 décembre, le ministre Attal a adressé un courrier aux enseignant·es et a tenu une conférence de presse pour commenter les résultats de l’enquête Pisa et pour présenter les mesures du « choc des savoirs » destiné à « élever le niveau des élèves ».
Un retour à l’école d’autrefois
À l’école comme au collège, les mesures de ce « choc des savoirs » ont la même logique : rendre les élèves scolairement fragiles responsables de leurs difficultés en multipliant les dispositifs destinés à les mettre de côté et à leur faire « rattraper le niveau » plutôt que de trouver des moyens pour les faire réussir avec les autres.
C’est cette logique inspirée d’une vision rétrograde de l’école qui conduit le ministre à remettre au goût du jour le redoublement forcé, dont l’efficacité est loin d’être démontrée mais dont les effets sur l’estime de soi n’ont plus besoin d’être documentés, ou à inventer un passage à la classe supérieure conditionné à la participation à des stages pendant les vacances.
Pour SUD éducation, c’est à l’École de tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions d’études des élèves et lutter ainsi contre les inégalités sociales, qui pèsent très lourdement dans la réussite scolaire. La baisse du nombre d’élèves par classe en éducation prioritaire a commencé à porter ses fruits : il faut l’amplifier et à la généraliser afin que tou·tes les élèves puissent bénéficier de l’attention et de l’accompagnement qu’il leur faut.
Une liberté pédagogique cadenassée dans les écoles
Dans les écoles primaires, le ministre Attal souhaite en plus cadenasser davantage la liberté pédagogique en réécrivant les programmes avec des objectifs annuels renforcés et en contrôlant davantage l’utilisation des manuels. Si on peut se permettre d’espérer que la rénovation des programmes intègre enfin des objectifs d’apprentissage concernant notamment l’écologie ou l’éducation à la vie affective et sexuelle, le retour annoncé à des prescriptions annuelles va à l’encontre du respect du rythme des élèves.
SUD éducation suivra avec attention la réécriture des programmes pour veiller à ce que les enjeux du monde d’aujourd’hui ne soient pas une nouvelle fois escamotés.
Cette réécriture devrait par ailleurs mener à une nouvelle approche de l’enseignement des mathématiques, inspirée de la « méthode de Singapour », qui semble être devenue la nouvelle lubie du ministère et dont l’application risque donc de faire l’objet d’un contrôle tatillon par les inspecteurs et inspectrices les plus zélé·es.
La même volonté de normalisation des méthodes d’enseignement se retrouve dans l’annonce d’une labellisation des manuels scolaires, à commencer par les manuels de lecture de CP à la rentrée 2024. Cette labellisation doit s’accompagner d’investissements de l’État pour favoriser l’achat de manuels en CP et en CE1. Face à ce contrôle par l’État des manuels utilisés (et qui concernera d’ici 2026 tous les manuels du CP à la terminale !), SUD éducation rappelle son attachement à la liberté pédagogique : ce sont les enseignant·es qui sont les plus à même de choisir la méthode et les outils les plus adaptés à leurs élèves et à leur approche pédagogique.
À rebours des propositions ministérielles, pour améliorer les conditions d’études des élèves et lutter contre les inégalités sociales, SUD éducation revendique :
– une baisse des effectifs par classe ;
– un réseau d’aides spécialisées complet dans toutes les écoles et des médecins scolaires en nombre suffisant ;
– des moyens pour l’école inclusive ;
– une reconnaissance du métier d’AESH par la création d’un véritable statut.
Retour du redoublement imposé aux familles : une vision réactionnaire de l’école
Ce mardi 7 décembre, le ministre Attal annonçait le retour de la possibilité donnée aux équipes pédagogiques d’imposer le redoublement aux familles, par le biais de la publication d’un décret début 2024.
Il s’agit de revenir sur un décret publié en 2014 qui avait laissé le dernier mot aux familles. Le taux de redoublement restait à l’époque l’un des plus élevés d’Europe. Il était cependant en forte baisse depuis une décennie, les enseignant-es ayant fait l’expérience de son caractère insatisfaisant.
Depuis 2014, le redoublement a de fait continué à baisser : en 2022, 4,8 % des élèves sont, par exemple, entrés en 6e avec au moins un an de retard, contre 11,4 % en 2013, et plus de 17 % en 2005. Aujourd’hui, le redoublement est un choix des élèves et des familles, souvent pour consolider des acquis (en fin de CP par exemple) ou projet d’orientation (en fin de collège ou de lycée).
Pourtant, aujourd’hui, Attal décide de revenir sur cette décision, arguant de la baisse du niveau des élèves présentée dans le rapport PISA. Il s’agit ni plus ni moins d’une décision populiste, visant à flatter les instincts réactionnaires d’une partie de la population.
En effet, les études scientifiques, y compris au niveau international, ont un consensus important sur son caractère souvent néfaste pour l’estime de soi des élèves et les trajectoires scolaires des élèves concerné·es. Il reproduit fortement les inégalités sociales, le redoublement impactant plus fortement les élèves issu·es de classes sociales défavorisées. Par ailleurs, il ouvre la porte à une gestion disciplinaire de la difficulté scolaire, le redoublement étant perçu comme une sanction pour les élèves posant des problèmes en classe.
Gageons que les personnels, dans la lignée d’une évolution professionnelle sur le sujet s’étendant sur plusieurs décennies, ne s’empareront pas de la possibilité offerte par Gabriel Attal d’imposer le redoublement aux familles.
SUD éducation appelle les personnels à en débattre, et à adopter des motions collectives dans les établissements pour signifier leur refus du redoublement imposé aux familles.
SUD éducation revendique des mesures pour traiter la difficulté scolaire, non pour la sanctionner : il faut baisser le nombre d’élèves par classe, recruter et former davantage les personnels.