Par deux arrêtés publiés en 2019 (1), le ministère a remplacé le B2i (Brevet informatique et internet) par la certification Pix, dans le but d’aligner la France sur un cadre européen de certification. Avec ce changement, pas question de réfléchir à une pédagogie critique du numérique, qui donnent les moyens aux élèves de comprendre les tenants et les aboutissants des technologies et de leurs usages, adossée à des moyens suffisants. Non, ici, il s’agit de la création d’un cadre de référence des compétences numériques, à la manière du TOEIC pour l’anglais, valable dans le cursus scolaire et surtout reconnue par le monde professionnel.
Pix, en plus d’être une certification, est un groupement d’intérêt public, une structure de droit public créée ad hoc par les décideurs pour centraliser la certification et une partie de la formation des « stagiaires » (qui peuvent s’entraîner sur la plateforme). Plutôt qu’un approfondissement de la prise en charge en interne à l’Éducation Nationale de la pédagogie du numérique (dans le cadre de l’EMI par exemple, que le ministre n’évoque pas), on l’externalise à Pix. On connaît la manœuvre : après l’externalisation, on pourra ensuite très facilement privatiser, comme on l’a fait avec la restauration et l’entretien (C’Midy, qui dépend de la Sodexo).
Pix évalue des compétences, et de ce qu’on peut en voir sur la plateforme, ce sont des compétences ponctuelles et saucissonnées d’informatique de base, d’exécution de tâches courantes, d’identification d’éléments du paysage numérique… Les élèves cliquent, sous forme de quiz, et passent à la suite. Et dans ce bachotage taylorien, le tout-venant du web y passe : il faut identifier des logos des réseaux sociaux et des multinationales du numérique, savoir où cliquer pour utiliser Instagram… Et dans le cas d’une remédiation, on peut être renvoyé vers des chaînes YouTube monétisées ! Belle éducation au numérique !
Les compétences numériques évaluées sont celles « dans les enseignements prévus par les programmes », mais aussi, celles « acquises tout au long de la vie, grâce à la formation continue, voire individuellement et de façon informelle ». Pix, pédagogiquement, c’est donc du lourd : un organisme indépendant du ministère qui forme et certifie les élèves sur des compétences pouvant être acquises complètement en dehors du cadre scolaire.
Comme toujours, le pilotage est complètement descendant. Officiellement, « le chef d’établissement organise la passation de cette certification sur la plateforme en ligne », mais dans les faits, ce seront encore les personnels qui vont exécuter. La gestion verticale, la déconnexion avec les contenus vus en classe au profit du bachotage, l’inadéquation par rapport au matériel disponible ou aux demandes des personnels, le caractère contraignant (passation obligatoire), tout cela rappelle furieusement les évaluations nationales…
Cette vision managériale du numérique pédagogique s’inscrit complètement dans la logique entrepreneuriale du gouvernement : contrats passés entre le ministère de l’Éducation et les GAFAM, déshumanisation de la relation d’enseignement, court-circuitage du rôle des personnels au profit d’intervenants extérieurs…
Nous ne pouvons donc que dénoncer cette vision, appeler à refuser de faire passer Pix, et nous revendiquons :
→ une augmentation de traitement à hauteur réelle des besoins d’équipement informatique, à tous les personnels ;
→ des investissements pour que les établissements puissent travailler avec du matériel de qualité en quantité suffisante ;
→ le renforcement de la formation au numérique pédagogique pour les personnels et les élèves, notamment dans les disciplines dédiées, et fondée sur des logiciels libres : logiciels dont l’utilisateur a le contrôle et qui peuvent ainsi être indépendants des GAFAM ;
→ la prise en charge en interne par l’Éducation Nationale des compétences numériques, sur la base de solutions développées dans un objectif pédagogique, et l’arrêt de toute politique d’externalisation de ces compétences.
(1) Arrêté du 30 août 2019 relatif à la certification Pix des compétences numériques définies par le cadre de référence des compétences numériques mentionné à l’article D. 121-1 du code de l’éducation et Arrêté du 30 août 2019 relatif à l’évaluation des compétences numériques acquises par les élèves des écoles, des collèges et des lycées publics et privés sous contrat
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